vendredi 4 juin 2010

L'échappée (de Valentine Goby)

Bonjour Valentine
Bonjour Madeleine
Bonjour les zotres


Valentine Goby a été choisie par vous comme l'auteure de janvier 2010.

En fait, son livre m'a accompagnée à Dakar et je l'ai dévoré en vol avec beaucoup plus de plaisir que le tajine poulet au citron servi par Royal Air Maroc (la RAM pour les zintimes).

Le sujet

En pleine occupation allemande, Madeleine a 16 ans et des origines campagnardes qu'elle execre. Elle n'a jamais vu la mer et rêve de quitter la Bretagne et sa condition. En attendant, elle travaille dans un hôtel à Rennes où elle fait la connaissance de Joseph Schimmer, officier allemand et surtout pianiste virtuose. Comment pourrait-elle ne pas tomber amoureuse de cet homme ?

Mon avis

Certains livres sont des évidences avant même d'être lus. Je savais que j'avais rendez-vous avec L'Echappée depuis que j'ai lu les premières critiques à son sujet sur la blogosphère (là je vous renvoie dans la colonne de gauche au moteur de recherche de Mister Calepin).

Et puis j'ai croisé Valentine Goby lors d'un salon du livre à Saint Dié des Vosges et échangé quelques mots avec elle qui m'ont paradoxalement (ou pas) poussée à attendre un peu avant d'ouvrir l'exemplaire qu'elle m'avait dédicacé.

Je ne regrette pas mon attente et je crois qu'elle m'a permis de savourer encore mieux la très belle écriture de l'auteure au service d'une histoire à la fois passionnante et touchante, une histoire plus complexe et profonde qu'il n'y parait avec comme fils rouges la question des origines et la nécessité, pour certain(e)s, de les fuir, de les transcender, de s'échapper de leur condition.

Valentine Goby est aussi à l'aise dans le récit purement romanesque agrémenté de détails passionnants que dans l'analyse des sentiments, des non-dits, des esquisses de gestes, de regards. C'est passionnant, juste, sensible sans mièvrerie.

Je ferai 3 petits reproches toutefois (mais vraiment mini pour chipoter car, au fond, ça ne m'a pas gênée) :
- certains dialogues sont trop écrits et sonnent faux notamment dans la bouche d'une gamine sans culture de 16 ans,
- parfois on sent le travail de recherche sur des points certes passionnants mais sur lesquels l'auteure appuie un peu trop (mais j'imagine que c'est difficile de renoncer à relater une anecdote historique intéressante quand on s'est documenté),
- le parti-pris des trois rêves de la fin du roman peuvent agacer certain(e)s.

Quelques extraits

Extrait cité par Lily
- Satie. Satie vous ira bien. Gymnopédies. C’est un balancement continu, lent. La mer est calme, sombre. Aucun enfant ne joue sur ce sable, il fait froid. Ou bien il est trop tôt le matin. Ou c’est l’heure du dîner. Peut-être un enfant joue-t-il, mais seul. Il tient un cerf-volant qui tombe sans cesse. Ou bien il ramasse des coquillages dans un seau, figure isolée, courbée sur le sable beige. Non, la plage est vide. On marche contre le vent sur cette plage, à l’oblique du sol, les yeux plissés, les mains dans les poches. Pas de bateau à l’horizon, ni gros ni frêle. Sur la mer de Satie, pas un bruit. Pas de cris d’enfants, pas de baigneurs, pas de machines. Le vol souple, solitaire, d’un ou deux oiseaux blancs, comme on en voit sur les cartes postales. On est seul sur le rivage, entre l’eau et le ciel. »« Le piano n’a pas de frontières. »

4e de couverture
Nous marchons, suivies par la foule, têtes rasées parmi les décombres de l'avenue janvier, de la rue Saint-Hélier dévastée, criblée de béances et d'immeubles en ruine, pendant des semaines c'étaient des gravats enchevêtrés de poutres, de meubles brisés, chambres, cuisines, salles à manger réduites en poussière, éclats de verre, j'imagine que c'était comme ça, tout est déblayé et vide maintenant, je trébuche sur des souvenirs que je n'ai pas, les bombardements ont eu lieu sans moi, j'étais terrée dans un couvent mais je sais tout, ils m'ont lait ce que la guerre leur a fait.
Un large extrait chez l'éditeur ici

Conclusion

Sans doute le meilleur roman français que j'ai lu en 2010 (qui n'est pas achevée, certes). Un livre magnifique et fort bien écrit qui m'a donné envie de lire tout Goby comme j'ai envie de lire tout Ernaux et tout Cusset.

8 commentaires:

DF a dit…

J'ai découvert Valentine Goby et ses livres en même temps que David Foenkinos et ses livres... à la Fête du Livre de Saint-Etienne, en 2002 déjà. Enorme: ils m'ont vendu leurs livres de manière sympathiquement insistante... je me souviens aussi que pour prévenir toutes questions des visiteurs, ils ont tous deux dessiné, suite à mon passage, un smiley sur une feuille qu'ils ont ensuite coincée sous deux livres, bien visiblement, à l'attention des visiteurs: un smiley triste pour Goby (qui dédicaçait "La Note sensible") et un smiley rigolo pour Foenkinos (on s'en doute).

Pickwick a dit…

Comment se fait-ce ? Je n'ai pas été du tout séduite par le style à travers les différents extraits... zut, le sujet m'intéresse et ton avis me dit que c'est vraiment dommage de passer à coté !

La Pyrénéenne a dit…

Entièrement d'accord ! J'ai ADORE ce livre , véritable coup de coeur sur le moment et qui m'a marquée durablement !!!

Lilly a dit…

J'ai un souvenir plutôt positif du seul livre que j'ai lu d'elle, et celui-ci trône dans ma pal depuis au moins un an, mais je pense plutôt lire "Qui touche à mon corps je le tue" prochainement.

Miss Alfie a dit…

J'ai adoré ce livre. Tout m'a séduit dans la narration, de la précision avec laquelle elle décrit la ville de Rennes pendant la guerre (étant rennaise, je promets que c'est réaliste !) au style narratif...
En revanche, j'avais beaucoup moins apprécié "Qui touche à mon corps je le tue".

sylire a dit…

Chouette, je l'ai dans ma PAL !

orchidee a dit…

de goby je n'ai lu que "qui touche à mon corps je le tue" et c'est un régal

Cécile Qd9 a dit…

Bien d'accord avec tout ce qui précède, voilà un livre que je vais offrir et offrir encore. Il a aussi des chances de figurer dans la sélection du prix Qd9 2011 mais l'année n'est pas finie encore...