vendredi 22 janvier 2010

Le voyage dans le passé (Stefan Zweig)

Bonjour à celles qui
voyagent dans le passé
Bonjour à celles et ceux qui cheminent dans le présent
Bonjour à celles et ceux qui naviguent dans le futur
Bonjour aux zotres


Depuis sa parution l’an dernier, j’ai su que je lirais ce livre. Je l’ai conquis de haute lutte face à Alice lors du dernier DLE, pour ne pas dire suite à un odieux chantage (dont je n’éprouve cependant aucune honte).

Le sujet

Un homme et une femme qui se sont aimés et que la vie a séparés, se retrouvent 9 ans plus tard et tentent de renouer.

4e de couverture

Ce que dit la 4ème de couv' : Le voyage dans le passé est l'histoire des retrouvailles au goût amer entre un homme et une femme qui se sont aimés et qui croient s'aimer encore. Louis, jeune homme pauvre mû par une " volonté fanatique " tombe amoureux de la femme de son riche bienfaiteur, mais il est envoyé quelques mois au Mexique pour une mission de confiance. La Grande Guerre éclate. Ils ne se reverront que neuf ans plus tard. L'amour résiste t-il à tout ? A l'usure du temps, à la trahison, à une tragédie ? Dans ce texte bouleversant, jamais traduit en français jusqu'à ce jour, on retrouve le savoir-faire unique de Zweig, son génie de la psychologie, son art de suggérer par un geste, un regard, les tourments intérieurs, les arrières-pensées, les abîmes de l'inconscient.

Mon avis

Ah ! le beau sujet : L’amour est-il soluble dans le temps ? Idéalisé ou au contraire condamné par la distance et l’absence ?
Ah ! la bonne nouvelle : C’est un inédit de l’incomparable Stefan Zweig qui le traite.
Et puis tout de suite, le doute s’installe pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, en ouvrant le livre, j’ai la surprise de constater qu’il s’agit d’une édition bilingue. Cela ravira les germanophiles avides de lire l’œuvre en V.O. mais cela signifie que le texte (écrit très gros) est moitié moins épais qu’il n’en a d’abord l’air. On se demande alors pourquoi l’éditeur a ressenti le besoin de cette fantaisie, pourquoi il a manifestement cherché à gonfler le nombre de pages vendues.
Une seconde question surgit alors : comment se fait-il qu’une nouvelle de Zweig n’ait pas été traduite en français ?

Pour avoir lu déjà 6 ou 7 ouvrages de cet auteur et apprécié la finesse de sa prose et la sensibilité de ses analyses de l’âme humaine, la réponse arrive assez vite : cet opus n’est pas à la hauteur de l’œuvre de Zweig et là où ses autres nouvelles excellaient à installer un climat, une émotion, à mener un récit et des analyses pertinentes en peu de pages (La confusion des sentiments, 24 heures de la vie d’une femme, lettre d’une inconnue, etc.).

Bien sûr, le récit n'est pas dénué d'intérêt mais de Zweig on attend forcément plus surtout sur un sujet comme celui-ci. Ayant d'une manière ou d'une autre déjà expérimenté ce périlleux voyage dans le passé, j'attendais de retrouver dans le livre les émotions, les espoirs, les étonnements, les comparaisons, les désillusions, etc., toute cette palette de sentiments complexes que j'avais éprouvés, toutes ces tentations et tentatives de confrontations de souvenirs, cette confusion entre ce qui était véritablement de l'ordre du présent et ce qui appartenait au passé. Je n'ai rien retrouvé de tout cela dans la nouvelle de Zweig à laquelle il manque un souffle, une passion, une vérité qui coulent habituellement avec tant de justesse dans les pages de Zweig.

Dans le vieux parc solitaire et glacé, deux spectres cherchent le passé.

Même en gardant en mémoire les deux superbes vers de Verlaine cités dans la nouvelle, force est de constater que Le voyage dans le passé ne fait qu’effleurer son sujet et frôler les instants de grâce qui parsèment d’autres pages de Zweig. Celles-ci ne parviennent jamais à émouvoir vraiment et rarement à intéresser. On a plus l’impression de lire un résumé du livre que le livre lui-même et les personnages manquent de chair, de profondeur. On peut également déplorer la rareté de ses petits détails chers à Zweig, de ses gestes ébauchés, de ses regards suggérés, de ces non-dits palpables qui rendent ses rapports humains si crédibles, si douloureux et si passionnants.

Peut-être ai-je trop cherché dans ce récit les échos de ma propre expérience, de mes propres rapports aux voyages et au passé ? Sans doute mais c'est pour moi un argument de plus pour souligner (et regretter) la superficialité du texte.

Quelques liens

Double je en dit plus que moi sur le contenu même de l'intrigue (trop à mon goût) mais sur un mode nettement plus enthousiaste
Lilly et ses livres parle d'un véritable bijou et raconte aussi le contenu du texte.
Même si je ne partage pas son avis, j'aime beaucoup la critique de Deedee très positive elle aussi et plus analytique. Disons que nous nous sommes posées les mêmes questions sur le texte et que nous n'apportons pas les mêmes réponses suite à notre lecture...

Conclusion

Un livre qui ne m’a pas transportée. Un voyage un peu manqué. Je déconseille à quiquonque ne connaissant pas encore l'oeuvre de Zweig de commencer par ce titre.

3 commentaires:

ficelle a dit…

Il me semblait avoir entendu ou lu que ce texte n'avait pas été terminé, ou validé en quelque sorte, par l'auteur ? Ce qui expliquait tes impressions, que j'ai lues ailleurs mais je ne sais plus où…

Océane a dit…

Je ne connaissais même pas ce titre ! C'est un inédit ? Je ne sais pas si je le lirais, j'ai un bon souvenir de Stephan Zweig en général... les œuvres sorties de derrière le fagot, je m'en méfie. A tort peut-être...

Cécile Qd9 a dit…

@ Ficelle : merci pour cette info qui expliquerait beaucoup de choses effectivement

@ Océane : Eh oui, inédit.