mardi 3 mars 2009

Cantique de la Racaille (Vincent Ravalec)

Bonjour aux chanteurs/euses de cantiques
Bonjour aux racailles
Bonjour aux zotres

Ce message a initialement été rédigé le 08/09/06 pour le groupe yahoo "quoide9". Vincent Ravalec faisait partie de ma pré-sélection pour le challenge de lectures de nouvelles de février mais son recueil n'a pas obtenu la majorité de vos suffrages... Ce n'est pas une raison pour ne pas vous conseiller chaudement l'excellent Cantique de la Racaille (adapté au cinéma par l'auteur avec Yvan Attal dans le rôle principal).
Dans un bac de polars au square Georges Brassens (2 euros pièce, 3 pour 5 euros), j'ai mis la main sur un recueil de nouvelles "un pur moment de rock'n'roll" de Vincent RAVALEC. Le titre me dit immédiatement quelque chose (mais quoi ?) et je feuillette le volume avec intérêt avant de tomber sur un second recueil de nouvelles du même auteur dont je suis certaine d'avoir déjà entendu parler (mais où et quand ?) et puis je trouve le roman "CANTIQUE DE LA RACAILLE" et je décide immédiatement de l'acquérir en plus de Terre des hommes de Saint Ex. et d'un livre en italien parce que je veux m'y mettre ENFIN sérieusement (ben oui... je sais, je sais...).

Le sujet

Peu avant Noël, Gaston, petite frappe trentenaire, prend en stop Marie-Pierre, une beauté havraise un peu paumée d'à peine 17 ans. Il la ramène avec lui à Paris étonné qu'une telle splendeur tombe dans ses bras et ne semble pas pressée d'en partir... Dès lors, Gaston va passer à la vitesse supérieure, laisser tomber les petites combines minables pour des coups vraiment juteux et mener la grande vie avec sa belle... Tout baigne, l'argent coule à flot et les occasions en tous genres ne manquent pas. Mais est-ce que ça va durer ?

Mon avis

Ce polar (premier roman de Vincent Ravalec) a obtenu le Prix de Flore tout comme "Le Chameau Sauvage" de Philippe Jaenada que j'avais adoré lorsqu'on me l'avait fait découvrir. J'avais hâte de voir si le même miracle allait se produire à nouveau avec cet autre polar. Et ce fut le cas. J'ai adoré ! Que dire de plus ? C'est génial, moderne, chaud, bien écrit, cru, violent, intéressant, fort, décalé... et on sourit souvent.

La particularité de ce livre dont l'action se déroule sur un an exactement est d'être écrit à la première personne du singulier. Le récit est narré par Gaston lui-même dans un style très parlé, ce qui est beaucoup plus difficile à réussir qu'il n'y paraît tant cela peut être rapidement artificiel et fastidieux à lire. Cette forme est assez rare dans le domaine des polars et l'effet produit est très intéressant. Cela me rappelle un peu le fabuleux "Aucune bête aussi féroce" d'Edward Bunker dont j'ai déjà parlé ici-même il y a un petit moment déjà (j'ai la flemme de chercher quand dans les archives mais elles sont à votre disposition).

Outre l'intérêt propre du récit et le côté vraiment crédible de ce qu'on peut lire, je trouve que la psychologie des personnages est très finement esquissée, un mélange de ruse et de bêtise, d'inculture et de volonté implacable, de violence et de naïveté, de beaufitude et de tape à l'oeil, de violence et de passivité, de veulerie et de débrouillardise, le tout en parfaite inconscience et dans une confusion quasi permanente entre le rêve de gosse et la réalité. Gaston est à la fois risible et fascinant, attendrissant et terrifiant.

Un seul petit bémol à mon avis, 2 passages (très brefs) dispensables mettant en scène des rencontres avec une vieille fermière d'une part et un auto-stoppeur d'autre part. Je trouve que ces quelques pages n'apportent strictement rien au contraire.

Un extrait

Pages 57 à 60, Gaston et Marie-Pierre sont à Etretat avec un certain Joël. Je trouve cet extrait anecdotique assez révélateur du style du roman et du profil des personnages principaux.

