vendredi 16 novembre 2007

Ca buzze pour moi (où ? où ? où ? où ?)




Bonjour
les reines
et les rois
du buzz
fou fou fou
Bonjour

les zotres




Depuis que j'ai créé Quoide9 (le blog), il ne se passe plus un seul de mes jours bénis sans que je croise le mot buzz entre une et plein de fois par jour. Les bloggers (à l'exception de ceux qui se consacrent à la culture, à une passion quelquonque et/ou à leur journal intime voire sexuel) raffolent visiblement de cet anglicisme et ma curiosité en éveil ne saurait passer à côté du phénomène. Puisqu'il faut buzzer, buzzons !

Il est intéressant de s'attarder deux minutes pour une mini analyse sémantique. Si on traduit "to buzz" mot à mot, on obtient répandre des rumeurs, chuchoter, bigophoner, côté humains et bourdonner côté insectes. Un buzz est un bourdonnement dû aux ailes des abeilles ou aux chuchotis des conversations. Le mot possède donc un je ne sais quoi de péjoratif, évoque la fébrilité, l'agitation... Mais l'agitation autour de quoi au juste ? C'est là le coeur du problème.


De même qu'en pop-peignant des boites de soupe Andy Warhol prédisait à chacun son quart d'heure de célébrité, le net et plus précisément les blogs et le mode de propagation de l'information qu'ils induisent, assurent à chaque image, chaque produit, chaque événement, son instant de gloire, vite chassé par le nouveau scoop relatif à relater virtuellement. Je dis relatif au propre comme au figuré tant il est vrai que :

- les nouvelles ainsi diffusées ne sont pas forcément de la première fraîcheur. Je ne traque absolument pas les scoops et pourtant, il m'est arrivé plusieurs fois de trouver chez de célèbres buzzifiants des infos que j'avais déjà publiées depuis un moment,
- pas forcément fiables cf. la traduction évoquée plus haut : rumeur quand tu nous tiens... un blog n'est pas une source ! Eventuellement un point de départ de recherche mais pas une parole d'évangile... (et je ne vous dis pas au passage ce que je pense des évangiles...),
- pas forcément passionnantes : qu'est-ce que j'en ai à foutre de voir avant tout le monde (ou pas, cf. ci-dessus) la dernière video tecktonifiante de Lorie , la prochaine pub colorée Sony HD (même si elles sont très belles) ou les nouvelles leçons de séduction Aubade (au hasard) puisque par définition, le boulevard des clips de M6, les écrans publicitaires de toutes les chaîners et les abribus Decaux se chargeront de me repaître de leur existence dans les semaines voire les mois à venir ? Qu'est-ce que ça m'apporte ? Qu'est-ce que ça m'apprend ? Quelle est la valeur ajoutée d'une telle information sinon une contribution de plus au matraquage déjà programmé ?

Cette dernière remarque m'en amène une autre. Le buzz ne cherche pas à débusquer le rare, l'exceptionnel mais à propager plus vite encore ce qu'on ne saurait éviter de toute façon. On ne buzze pas autour de ce qu'on aime mais sur ce qui va marcher, pas sur ce qu'on veut promouvoir ou faire connaître mais sur ce qui est déjà plébiscité et dont tout le monde parle ou va parler quoiqu'il arrive. Le buzz, c'est de l'éphémère consensuel.

On nous parle du lancement du coca zéro, on nous rebat les neurones avec le Beigbeder nouveau, on nous assomme les oreilles de Britney Spears et Koxie mais quid des auteurs en herbe ou des groupes inconnus qui pullulent pourtant sur myspace ? Il suffit de se baisser pour trouver des brassées de talents potentiels mais ça fait mal au dos et c'est risqué. C'est plus pratique/facile/rapide (puisque la vitesse est un des nerfs de cette drôle de guerre médiatique) d'aller sur les sites où tout le monde va pour récupérer chez soi une info que tout le monde a ou aura). Contrairement à l'une de ses prétentions, le buzz n'est finalement créatif et original (et encore, pas toujours) que sur la forme. Sur le fond, il est étonnemment conventionnel pour ne pas dire attendu, convenu.

Des agences de communication spécialisées ont fait leur métier (et parfois leur beurre) du phénomène. Elles créent et traquent le buzz, elles le soupèsent, l'évaluent, le jugent, le lancent ou le jettent sans pitié mais selon quels critères et pourquoi ? Ca, je cherche encore car, plus encore que virtuel, le phénomène me semble artificiel. Ce que je commence à percevoir en revanche, ce sont les limites du buzz et je vais tenter de vous en donner 4 exemples récents que je trouve frappants.



