vendredi 9 novembre 2007

Daniel Pennac (et les 10 droits imprescriptibles du lecteur)





Bonjour les lecteurs
Bonjour les lectrices
Bonjour les zotres





Contre toute attente, le "Chagrin d'école" de Daniel Pennac vient d'obtenir le prix Renaudot 2007 alors qu'il ne figurait pas sur la liste finale. Je pense que c'est à peu près le bon moment d'évoquer cet auteur dont j'ai lu en tout et pour tout deux romans.

Le premier était "la Fée Carabine" et je n'en garde qu'un vague souvenir d'un récit vaguement policier, plus ou moins humoristique, un brin naïf et sans grand intérêt au final. Les tribulations du clan Malaussène ne m'ont absolument pas captivée et la légèreté systématique et un peu forcée du style de Pennac m'a fait penser à Alexandre Jardin (ce qui n'est pas forcément un compliment de ma part) ou à du mauvais John Irving.

Le second était "Monsieur Malaussène" dont un des personnages portait le même surnom que moi : Cissou ("Cissou la neige" en fait et pas à cause d'Avoriaz si mes souvenirs sont bons). C'est même pour cela que le monsieur Cissou de l'époque me l'avait offert juste après l'avoir lu et juste avant de me quitter au propre comme au figuré puisqu'il me l'a remis à Roissy avant de s'envoler (toujours au propre comme au figuré) pour la Polynésie française en me disant tout sourire "c'est génial tu vas adorer".

S'il parlait de la rupture (ce dont je doute car l'homme n'était pas cynique pour deux sous et encore moins pour Cissou) c'était peu délicat, s'il évoquait le livre, il se trompait. Non seulement je n'ai pas du tout aimé Monsieur Malaussène mais j'étais dans une colère noire qu'on puisse être assez con pour m'offrir en me larguant un bouquin dont le personnage portant mon nom se suicide autour de la page 100. C'est glauque, non ?

Je vous ai déjà expliqué à propos de "l'élégance du hérisson" que je me méfie toujours quand on me dit que je vais adorer tel ou tel livre, eh bien ça vient du volume de Monsieur Malaussène qui prend la poussère depuis une bonne dizaine d'années sur une de mes étagères et des circonstances dans lesquelles je l'ai reçu : depuis je me méfie !


Rien à ce jour n'a pu me convaincre de tenter d'ouvrir un 3e ouvrage de Daniel Pennac si ce n'est, peut-être, les dix droits imprescriptibles du lecteur (et j'ose l'espérer, ceux de la lectrice par la même occasion) que l'auteur évoque dans son essai "comme un roman". Les voici pour mémoire commentés de ma blanche plume virtuelle.




1. Le droit de ne pas lire
Il y a quelques mois, je me suis faite engueuler par quelqu'un à qui je venais de dire que je n'avais pas envie de lire les Bienveillantes de Johnattan Littel. Il a commencé par me dire qu'il fallait "avoir le courage de lire ce livre" et que sans doute c'était un livre qui pouvait déranger les femmes. Je passe évidemment sur la connerie sexiste du second argument pour ne commenter que l'idiotie du premier. La lecture (je veux parler de la littérature, les essais, journaux, études et autre, c'est un peu différent) n'est pas une affaire de courage mais d'envie !

2. Le droit de sauter des pages
Je ne le fais jamais et j'avoue que ça me choque. Si quelqu'un(e) me dit "tiens, j'ai lu tel livre" et ajoute ensuite "j'ai sauté quelques passages", j'ai tendance à considérer qu'il/elle n'a pas lu le livre mais l'a survolé (de même que ce n'est pas la même chose d'écouter un album de A jusqu'à Z ou d'écouter quelques titres). Je n'imagine pas dire : "j'ai lu Phèdre mais j'ai sauté le 2e acte" ou j'ai vu les Damnés de Visconti mais bon, au milieu je suis allée voir la fin d'un match de foot pendant 1/2 h. Si j'ai envie de sauter des pages d'un livre, c'est qu'il ne me plait pas et tombe donc illico sous le coup du point 3. Là encore, c'est différent dans le cas des essais, pamphlets et autres documents d'étude où l'on pioche précisément ce que l'on cherche.

3. Le droit de ne pas finir un livre
Je suis à 120% d'accord avec cette citation de Pennac : "Le livre nous tombe des mains ? Qu'il tombe." (p.176). Combien de milliers voire de millions de livres sont publiés dans le monde chaque année ? Combien d'auteurs n'aurai-je jamais le temps de découvrir ? Si un livre m'ennuie, si je n'accroche pas, je ne le finis pas. En revanche, il m'arrive de terminer des livres que je n'aime pas car s'ennuyer et ne pas aimer sont deux choses différentes et, bizarrement, le fait de détester me tient éveillée, aiguise plutôt ma curiosité, affute mon sens critique et fourbit mes arguments pour mon compte-rendu de lecture cinglant. Ainsi j'ai laissé tomber des romans de Proust, Duras, Miller et un tas d'autres mais j'ai fini Nothomb, Matzneff, Brown, Vargas, etc.

