vendredi 2 janvier 2009

Le pays sans adultes (d'Ondine Khayat)

Bonjour aux enfants
Bonjour aux adultes
Bonjour aux zotres


Après
le fiasco du Chemin des sortilèges de Nathalie Rheims, de loin le plus mauvais livre que j'ai lu en 2008 (il en faut bien un remarquez, mais celui-là a vraiment fait du zèle pour mériter sa palme), j'avais décidé de passe mon tour sur la proposition de lecture suivante que m'adresserait Chez Les Filles.

Et puis, j'ai commencé à lire moult avis positifs voire dithyrambiques sur Le pays sans adultes d'Ondine Khayat édité chez Anne Carrière. Sans être aussi enthousiaste que certaines, je dois reconnaître que ce livre n'est pas mal du tout et j'ai lu ses quelques 333 pages quasiment d'une traite.

Le sujet

Yacine le narrateur a onze ans, son aîné Maxence en a 13. Tous deux et leur mère sont régulièrement victimes des coups de leur père surnommé le Démon. Les deux frères s'évadent d'un quotidien terrible et se soutiennent comme ils peuvent, en inventant des jeux, des codes, en partageant des rêves mais la réalité devient chaque jour plus oppressante et ressemble de plus en plus un cauchemar.

Mon avis

Attention, ce livre n'est pas d'une franche gaîté et certains passages pourraient presque faire passer Germinal pour un livre de la bibliothèque rose. Il vaut donc mieux éviter ce récit si on a le moral en berne et attendre des jours plus chantants pour l'aborder.

Ondine Khayat a le sens de la formule. Son écriture est belle, parfois poétique et souvent imagée ce qui lui confère un certain humour décalé et même s'il est plus qu'invraisemblable que les mots de l'auteure puissent être ceux d'un enfant de 11 ans, on se laisse porter par leur rythme, par leur douceur triste et par le récit émouvant. C'est peut-être ce décalage entre le fond et la forme, entre le langage ciselé et l'histoire affreuse, entre le témoignage d'un enfant meurtri à travers des (bons) mots choisis d'adulte qui permet de ne pas totalement désespérer à la lecture de ce récit et d'y trouver un réél plaisir littéraire. Il serait d'ailleurs faux de penser que le livre donne dans le pathos et le misérabilisme. Je l'ai plutôt ressenti comme une leçon de vie.

Peu importe que certains passages ne soient pas crédibles, peu importe quelques redites, peu importe une fin un brin bâclée et une certaine frustration à ne pas avoir le point de vue des adultes (ce qui peut correspondre à une forme de facilité, l'auteure se dispensant ainsi de certaines analyses ou explications), l'ensemble dégage beaucoup d'humanité et mérite les heures de lecture qu'on lui consacre.

Extraits

Moi, ce que je voudrais, c'est vivre dans une publicité, avec que des gens gentils, et des mots doux comme des bouquets de fleur. Mais Maxence, il dit que la publicité, c'est fait pour nous anesthésier le cerveau. (P. 17)

Combien il y a de gens comme nous, dans le monde ? Des gens qui s'endorment couchés sur leur tristesse, enroulés dans leur peur ? (P. 24)

J'ai eu envie de plonger dans la télé, pour vivre avec la famille Ingalls. (...) ce qui est sûr c'est que je n'ai jamais vu Charles Ingalls frapper ses enfants à coups de ceinturon parce qu'ils avaient des mauvaises notes, les enfermer dans un placard tout noir, leur donner des coups de poing, ou torturer sa femme. Ca non, jamais ! En même temps, j'ai pas vu tous les épisodes... (P. 35/36)

Maxence, il est comme Mary Poppins. Quand il claque des doigts, la tristesse éclate de rire. (P. 67)

Dans ses yeux, il y a de la rosée. La même qu'il y a sur les fleurs, quand elles se réveillent le matin. Je lui fais un signe de la main. Nos yeux, qui ont vu les mêmes choses, se percutent en plein vol. C'est des yeux d'enfants qui ont vu la vie en face, quand elle enlève ses beaux habits et se déshabille dans l'obscurité. Des yeux d'enfants assaisonnés au beurre noir. (P. 193)

Je serre sa petite main très froide dans la mienne. Valentine c'est une glace à la douceur. (P. 243)


Conclusion

Un très joli moment de lecture.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Cà me fait plaisir que tu ne trouves pas crédible les "mots d'enfant" j'avais l'impression d'être la seule à avoir cette réserve là. Je suis d'accord avec l'ensemble de ton billet, au final je ne regrette pas de l'avoir accepté.

Anonyme a dit…

Ce qui m'a gênée c'est la fin trop rapide presque : "et il vécut dans le monde de oui-oui, tout le monde il est beau tout le monde il est gentil" alors qu'elle avait pris le temps de developper les 2 premières parties sur la vie de famille et sur la ranceur et la tristesse de Yacine.

Cécile Qd9 a dit…

@ Aifelle : pas crédibles du tout mais autant ça m'avait gênée voire agacée dans l'Elégance du Hérisson, autant là ça ne m'a pas posé de problème parce que, tout au long du livre, le ton se veut quasi poétique et en décalage avec le fond (tandis que le livre de Barbery prétendait à une certaine crédibilité).

@ Enna : oui, la fin est bâclée. De toute façon, tout au long du livre on sent tout de même une certaine facilité de la part de l'auteure. Le choix de faire parler un enfant n'est pas neutre : cela permet de rester dans le récit pur, de se dispenser d'analyses plus fouillées, de faire passer une certaine psychologie de comptoir. C'aurait été intéressant par exemple, d'en savoir un peu plus sur le père, surtout à la fin. Brf, le livre est plein de défauts mais aussi plein de charmes qui les compensent.

@ les zotres : la blogosphère fourmille d'avis (généralement +) sur ce livre, n'hésitez pas à aller les lire chez Aifelle, Enna et ailleurs.

@ Pour celles et ceux qui ont lu ce livre : n'héssitez pas à donner le lien vers votre avis.

Anonyme a dit…

c'est justement ça qui rend le récit touchant qu'on puisse se placer dans la tête d'un enfant, parce que les enfants ressentent tout et le problème c'est qu'on les infantilise pourtant ils ont tant à nous dire si on sait les écouter et les enfants battus c'est exactement ce qu'il vivent je trouve que ce livre sent le vécu malgré toute sa poésie...