dimanche 11 novembre 2007

Si je mourais là-bas (Guillaume Apollinaire)

Pensées émues pour ceux qui
ont fêté l'Armistice et pour ceux qui n'ont pas vu ce jour
Bonjour aux zotres

Le texte de ce poème est presque prémonitoire. Guillaume Apollinaire a été enterré au Père Lachaise le jour de l'armistice. Il est décédé deux jours avant, le 9 novembre 1918 donc, mais pas de ses blessures à la tête (il avait reçu un éclat d'obus au printemps 1916) ou des suites de sa trépanation. Comme beaucoup, il est mort de la grippe espagnole qui bizarrement, s'attaquait principalement aux personnes jeunes et "bien portantes" et, beaucoup moins bizarrement, faisait des ravages dans les hôpitaux militaires parmi les blessés de guerre convalescents.

Si je mourais là-bas...

Si je mourais là-bas sur le front de l'armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée

Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l'espace
Ouvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les mots les vals et l'étoile qui passe

Les soleils merveilleux mûrissant dans l'espace
Comme font les fruits d'or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses

Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde

Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l'onde
Un amour inouï descendrait du monde
L'amant serait plus fort dans ton corps écarté

Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie
- Souviens-t'en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d'amour et d'éclatante ardeur -
Mon sang c'est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie

O mon unique amour et ma grande folie.


Guillaume Apollinaire - 30 Janvier 1915 - Nîmes


Quelques éléments bibliographiques sur Guillaume Apollinaire et la première guerre mondiale en cliquant sur le lien.

4 commentaires:

Jerry OX a dit…

je salue comme il se doit l'initiative de mémoire que tu proposes en ce jour commémoratif . je pense aux victimes de cette guerre ainsi qu'aux victimes des guerres actuels...

Anonyme a dit…

Quel beau poème... J'aime beaucoup Apollinaire mais comme pas mal de gens, je crois, je ne sais pas lire un recueil d'une traite. J'aime bien picorer. Alirs lire un poème, sur un blog, un matin... C'est une véritable bouffée d'air frais. Merci !

Anonyme a dit…

Un magnifique poème sur cette guerre qui devait être la dernière, l'homme est bien naïf et idéaliste.

Cécile Qd9 a dit…

@ J.P. : merci Jean-Philippe. Ne les oublions pas.

@ Anne-Sophie : je suis comme toi, je grapille les poèmes et je ne pense pas que lire des recueils de A à Z soit la meilleure façon de les apprécier. J'aime le net et les blog (aussi) pour ça : la poésie y est facile d'accès et on peut découvrir presque par hasard des auteurs inconnus aux textes superbes et émouvants.

@ Nicolas : heureusement pour lui, c'est ce qui lui permet d'avancer (un peu... mais avancer tout de même)