(...) c'était limite juste pour se faire servir encore à déjeuner, hors saison ce n'est pas la bousculade pour accueillir le touriste, on s'est posés dans un resto, Le Corsaire, sur la promenade avec vue sur les flots, Marie-Pierre avait les joues toutes roses, regarder la mer ici était complètement différent du Havre, tu sais pourquoi a dit Joël, c'est toute la merde qu'on leur balance de Paris, l'eau de la Seine est tellement crade qu'il y a de quoi les empoisonner à l'aise. Marie-Pierre a approuvé, les Parisiens, partout c'était pareil, c'était eux les pollueurs, elle a commandé des moules normandes, Joël et moi avons suivi, et après du poisson c'était l'endroit ou jamais pour en prendre, quoique, paraît-il que le plus frais et le vraiment premier choix est réservé pour Rungis. Pas du tout s'est défendue Marie-Pierre, le super c'est pour les restaurants du pays qui s'y connaissent comme ici, et la serveuse l'a approuvée.
Les moules sont arrivées et meilleures je n'en avais pas encore mangé, elles étaient fraîches ça se sentait, leur consistance et même le goût, et ils avaient le chic pour vous balancer une sauce avec de la crème fraîche on l'aurait dégustée à la cuillère, (...). Le seul problème avec les poules c'est qu'on s'en met partout, j'avais un mal de chien à me dépatouiller de ma sauce et de mes coquilles vides.
- Bougez pas s'est empressé la serveuse, je vais vous débarrasser.
C'était un bon choix ce restaurant, la cuisine était bonne et le service aussi, Joël et Marie-Pierre étaient à fond d'accord avec moi, et pas trop cher, à Paris une gamelle comme ça c'est minimum un pascal par personne a évalué Joël, et juste en face de l'Aiguille a dit Marie-Pierre, c'est pas n'importe quoi comme endroit, plein de films sont tournés là. Sur le moment je n'ai pas réalisé, je n'avais pas fait le rapprochement, c'est quand la serveuse a posé les plats que j'ai compris de quoi il s'agissait. C'est l'Aiguille d'Arsène Lupin, l'Aiguille creuse j'ai demandé. La serveuse a confirmé, du monde entier des gens venaient pour la voir, de là où je me trouvais on l'apercevait, comme sortie de la mer. Joël m'a interrogé du regard, qu'est-ce que c'est l'Aiguille creuse, je ne connais pas.
- Mais si, c'est déjà passé à la télé, Arsène Lupin c'est archiconnu.
Marie-Pierre ne remettait pas précisément à quelle époque il avait vécu mais elle se rappelait très bien les épisodes où il venait par ici, ils les avaient rediffusés récemment et chez elle personne n'avait loupé l'événement, elle connaissait même des bouts de la chanson par coeur, c'est un gentleman-cambrioleur, car il lui fait porter des fleurs, porter des fleurs on a repris en coeur, maintenant Joël s'en souvenait, lui aussi s'en souvenait, lui aussi l'avait vu à la télé.
- C'était un mec incroyable, t'imagines même pas tout ce qu'il était capable de faire, avec lui les condés devenaient fous, c'était pire que Mesrine.
Quant à l'Aiguille il en avait fait son repaire, l'intérieur était bourré de butins, dix fois plus encore que chez mon fournisseur, des tableaux rares, les choses provenant de musées et qu'il avait remplacées par des copies, tellement bien faites que personne ne se rendait compte de rien, même la Joconde n'avait pas échappé à la razzia, les originaux il les conservait en parfait état, si c'était nécessaire il les faisait restaurer, avec ses trésors on aurait pu faire un palais plus grand que le Louvre, et quand il volait c'était toujours en douceur, sans violence aucune, avec des scénarios incroyables, tu verras j'ai proposé à Joël, je te prêterai des livres, c'est vraiment la grande classe.
- Et maintenant qu'est-ce que c'est, c'est toujours creux en dedans ou bien...
Sincèrement je ne savais pas, Marie-Pierre non plus.
- Je suppose qu'ils ont dû le murer, ou alors l'Etat l'a récupéré en douce, c'est une position stratégique, si j'étais un service secret c'est typiquement le genre de cache sur laquelle j'aimerais mettre la main.
- Avec tout le monde qui connaît ?
- Justement, l'a contré Marie-Pierre, tout le monde connaît mais personne ne s'en doute.
- Exactement, j'ai dit.
Elle était vraiment loin d'être idiote.

Conclusion

Un excellent polar comme je les aime. Une chose est sûre, je relirai du Ravalec...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai du lire quelque chose de lui, mais je ne me souviens pas quoi... enfin, je note celui-ci qui a eu ton approbation !

Cécile Qd9 a dit…

Il l'a eu et il l'a encore ! :o)

Anonyme a dit…

J'ai lu ce roman il y a deux ans et j'avais vraiment beaucoup aimé, j'avais trouvé les personnages très bien traités et je m'étonnais que peu de gens en parle! Tu répares ça!

ficelle a dit…

Il ne me reste que quelques pages, et je dois dire que j'ai pris beaucoup de plaisir à le lire. Pourtant, je ne l'ai pas appréhendé du tout comme un polar et je ne le classerai pas dans ce genre-là, plutôt roman d'apprentissage…
Merci pour cette découverte presque forcée (tu l'as carrément glissé dans ma boîte aux lettres ;-)
C'est un livre que je vais pouvoir conseillé à la jeunesse non lectrice qui m'entoure…

J'essaie de faire une petite note dessus dans le cadre du prix !