- Rugby or not Rugby par le Coq Sportif
Profitant de la coupe du monde de rugby, la marque Le Coq Sportif a réalisé une série de 40 spots parodiques et hilarants mettant en scène des stars du ballon ovale telles que Michalak, Parisse et Rives aux prises avec un pseudo coach verreux. Le produit était clairement identifié, en rapport direct avec l'actualité, le concept était original, gonflé, créatif, les dialogues étaient excellents, le name dropping et le second degré permanents, la réalisation soignée. Pour moi ces video sont cultes et cette campagne avait tout pour faire un carton et ce fut un carton jaune. On en a très peu entendu parler. Pourquoi ?

- le haka des lapins crétins
Toujours en rapport avec le rugby, j'ai mis cette video hilarante sur Quoide9 dès le 6 octobre et je l'ai vu ensuite sur divers blogs. Fin octobre/début novembre, elle faisait partie du top 5 du choix des internautes présenté sur la page d'accueil de yahoo.fr. Je l'adore. Cela dit, je reste INCAPABLE de vous dire pour quelle marque cette video a été réalisée. On va dire que je ne suis pas dans la cible. Peut-être mais j'ai malgré tout l'impression que parfois le buzz vampirise ce qu'il est sensé promouvoir.
(1/2 heure après que j'ai écrit ces lignes TF1 diffusait une pub pour un jeu video "Rayman contre les lapins crétins" et la même info faisait la une de yahoo : le buzz est fini.)

- Poweo et Sébastien Chabal
Surfant sur la Chabal-mania (encore un phénomène incompréhensible à mes yeux), le distributeur d'énergie Poweo a proposé un clip où le rugbyman chouchou des français expliquait d'où lui venait son incomparable énergie : il mettait les doigts dans une prise de courant !
Et là, bizarrement, émoi des bloggo-buzzers devant le "mauvais exemple" (sic) montré aux enfants. Comme si les petits chéris ne voyaient pas pire à longueur de temps au JT ou même dans leurs dessins animés préférés (il faudrait que les buzzers regardent Tfou ou Toowam de temps en temps avant de nouer leurs cravates)... La machine politiquement virtualo-correcte s'est emballée, Poweo a retiré sa video et présenté ses excuses.

- Monopoly dit merde à Montcuq
Pour les 75 ans du jeu Monopoly , Hasbrow a eu la bonne idée, en apparence, de lancer sur le net un grand vote pour désigner 22 villes destinées à remplacer les noms de rues de Paris dans une édition spéciale. Bizarrement, les grandes villes de l'hexagone n'ont pas eu la cote et les supporters de l'OM et du PSG ne se sont visiblement pas bousculés pour faire entendre leurs voix puisque ni Paris ni Marseille ne figurent dans le classement. Bizarre. Mais, plus bizarrement, Montcuq n'y est pas (plus !) non plus et pourtant c'est bien cette ville qui a reçu le plus de suffrages, forte de son nom évocateur propre aux franchouillardises de tous poils (à Montcuq) et des rediffusions de l'interview culte du maire du bled par Daniel Prévost suite au décès de Jacques Martin.

Seulement voilà, Hasbrow s'est demandé s'il était souhaitable que Montcuq remplace l'avenue de la pet... heu... avenue de la Paix, pardon et a rapidement conclu que non. Pour moi c'est vraiment un faux débat et je doute fortement que Dunkerque soit plus vendeur ! Parce que, dans les faits, qui va avoir envie de coller des maisons et des hôtels à Besançon ou à Clermond-Ferrant à part quelques autochtones ne possédant pas déjà une version classique ou au contraire régionale du jeu ?

Le buzz de Montcuq a fait énormément parler, rire et sourire et surtout, complètement vampirisé le buzz Monopoly allant jusqu'à le discréditer puisque la marque a finalement décidé de ne pas respecter le vote des internautes sous prétexte que Montcuq pourrait choquer quelques gosses (encore eux ? décidément, ils ont le dos large !) et qu'une édition entière serait consacrée à ce village (sera-t-elle interdite au moins de 16 ans ?). Mais concrètement, quid des ventes ? Parce que c'est tout de même, si j'ai vaguement compris quelque chose à la notion de business, c'est tout de même bien ça le but final : faire de l'argent, notamment en vendant plus. Je comprends que faire parler de soi et se montrer soit le but quasi ultime d'un ancien participant à une émission de télé-réalité retombé dans l'anonymat oucelui d'une starlette sur une plage cannoise au mois de mai mais quid des marques et des people qui alimentent le phénomène du buzz ?



