lundi 9 mars 2009

Le Petit Malheureux (de Guillaume Clémentine)

Bonjour aux malheureux/ses de toutes tailles
Bonjour aux zotres

Je poursuis dans ma veine recyclage et entre le kiwi et le Clémentine, je vous livre le fruit de ma réflection plus sucrée qu'acide datant du 18/08/06.

Le hasard de mes choix littéraires a fait que j'ai lu l'un après l'autre et avec le même intérêt LE PETIT MALHEUREUX de Guillaume Clémentine et TERRE DES HOMMES d'Antoine de Saint Exupéry. On ne peut rêver personnalités et approches de la vie plus radicalement opposées. LE PETIT MALHEUREUX présente le portrait d'un trentenaire certes intelligent mais velléitaire et larvesque à souhait tandis que Saint Exupéry loue l'action et le sens des responsabilités à chaque page.

LE SUJET

A 30 ans, Guillaume est une caricature d'adulescent irresponsable et immature : il n'a jamais travaillé, jamais eu de succès auprès des filles mais s'est beaucoup saoulé et fait beaucoup d'ennemis. Il raconte quelques tranches de vies et fantasmes inaccessibles en 9 chapitres cyniques, désabusés et drôles.

A noter : ce livre est édité en format poche dans la très jolie et très colorée collection "motifs" du Serpent à Plumes.

MON AVIS

Le premier et le dernier chapitre du roman sont intitulés "les rêves du petit malheureux" (rêve cycliste pour le premier et rêve de fille pour le dernier) tandis que les 7 autres sont "la vie du petit malheureux". Chacun est plus ou moins rédigé sous forme de nouvelle tant et si bien qu'on peut pratiquement lire le livre dans le désordre. On retrouvera de toute façon les mêmes ingrédients à chaque page : beaucoup d'humour, un style incisif très agréable et le comportement d'horrible tête à claques du personnage principal, tantôt irresponsable, tantôt goujat, tantôt simplement méchant, tantôt tout cela à la fois. Il ne faut donc pas s'attendre à un récit linéaire mais à des tranches d'une vie bâclée, en friche, sans but, sans ambition, sans envies si ce n'est celle d'un minimum d'efforts.

Les 176 pages de ce court roman passent comme une lettre à la poste et ce portrait de trentenaire de la fin du XXe siècle éveille forcément des échos en chaque lecteur tant il est vrai que notre époque produit de telles personnes. On rit souvent, parfois jaune tant il est vrai qu'au delà de la caricature (pas si excessive) pointe une étonnante lucidité tantôt complaisante, certes, mais souvent résignée voire quelque peu désespérée en tout cas nihiliste.

Bref, je me suis régalée et je suis (presque) tombée en extase quand j'ai lu à la page 151 le nom de CALAFERTE. Un auteur qui cite Louis Calaferte et fait explicitement référence au livre culte qu'est SEPTENTRION ne peut pas être mauvais, c'est impossible... D'ailleurs le héros de Clémentine pourrait être un enfant naturel (version légère) du narrateur de Septentrion.

EXTRAITS

Et puis, un jour, on a tous mis la tête dans la tapette à rats. Comment met-on la tête dans la tapette à rats ? C'est très simple et très banal à la fois. Une vieille rengaine qui existait déjà avant J.-C., il suffit juste de rajouter des fax, des bagnoles et des digicodes, c'est la première à droite en sortant de vos vingt ans, vous pouvez pas vous tromper. Alors voilà : vous trouvez un matin dans votre salle de bain une brosse à dents qui n'est pas la vôtre. Puis vous donnez les clefs de chez vous à celle qui vous a choisi. Vous comprendrez d'ailleurs assez vite qu'on ne dit plus "chez vous", mais "chez nous". Le processus d'aliénation se poursuit en général par l'achat d'un animal domestique, un chat si possible, le chat étant une métaphore rassurante de la liberté qu'on vous laisse : la liberté contrainte par les murs. Vous pourrez toujours vous réfugier pour lire aux chiottes, la nouvelle Zone NoNo. (P.24)