4. Le droit de relire
Pour la multiplicité des romans publiés évoquée au point 3, c'est une chose que je fais très très très rarement. Je relis des vieux San Antonio (pour me vider la tête et parce qu'ils s'oublient très vite) et le Petit Prince de Saint Ex mais c'est pratiquement tout. Cela dit, il peut m'arriver de relire des passages d'un livre : le chapître des "chevaux de glace" dans "Kaputt" de Curzio Malaparte et le début de "L'écriture ou la vie" de Jorge Semprun, des bribes de "la mécanique des femmes" ou "Septentrion" de Louis Calaferte. Cela dit, comme je vieillis (ben oui... il y a des livres que j'ai lus il y a 15 ou 20 ans et dont je ne me souviens plus (Le royaume interdit de Rose Tremain par exemple), je commence à réviser un peu ma position sur les relectures. Mais cela ne me viendrait pas à l'idée de relire un livre lu il y a 5 ans. Pour paraphraser une fameuse chanson aussi disco que gourmande : "so many books, so little time" et mes étagères sont pleines de dizaines et de dizaines de livres que je n'ai pas encore lus.

5. Le droit de lire n'importe quoi
Oui, certes... cela dit à titre personnel, cela ne me viendrait pas à l'esprit de lire des livres de propagande sectaire ou Mein Kampf par exemple... même à titre documentaire. Dans un registre très différent, j'ai lu un livre de la collection Harlequin "pour voir" comme on dit et c'est bon, j'ai vu (lu), je ne recommencerai pas.


6. Le droit au bovarysme (maladie textuellement transmissible)
Je veux bien concevoir les livres comme une source d'évasion, je ne les vois pas pour autant comme un moyen d'échapper à la médiocrité du réel. J'ai tendance au contraire à considérer la littérature comme un merveilleux outil descriptif et d'analyse. Beigbeder dit : "j'écris pour savoir ce que je pense" (cf. les citations du moment). Je pourrais presque paraphraser cet aphorisme en remplaçant le verbe écrire par le verbe lire. Les livres ne me permettent pas de fuir la réalité mais de mieux la comprendre, de m'y plonger toujours plus profond sous un angle différent, sous le prisme des styles et sensibilités des auteurs. C'est sans doute pourquoi mes goûts personnels me poussent de plus en plus vers la littérature contemporaine souvent largement teintée d'auto-fiction. J'aime les livres écrits à la première personne du singulier parce qu'ils parlent de moi.

7. Le droit de lire n'importe où
Non... Imaginez-vous en train de bouquiner au repas de mariage de votre petit frère ou de votre meilleure amie ? A l'enterrement de la Grand tante machine ou dans la tribune lors du défilé du 14 juillet (surtout si c'est pour lire n'importe quoi, cf point 5). Ca me fait penser à tous ces têtes à têtes de couples au resto où chacun n'a tellement rien à dire à l'autre que monsieur lorgne l'Equipe et madame feuillette son horoscope à la fin de Elle (ou l'inverse pour casser la tête aux clichés sexistes... quoique ). Je lis principalement dans les transports en commun et, ce qui n'a rien à voir, dans mon lit (le bouquin calé sur mon désormais virtuellement célèbre cochon en peluche ).


8. Le droit de grappiller
Hors contexte, difficile de voir ce que Pennac entend par là. Le grappillage est-il une forme poussée du droit n°2 ? Si tel est le cas, il va sans dire que je ne conçois pas du tout la lecture de cette façon... la relecture si.

9. Le droit de lire à haute voix
Pourvu que cette mode n'arrive pas dans le métro ! Il m'arrive très rarement de lire à haute voix, d'une part parce que je ne pense pas être une très bonne lectrice, d'autre part parce que c'est fatigant et très lent et ensuite parce qu'on perd du sens en se concentrant sur son élocution... Cela dit, j'aime bien qu'on me fasse la lecture de temps à autre... mais il faut tomber sur quelqu'un qui aime ça, évidemment, c'est ça le problème. Monsieur Cissou (celui qui aimait Monsieur Malaussène) adorait ça.

10. Le droit de nous taire
(...)

Je passe donc la parole virtuelle à ce fan qui, exemples à l'appui, vous expliquera pourquoi il faut (selon lui) lire Pennac.

Et vous ? que pensez-vous de Pennac d'une part et de ces 10 droits imprescriptibles d'autre part ?

@ +

Ma liste à moi que j'aimeuh beaucoup
http://fr.groups.yahoo.com/group/Quoide9
(critiques ciné, théâtre, livres, musique, expos, restos...)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai lu Comme un roman au mois de février de cette année, et j'ai beaucoup aimé! Parmi ces droits, je dirais qu'il a raison sur tous les points. Si tu as envie de lire où tu veux, tu lis où tu veux. Après, c'est selon ton sens de la politesse ou de la décence. Après tout, il parle de droits et non de devoirs, donc si je veux lire à l'enterrement de Mémé Josette, ben je lis! Lire n'importe quoi, c'est surtout une façon d'assumer des goûts qu'on n'a pas le droit d'aimer selon les dogmes de l'intellegentsia. Tu as le droit de lire Harlequin, Marc Levy, Anna Gavalda ou Christine Angot si tu le veux, et de le revendiquer. Bon, si tu revendique Christine Angot, je risque de ne pas te parler, et tu y perdrais sûrement! :-)
Et puis la lecture à haute voix, c'est seulement quand je lis en anglais, histoire de ne perdre mon accent, parce que ça fait un moment que je ne suis plus à la fac...

À bientôt!

Cécile Qd9 a dit…

Pour Christine Angot : consulte la colonne de gauche de mon blog, section "coup de gueule du moment"... Je crois qu'on va rester potes... ;o)

Pour l'accent anglais : je ne suis pas convaincue de la méthode à moins qu'il y ait un anglophone pour t'écouter et te corriger. A mon avis c'est beaucoup plus utile d'écouter la radio, de voir des films en VO ou de chanter des chansons parce que là tu écoutes un bon accent et tu peux entendre où tu fais des erreurs