lundi 30 mars 2009

Les hommes protégés (Robert Merle)

Bonjour aux hommes et aux femmes qui se protègent (important quoiqu'en dise Benoît 16)
Bonjour aux zotres

Jusqu’ici j’étais très satisfaite des livres choisis par mon fidèle lectorat dans le cadre de mes challenges de lectures mensuelles : vous avez toujours élu les deux que je préférais ou que j’avais le plus envie de lire (ce n’est pas forcément pareil). Cette fois ci, vous avez sélectionné le livre que je ne voulais pas lire parmi les 5 (sélection ici) !


En fait, je m’attendais sincèrement à lire Romain Gary (là j'avais raison) et L’espèce Humaine de Robert Antelme. Les premiers jours de scrutin me confortaient dans cette assurance puisque le témoignage d'Antelme caracolait en tête. Alors quelle surprise teintée de déception quand, dans la dernière ligne droite, le livre que j’attendais le moins a repris du poil de la bête et coiffé mon favori au poteau ! De deux choses l’une :
- soit mon fidèle lectorat est sadique ce que je ne peux concevoir tant il est vrai qu’à côté de la blogosphère le pays des Bisounours c’est Bagdad !
- soit mon fidèle lectorat a mauvais goût ce que j’imagine encore moins puisqu’il me lit ce qui suffit à prouver la pertinence de ses choix et la sûreté de ses jugements intellectuels et esthétiques.

Alors quoi ?
Hum… J’imagine que mon fidèle lectorat n’a pas majoritairement voté ou qu’il s’est souvenu de mes penchants féministo-sociologico-analytico-relationnels et a cru me faire plaisir en me proposant ce livre sur fond de « girls power ». Oui mais non, je vais tenter de vous expliquer pourquoi.

Le sujet

Suite à une épidémie fatale touchant exclusivement les hommes adultes, ceux-ci sont menacés de disparition et quelques uns se voient « protégés » dans des centres fermés tandis que toutes les responsabilités se voient désormais confiées à des femmes. Aux Etats-Unis, le pouvoir échoit à une militante féministe extrémiste prônant une politique fondée sur la haine des hommes. Dans ce contexte, le docteur Martinelli, un des rares « hommes protégés » livre une course contre la montre pour trouver un vaccin contre la maladie sur fond de dégradation sensible de la condition masculine, de brimades psychologiques, de harcèlement et de menaces.

Mon avis

Le thème du renversement des rôles sociaux m’intéressait à la base mais je craignais d’être déçue par son traitement et j’avais raison pour diverses raisons.

Tout d’abord replaçons le livre dans le contexte de l’œuvre de Merle et de son époque. De l’excellent La mort est mon métier à Fortunes de France, Robert Merle a écrit des livres aux thèmes excessivement différents parmi lesquels il s’est, à plusieurs reprises, intéressé à des situations d’anticipation et/ou de survie/évolution d’un monde modifié par un progrès scientifique, une découverte, un événement catastrophique. Les hommes protégés appartient à cette veine et le propos de Merle est d’y étudier les conséquences d’une quasi disparition du sexe masculin dans un régime totalitaire prônant la haine des hommes.

Seulement voilà, contrairement à d’autres tentatives comparables (dans l’esprit) livrées dans Un animal doué de raison ou Malevil par exemple, Merle ne parvient pas tout à fait à convaincre ici. Tout d’abord, le livre a été écrit en 1974 et il semble terriblement daté et certaines situations imaginées par Merle ne sont plus concevables aujourd'hui parce que les relations hommes/femmes ont fort heureusement évolué.

Ensuite, on ne croit pas trop à la soudaineté des changements. Dans Malville, ils étaient dûs à une catastrophe, ici, il y a catastrophe aussi, certes, mais c'est surtout l'évolution foudroyante du comportement et des mentalités féminines qui sous-tendent les changements décris. Et on n'y croit pas.

Certes, l'histoire est pleine d'exemples de situations ahurissantes dont il aurait été difficile d'imaginer l'horreur et l'ampleur quelques semaines ou quelques mois plus tôt (génocides divers, attentats variés) mais la faisabilité de ces atrocités reposait sur un terreau d'antisémitisme, de rivalités géographiques ou religieuses sur lequelles quelques uns se sont appuyés pour atiser des haines qui couvaient déjà plus ou moins sous les cendres.

Je ne crois absolument pas que les femmes haïssent les hommes et je ne crois pas à la possibilité de l'avénement (en quelques mois dans le contexte du livre) d'une société occidentale (en l'occurence les USA) parfaitement misandre où l'idée de la sexualité hétérosexuelle serait condamnée et où toutes les persécutions décrites dans le livre seraient légitimées.

