jeudi 24 janvier 2008

Les raboteurs de Parquet (Caillebotte - 1875)











Bonjour aux raboteurs de parquet
Bonjour aux zotres


En 1994, à l'occasion du centenaire de sa mort, le Grand Palais a consacré une superbe exposition à Gustave Caillebotte, peintre très longtemps méconnu, considéré à tort à mon avis, comme un impressionniste de seconde ordre, un petit maître du XIXe dans l'ombre d'illustres contemporains dont il possédait des oeuvres. Injustement, Caillebotte fut longtemps plus connu comme mécène et collectionneur que comme peintre. jeune homme esthète et fortuné, il possédait des oeuvres de Monet, Manet, Renoir, Cézanne, Pissaro, Degas, etc. dont il fit don à l'état français à sa mort. Cela généra quelques problèmes et deux années de négociations (à l'issue desquelles certains tableaux furent refusés) furent nécessaires au réglement de cette succession.

On peut lire ici un résumé édifiant de "l'affaire" et cet extrait des volontés de Caillebotte rédigées dès 1976 (j'ai juste corrigé quelques fautes de frappe) :

"Je donne à l'Etat les tableaux que je possède ; seulement, comme je veux que ce don soit accepté et le soit de telle façon que les tableaux n'aillent ni dans un grenier ni dans un musée de province, mais bien au Luxembourg et plus tard au Louvre, il est nécessaire que s'écoule un certain temps avant l'exécution de cette clause jusqu'à ce que le public, je ne dis pas comprenne, mais admette cette peinture. Ce temps peut être de vingt ans au plus. En attendant mon frère Martial, et à son défaut un autre de mes héritiers, les conservera. Je prie Renoir d'être mon exécuteur testamentaire [...]"

Mais L'Etat n'a aucune envie d'accepter le legs Caillebotte : les académistes, Gérome en tête, font barrage à l'entrée dans le patrimoine artistique de la Fance d'oeuvres qu'ils ont constamment refusées au Salon ! Il faudra attendre 1896 pour que le Conseil d'Etat autorise les Musées Nationaux à sélectionner les toiles dignes de figurer au musée du Luxembourg. Vingt sept tableaux sont refusés !

Caillebotte fut bien mal remercié pour ce leg généreux et visionnaire et celui-ci occulta hélas l'oeuvre personnelle de l'artiste.

Je connaissais (un peu) et j'appréciais ce peintre bien avant l'exposition précitée. Lorsqu'au collège je suis tombée par hasard ou presque sur une reproduction de son oeuvre la plus connue, quasi emblématique, à savoir "Les Raboteurs de Parquet", je suis tombée amoureuse de cette toile. Je n'avais jamais rien vu de pareil et sans le formuler précisément, j'avais conscience de l'audace de cette oeuvre réaliste et du caractère novateur de ce sujet ouvrier.

Je trouve cette toile magnifique par sa simplicité évidente, par le travail sur la lumière, par l'harmonie du camaïeu de bruns et surtout je la trouve profondément émouvante par son sujet et sa composition. Caillebotte nous raconte une histoire dont nous sommes partie prenante. Il a peint ses personnages de telle sorte que celui ou celle qui regarde le tableau les domine, debout face à trois hommes à genoux, penchés sur leur ouvrage. La perspective même du tableau fait que l'observateur/trice n'est pas neutre et participe de fait à l'action qui se déroule sous ses yeux un peu comme lorsqu'au cinéma une scène est filmée en caméra subjective.

il est surprenant que Zola, tenant s'il en est du courant naturaliste et réaliste en littérature, n'ait pas admiré le travail similaire de Caillebotte dans le domaine pictural et lui ait même reproché à diverses reprises notamment en des termes plutôt durs pour ne pas dire parfaitement injustes :

"M. Caillebotte a des Raboteurs de parquets et Un jeune homme à sa fenêtre, d'un relief étonnant. Seulement, c'est là de la peinture bien anti-artistique, une peinture propre, une glace, bourgeoise à force d'exactitude. Le décalque de la vérité, sans l'impression originale du peintre, est une pauvre chose."


Ci-contre, une variante sur le même thème peinte un an plus tard et, à mon avis moins que la première version du tableau. Elle se trouve dans une collection particulière.

Une autre oeuvre très célèbre de Caillebotte se trouve à Chicago. Elle s'intitule "Rue de Paris ; temps de pluie" (1877).

Caillebotte a beaucoup peint la capitale. En vérité, à la fin du XIXe, on ne peut imaginer meilleur ambassadeur du Paris Haussmannien que lui. Si vous en avez l'occasion, allez le découvrir ou le redécouvrir à travers "Les Raboteurs de Parquet" au musée d'Orsay.

3 commentaires:

Antoine a dit…

Cette toile est magnifique, l'une des plus belles du Musée d'Orsay !;)

Cécile Qd9 a dit…

Je ne sais pas si c'est une des plus belles mais c'est une de mes préférées. :o)

seven-sisters a dit…

Infime erreur mais qui a toute son importance : testament rédigé en 1876 plutôt qu'en 1976 ;)