Le processus d'aliénation se terminera inévitablement par la venue d'un enfant, sauf si vous êtes un créateur, auquel cas vous voudrez absolument faire le malin et vous distinguer, en accouchant, par exemple, d'une oeuvre d'art quelconque. Mais, si vous êtes bien membré et totalement dépourvu d'imagination, l'hypothèse la plus probable est que vous devrez rapidement faire l'acquisition d'une poussette pour y déposer le fruit de ce que vous avez enfanté. Il vous faudra alors non pas choisir mais trouver ou garder absolument un boulot, n'importe lequel, si possible dans la fonction publique, au moins là-bas personne ne vous empêchera de dormir. (P.25)

Enfin, voilà comment la plupart des jeunes chiens fous que nous fûmes un jour sont devenus adultes. Quant aux autres, ceux qui n'ont pas su ou pas voulu marcher dans la combine, ils deviennent victime de leur liberté et vivent dans l'aigreur d'une solitude effroyable. Je leur laisse le choix entre le suicide et la cégété. Quant à moi, je refuse de choisir. (...) Je me contente de m'adonner à la solitude et à la paresse, cette forme aristocratique de la dépression pratiquée par tous ceux qui ont la pudeur de leurs sentiments. J'essaie seulement d'échapper à mes mauvais souvenirs et de tuer l'ennui avec des bouteilles de scotch et des filles mal faites. Ma vie se décline au conditionnel : j'aimerais, je voudrais, je serais. Je ne fais rien. Je n'attends rien. Je n'espère rien. Je ne vous demande rien. Je vous regarde et je veux toujours croire que je vous emmerde. (P.26)

Elle était caissière chez Leader Price. Elle m'a repéré assez vite, tu m'étonnes, même quand il n'y avait personne à l'autre caisse, je faisais la queue à la sienne pour durcir la mienne. Elle n'était pourtant pas d'une beauté fracassante, avec sa tête à taper le bras de fer avec les routiers entre Toulouse et Narbonne. C'était une fille à sortir seulement la nuit, sans vos potes, de préférence à la campagne, loin de la lueur des réverbères. A première vue, elle appartenait à l'innombrable cohorte de ces pauvres victimes qui se verront offrir un aspirateur par leurs beaux parents le jour de leur mariage. (P.139)

ARTICLES

http://www.technikart.com/article.php3?art_uid=1745&id_rubrique=24
3 premiers romans biographiques de la nonchalance
http://www.amazon.fr/gp/product/2842611195/403-2615139-8308417?v=glance&n=301061
Texte du 4e de couverture et un commentaire d'internaute intéressant
http://aubry.free.fr/cclementine.htm
Une critique assez détaillée incluant des résumés de certains des 9 chapitres (considérés comme des nouvelles)

CONCLUSION

Un portrait d'adulescent lucide et décalé qui devient, un peu celui d'une génération perdue. A lire parce que la vie est trop courte pour la et se prendre au sérieux. L'auteur m'a dit que son livre était épuisé (mais il se trouve d'occasion). Alors, le Serpent à Plumes ? A quand une réédition ?

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Qu'est qu'il est drôle ce livre... Je suis tombé sur votre article en cherchant des nouvelles de l'auteur et surtout d'un hypothétique deuxième roman. A ce que je vois vous avez été en contact avec lui. Alors, des nouvelles??
Vincent

Anonyme a dit…

Oui quoi de neuf ? qu'est Guillaume devenu que j'ai croisé qqfois ? et qui se foutait de moi parce que j'avais amené des gâteaux à l'une des soirées parisiennes dans sa demeure banlieusarde perdue à l'autre bout de ce petit monde.

Signé Bidulette.

Unknown a dit…

Guillaume n'a pas l'intention d'écrire un deuxième livre. Mais qui sait ?
Il apparaît dans un personnage d'une pièce de théâtre écrite par un de ses amis, qui a pour autre talent l'art de la fresque provocatrice. Pièce non publiée, non encore jouée.

On trouve toujours le livre de Guillaume à acheter sur priceminister.

Peter Hell-Bee

Anonyme a dit…

toujours pas de deuxième livre ....ça fait des années que je l'attends ,guillaume c'est pas sympa d'écrire un chef d'oeuvre et de laisser tout tes lecteurs en plan
ps: oui, je sais qu'il le lira pas ces lignes.....mais purée, ça fait du bien de le dire