Il y a dans ce livre une tendance lourde à l'exagération (fantasmatique ?) qui nuit à la cohérence et à l'intérêt du propos et un chapitre saupaudré de sadisme à 2 balles est même parfaitement ridicule (et totalement dispensable dans le livre).

En fait, le plus intéressant n'est pas l'histoire du professeur Martinelli lui-même (d'ailleurs un peu tête à claque et d'une passivité exaspérante) mais certains passages portant sur les conséquences de la politique totalitaire et sexiste des USA sur les relations internationales ou sur la sexualité des adolescentes, prouvant que Merle est nettement meilleur et plus imaginatif quand il analyse que lorsqu'il se contente de raconter.

Dommage qu'il ne le fasse pas plus souvent dans ce livre finalement bourré de clichés et e réflexes misogynes.

Conclusion

J'ai parfois été agacée, parfois captivée mais le plus souvent je me suis contentée de tourner les pages en attendant qu'il n'y en ait plus. A lire comme un curiosité anachronique ou si on a déjà lu tout Merle.

11 commentaires:

Anonyme a dit…

bonjour Cécile,
J'avoue ne pas avoir lu ce livre-ci et n'ai de merle qu'une connaissance partielle, reposant sur malevil et "La mort est mon métier" (les Bienveillantes avant la lettre, quoi). Je te vois très remontée contre l'invraisemblance politique du propos. Mais peut-être le traitement narratif a-t-il pour efet de présenter l'ensemble comme une sorte de fable pour adulte ? J'espère bien effectivement que les femmes ne détestent pas unanymeent les hommes en tous cas ...
à plus et merci pour ce décortiquage.
le koala

Cécile Qd9 a dit…

@ Koala : oui je suis remontée car déçue par un auteur dont j'ai vraiment apprécié plusieurs livres dont le formidable (à mes yeux) La mort est mon métier.
J'ai bien saisi le côté fable pour adulte et je ne suis pas contre un postulat invraisamblable servant de base à un développement narratif qui se tient si on accepte le présupposé de départ mais ce que je reproche ici c'est qu'il y a des invraisemblances y compris vis à vis du postulat de départ et que le livre est très très inégal en fonction des chapitres et des idées développées.

mazel a dit…

un livre bien ennuyeux... clichés sur clichés... dommage

Daniel Fattore a dit…

En 1974, qui sait il a pu lire le "SCUM Manifesto" de Valerie Solanas, papesse de la misandrie...

... reste que cette critique en demi-teinte me donne envie d'en savoir plus sur ce bouquin. Merci pour le tuyau, donc!

pagesapages a dit…

Ah, ben je n'ai lu que L'Idole de Merle et je l'avais adoré (construction polyphonique très chouette). Et là, je sens que je ne vais pas essayer de "m'y coller". Je suis convaincue par ton analyse.
:-)

Cécile Qd9 a dit…

@ Mazel : oui, pas mal de clichés et de remarques finalement assez naïves. Tu l'as lu aussi ?

@ Daniel : ah ou, livre culte... ça pourrait être une forme de réponse ou de référence en effet. mais plutôt râtée même pas ironique ou caricaturale. Plutôt bancale. Je serais en effet curieuse de lire ton avis.

@ pagespages : je note l'idole et de ton côté note "la mort est mon métier"

Alain a dit…

Là, par contre, je te trouve très sévère avec Robert Merle !!! Il écrivait tout de même très bien (surtout les sagas historiques) et si ce titre n'est pas mon préféré, "L'idole" est pour moi un pur chef d'oeuvre.

Melanie B a dit…

Pour moi, Robert Merle, ça a commencé avec Un animal de raison, lu à 11 ans et que j'avais adoré. Voilà quelque temps que Malevil et La mort est mon métier me font de l'oeil dans ma bibli. Je ne sais pas pourquoi je ne les ai pas encore lus, je suis sûre qu'ils vont me plaire (alors que celui que tu viens de lire, je vais m'en passer je crois, car je sens que je vais partager ta critique). Bizarre, ces atermoiements, non ?

PS : rien ne t'empêche de lire Robert Antelme en numéro 3/bonus, si ?

Melanie B a dit…

Je voulais dire Un animal doué de raison, bien sûr !

DF a dit…

Rebond sur ce billet, dont je me souviens en ce jour: je viens justement de commencer la lecture d'un livre qui présente le même point de départ (un virus mystérieux tue les hommes en masse, en épargnant les femmes). A suivre! Il s'agit de "YXSOS" de Pierre de Grandi; ça vient de sortir.

antihuman a dit…

Je vois pas ou ce livre est "finalement bourré de clichés et de réflexes misogynes."

De toute évidence c'est le grossier avis de quelqu'un qui ne l'a pas lu ! de plus le tout se finit très mal...