Je doute sérieusement de l'efficacité de ce tapage virtuel, de ce bourdonnement médiatique un brin potache et dont je ne sais pas trop qui sont les dupes. Les marques ? les internautes ? les cons-sots-matteurs ? Tout le monde ? Personne ?

En fait, personne je crois tant il me semble qu'en plus de bourdonner, de s'agiter, on tourne en rond. C'est le phénomène de la patate chaude ou de la "Friend wheel" de Facebook : machin connait truc qui en parle à bidule qui le répète à chose qui est lui même copain comme cochon avec untel dont la belle soeur a épousé machin (et est accessoirement la maîtresse de bidule mais cela ne nous regarde pas) et finalement on reste entre soi.

Contrairement à Patrick Le Lay dont le métier est, selon ses propres termes, de fournir le plus grand nombre de cervaux disponibles à Coca Cola pendant les écrans publicitaires de TF1, les buzzers sont des happy fews. Le buzz est paradoxalement une private joke destinée à un cercle restreint, c'est un phénomène endogène voire endogame fait pour et par un cercle restreint à propos de produits de masse qui n'ont pas du tout besoin de ça pour marcher.

Il est également très remarquable que les blogs les plus buzzifiants sont souvent les plus laids, les plus brouillon, les moins bien mis en forme (certains sont franchement difficiles à lire) et aussi ceux dont les messages sont les plus courts dans l'ensemble. On collectionne les video comme des trophées, on exhibe ses trouvailles sans trier, sans analyser, sans apporter la moindre valeur ajoutée... On fait du quantitatif, pas du qualitatif. On n'a pas de recul, on est dans l'instant, pas dans la réflexion. On se fout du pourquoi et du comment tant qu'on peut montrer le "ça" du moment. Je me souviens avoir regardé avec incrédulité l'interview d'un jeune patron d'agence supposée réputée sur une video au son, à l'image et au montage plus que pourris sans parler de la musique d'ascenseur (vraiment) insupportable qui servait de fond sonore ! Comment accorder la moindre crédibilité professionnelle à un homme venu nous parler de l'image d'autrui tout en étant incapable de soigner la sienne un minimum ?

On est en train d'inventer de nouvelles formes de communication complexes, éminemment ludiques, esthétiques et/ou régressives pour ne pas dire grand chose (de plus) voire rien (de mieux). D'un point de vue sociologique et culturel, tout cela est passionnant. Vraiment.

En bonne abeille, j'en fais mon miel. Allez, je retourne explorer la ruche. Bzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz

3 commentaires:

Jerry OX a dit…

coucou Cécile !! et merci pour ce décryptage tres attrayant ! buzzz ou plutot bizzz et excellent week end !

Cécile Qd9 a dit…

Buzzous et bon week-end à toi aussi Jean-Philippe

Anonyme a dit…

Comme je le disais sur Facebook donc, je travaille dans une agence de communication centrée sur le buzz (Vanksen|Culture-Buzz) et je souhaitais donc réagir rapidement... Déjà, tes réflexions sont intéressantes ! en effet le buzz fait débat. Ce qui est plutôt normal et sain. Tes propos sont bien étaillés, mais il y aurait pas mal de réponses à y apporter malgré tout. Le buzz, qui serait en fait le bruit émis d'un certain bouche à oreille a toujours existé, et nous n'avons rien inventé. Simplement Internet et les outils qu'il propose comme ce genre de réseaux a considérablement accéléré et amplifié la portée de tout bouche à oreille aujourd'hui. L'idée de notre agence notamment, est d'aider les marques à générer du buzz positif autour de leurs marques et produits. Après je pourrais essayer de répondre à certains de tes arguments, mais ce serait un peu long. Simplement, le buzz ne prend que si les utilisateurs aiment le produit ou le message, on est donc dans de la pub permissive, c'est l'utilisateur qui a le pouvoir on ne lui impose pas le message (contrairement à la pub classique). Bref, on pourrait en parler longtemps, mais je t'invite à suivre nos actions et à continuer de réagir sur notre groupe Facebook.