jeudi 26 mars 2009

Plage de Manaccora, 16h30 (de Philippe Jaenada)

Bonjour aux touristes
Bonjour aux pompier(e)s
Bonjour aux zotres

Avouons-le d’emblée, à la base j’étais une fausse sceptique ou plutôt une vraie inquiète face au nouveau livre de Philippe Jaenada Plage de Manaccora, 16h30. D’abord le titre. Comment retenir un truc pareil ? Et là de vagues réflexes professionnels stratégico-consultesques me firent me demander ce qui était passé par la tête de l’éditeur (Grasset) pour intituler un bouquin de la sorte, hein ? Ce n’était pas là ma seule crainte mais très vite toutes mes préventions se sont envolées, comme parties en fumée. J’ai adoré ce livre !

Le sujet

Voltaire, sa femme Oum et leur fils Géo jouent les touristes tranquilles dans un coin fort boisé des Pouilles jusqu’au jour caniculaire (le 3e) où un feu de forêt infernal dévaste tout sur son passage les obligeant à fuir. Mais où ? Le seul salut très relatif et temporaire réside sur une plage encaissée où s’entassent des centaines d’autres touristes de toutes nationalités. Si elle les abrite des flammes, elle ne les protège ni de l’angoisse ni de l’asphyxie.

Mon avis

Qui aime bien châtie bien dit l’adage alors commençons par mes trois (petits) "reproches" (comme ça se sera fait et vous allez rapidement vous apercevoir que le concept même de reproche est trèèèèèèèèès relatif) :

1 – Pas le meilleur Jaenada
Mais bon, il faut replacer cette affirmation dans son contexte général en songeant que Le Chameau Sauvage est un des livres que j’emporterais si je ne pouvais en sauver que 5 dans un incendie (vous noterez l’esprit d’à propos quant au choix de l’illustration de mes dires). La preuve ici. DiffiCécile, donc, de faire mieux à mes yeux (zébahis) ce qui n’empêche que j’aime vachement tous les Jaenada que j’ai lus (5). Celui-ci ne fait pas exception à la règle.

2 – Exercice de style
Consacrer 280 pages à des déplacements physiques de quelques centaines de mètres et des attentes angoissées le tout concentré sur 5 heures d’une même journée peut vite devenir fastidieux voire lassant.

J’ai tout de suite compris (car mine de rien j’ai des lettres) que j’avais affaire à une vraie tragédie grecque ou plutôt ritale : unité de temps, de lieu et d’action avec de vrais morceaux de drame pas drôle dedans. On parle tout de même d’un incendie de forêt dantesque un jour venteux de canicule et de centaines de touristes traqués par les flammes, acculés dans une crique encaissée et menacés d’asphyxie. Si le sujet est assez terrible, il n’en reste pas moins mince voire ténu en apparence. Je comprends bien qu’il peut s’agir du sujet d’une vie quand on l’a vécu et qu’on en a réchappé mais comment transformer ces quelques heures d’une expérience traumatisante et intime (l’homme face à soi, face à la mort probable, à celle de ceux qu’il aime tout aussi voire plus probable encore, le courage, la lâcheté, bla-bla tout ça) en récit romanesque susceptible d’intéresser un(e) lecteur/trice détaché(e) du contexte (au hasard, moi) dont les rapports avec le feu se limitent en gros à contrôler machinalement de temps à autres le voyant de sa chaudière à gaz.

Je me demandais comment, même avec son talent et son sens inné de la digression (inné selon l’expression consacrée, mais dans les faits, je suis certaine que ça demande du boulot), Jaenada allait s’en sortir : de la plage un peu, mais surtout du livre et tenir pendant près de 300 pages avec une intrigue aussi mince et même pas de suspens.

Bien justement, il n’y parvient pas ! En fait, sage qu'il est, il n’a pas essayé du tout et, pour notre plus grand plaisir, il larde son récit de moult parenthèses très jaenadesques et de digressions tantôt farfelues, tantôt désopilantes, tantôt émouvantes voire tout ça à la fois. Entre deux sprints affolés et deux quintes de toux, Voltaire (l’anti ?) héros de l’aventure, nous narre des souvenirs peu reluisants ou franchement grotesques à base de crise de larmes devant un plateau de fruits de mer, bouffées d’émotion face à une crevette sénégalaise ou d’humiliation suprême à la porte d’un Hyppopotamus.

Il n'en reste pas moins que la construction du livre apparaît vite systématique : un récit très linéaire d'un événement ponctuel centré sur trois personnages mis en danger et, dans chaque chapitre, une anecdote différente, un récit décalé qui surgit par association d'idées. Le miracle est que ça fonctionne : on est happé non par l'histoire mais par le rythme et les décalages du livre mais aussi par la description (plus que l'analyse) sans fioritures des comportements et réactions humaines en situation de survie.

3 – Ma ridiculitude
Une fois de plus je me suis ridiculisée dans le métro à cause de Monsieur Jaenada. Pfeuhhh ! Lire un livre drôle (mais pas que, vous l'aurez compris) en pleine heure de pointe est un exercice dangereux qui, à chaque gloussement, expose à des regards entendus voire hostiles de la part des autres voyageurs/ses. Alors oui, vraiment, merci beaucoup Monsieur Jeanada de m'avoir fait passer une fois de plus pour une demeurée aux yeux des usagers de la ligne 6 !

En gros - J'ai aimé tout le reste et même les 3 points précedents
Vous étiez prévenu(e)s que mes réticences étaient légères et je maintiens que ce livre est excellent. On y retrouve tout ce qu'on aime chez Jaenada : son humour désabusé, ses parenthèses endémiques (j'adore !!!), sa balourdise tendre, sa gravité légère, son art de mêler le rire au drame, de ne se prendre jamais tout à fait au sérieux parce que l'essentiel est ailleurs. Comme il a raison !


Quelques liens

Le site de
Jaenada
Autres avis (je précise que je n'ai pas trié : je n'ai lu que des avis positifs) :
Amanda - noir comme un polar - Monsieur Carlita - femmes.com - TV5 Monde - Cuné - Chez Yv

Conclusion
Un livre qui rappelle plutôt "Le Cosmonaute" que "Le Chameau Sauvage". Quoique. Enfin je ne sais pas et peu importe. A lire d'urgence et d'un seul souffle sur la plage où ailleurs mais pas en forêt !


Infos sur la séance de dédicaces du jeudi 26/03/09 ici

12 commentaires:

Hosfor a dit…

Je suis impatient de finir ce message pour courir acheter ce livre. J'ai lu le Chameau sauvage, seul, dans un Eurostar. Mes éclats et larmes de rire dans le cadre compassé d'un wagon de première classe, entouré d'hommes sérieux concentrés sur les tableaux excel de leurs ordinateurs sont pour moi inoubliables.

Cécile Qd9 a dit…

Le thème se prête moins à la franche rigolade et pourquoi pas l'acheter ce soir et le faire dédicacer ?

Anonyme a dit…

Je m'y attelle très bientôt en espérant rire autant que toi

Sylvie a dit…

Dans le dernier numéro de Décapage, des extraits du "journal intime" de Philippe Jaenada, l'explication du titre notamment :-D

Anonyme a dit…

Je l'ai noté depuis un certain temps. A noter que le titre a fait l'objet d'un remue-méninges chez Wrath.

Cécile Qd9 a dit…

@ Yv : vu le thème, ce n'est pas le plus désopilant de Jaenada et c'est en cela que je disais qu'il se rapproche plus du Cosmonaute que du Chameau Sauvage...

@ Cuné : mais encore ? ce teasing me tue (enfin pas tout à fait mais presque)

@ Daniel : "remue-méninge chez Wrath" : n'est-ce pas un brin redondant... ;o)

Sylvie a dit…

Ce n'est pas un teasing, Décapage est une revue, elle est en kiosque, il y a 3 pages pleines "Le journal littéraire de..." et cette fois c'est Philippe Jaenada qui s'y est collé, voilà :-D

Anonyme a dit…

quelques semaines plus tard, il ne m'en reste pas grand chose, si ce n'est le souvenir d'un bon moment, et l'envie de lire d'autres Jaenada. C'est déjà pas mal ?!

Cécile Qd9 a dit…

@ Cuné : je sais que décapage est une revue et ce que tu écris est bel et bien en teasing dans le sens où tu nous appâtes, tu nous allèches et puis ensuite tu nous laisses salivant sans nous donner l'explication. oh que c'est cruel !!!

@ Amanda : c'est déjà fort bien en effet et oui, tu as raison, quelque part, ce livre est sans doute le moins marquant des 5 Jaenada que j'ai lus. Je doute que tu aies la même sensation après avoir lu Le Chameau sauvage ou encore Le Cosmonaute (et ce que tu aimes ou pas).

Sylvie a dit…

:-D Je ne peux pas te résumer 3 pages en quelques lignes, et puis surtout pas aussi bien que lui, faut lire ce qu'il en dit, c'est tout ;o)

Yv a dit…

Je viens de finir. Je ne connaissais pas Jaenada, mais franchement j'aime beaucoup. Quel talent pour la digression !

Cécile Qd9 a dit…

@ Cuné : c'est bien ce que je dis : teasing parfait ! ;o)

@ Ys : eh bien réjouis-toi doublement : du fait d'avoir découvert un auteur que tu apprécie d'une part et à l'idée de découvrir le Chameau sauvage ou encore vie et mort de la jeune fille blonde d'autre part...