lundi 8 mars 2010

Vous plaisantez monsieur Tanner (de Jean-Paul Dubois)

Bonjour à celles et ceux qui font des travaux
Bonjour aux zotres


Vous plaisantez Monsieur Tanner a été le premier livre que j'ai lu de Jean-Paul Dubois avant Une vie Française (critique ici) et Parfois je ris tout seul (critique ). Je les ai aimés tous les trois tout en reconnaissant que le prix Fémina 2004 est incontestablement plus consistant que les deux zotres qui sont nettement plus anecdotiques et récréatifs (ce qui n'est déjà pas si mal).

Le sujet

Monsieur Tanner hérite d'une grande maison et contre toute logique, cet homme visiblement dénué de raison (et hélas pour lui d'expérience et de malice), va vendre sa propre demeure et engloutir le prix de la vente dans d'interminables travaux qui donneront lieu à moult catastrophes, retards, problèmes, dialogues surréalistes avec des ouvriers récalcitrants et autres déconvenues qui généreront autant d'anecdotes racontées dans le livre.

Mon avis

Quand on lit Vous plaisantez Monsieur Tanner (et pas "vous permettez" comme j'ai tendance à l'écrire bêtement en songeant à la chanson d'Adamo), on pense inévitablement à "La vie de Chantier", l'excellente pièce de Dany Boon (le film est médiocre en revanche) et au film de Catherine Rouan "Travaux, on sait quand ça commence..."

Et puis, si on a plus de 25 ans et qu'on n'habite plus chez Papa-Maman, on pense encore plus inévitablement à soi-même car qui, dans sa vie d'adulte, peut se vanter de ne s'être pas fait berner au moins une fois par un plombier, un électricien, un chauffagiste ? Qui n'a jamais ressenti l'ampleur des dégats devant le travail de sagoin d'un carreleur, le boulot de gougnafier d'un peintre ? Qui ne s'est jamais senti découragé(e), submergé(e), dépassé(e), par la rembarde de son balcon cassé, ses volets grippés et ses fenêtres tâchées par un ravaleur de façade surtout doué pour faire avaler des couleuvres ? Qui n'a jamais eu envie de hurler à cause du bruit de la perceuse, du marteau, des portes qui claquent ? Qui n'a jamais pesté à cause de l'émail éclaté d'un lavabo, d'une lame de parquet fendue, de robinets corrodés, sacrifiés sur l'hôtel de travaux ni faits ni à faire par des branquignols braques et incapable de bosser sans casser, abimer, ébrécher, salir, rater ? Qui ? Personne !

Et c'est bien pour ça que le roman de Jean-Paul Dubois fonctionne : d'une part parce qu'il sent étrangement le vécu derrière les traits épaissis et les gaffes amplifiées, d'autre part parce qu'on s'identifie en se disant "Il y a plus con(ne) que moi".

Au fil des chapitres, l'auteur fait défiler à peu près tous les corps de métier du bâtiment et imagine les manies les plus excentriques, les situations les plus murphyques et les dialogues les plus gorgés de mauvaise foi. Le ton est léger et le résultat plutôt marrant dans la mesure où le livre n'excède pas les 300 pages répartis en cours chapitres rédigés en gros caractères. Plus aurait lassé, le plaisir aurait décliné face au systématisme de la caricature et l'agacement face à la naïveté voire la bêtise inconséquente de Monsieur Tanner aurait fini par prendre le pas sur le plaisir de rire à ses dépends.

Extraits

J'ai lu ce livre il y a environ 2 ans, aussi les extraits ne proviennent-ils pas de mes propres choix et impressions. Le premier vient de chez
Mango (dont je partage l'avis) et les 2 suivants du site Evene

Il faut bien comprendre ce qu'est véritablement un chantier lorsqu'on l'assume seul. Du point de vue du travail et de la tension, cela correspond à peu près à la gestion simultanée d'un contrôle fiscal, de deux familles recomposées, de trois entreprises en redressement judiciaire et de quatre maîtresses slaves et thyroïdiennes.

Il portait sur son visage tout le poids de sa charge. D'invisibles fardeaux pesaient sur ses épaules. Ses yeux rougis larmoyaient, son nez suintaient pareil à une vieille canalisation et, de sa voix monotone assourdie par un pharynx irrité, il n'en finissait pas de lire d'absconses considérations testamentaires aux termes desquelles il m'annonça d'un air équivoque que j'héritais d'une immense maison d'habitation.

- Vous allez travailler avec nous ?
- Oui. J'ai pris six mois de congé sans solde.
- Vous voulez dire que vous allez être sur le chantier tous les jours ?
- Ca a l'air de vous ennuyer.
- C'est à dire que vous ne nous l'aviez pas dit. Nous on n'a pas l'habitude de travailler avec quelqu'un. Généralement les types pour lesquels on bosse, on ne les voit que le vendredi, le jour de la paye.
- Eh bien moi, vous me verrez tous les jours de la semaine.
- Vous plaisantez, monsieur Tanner. En tout cas, il faut qu'on se mette d'accord : qui est-ce qui va commander ?

Quelques zotres liens

Un régal pour Lili (des livres et moi)
Un gogo et des gangster pour L'express

Conclusion

A lire pour se détendre et sourire aux dépends de cet andouille de Monsieur Tanner (mais uniquement si on n'a pas de travaux en vue...) et n'oubliez pas ce conseil plein de sagesse :
On ne restaure pas Chenonceaux avec un plan épargne logement.

13 commentaires:

Mangolila a dit…

Ta conclusion me fait bien rire, ainsi que l'évocation de ton vécu d'ailleurs!... Semblable au mien et probablement à tous les lecteurs que ce livre amusent!

LNdeuxtrois a dit…

Adepte de JP Dubois, ce livre m'est pourtant tombé des mains. Etait-ce qu'il ne sentait pas seulement le vécu mais l'était ? :)

Quelques nouveaux romans plus tard, le meilleur de l'auteur reste pour moi "Une vie française".

La Pyrénéenne a dit…

Lu avec plaisir il y a un moment maintenant, sympa mais vraiment dans la catégorie léger ! Et au fait , pourquoi veux-tu absolument l'appeler : " Vous permettez .... " ?

In Cold Blog a dit…

Tu confonds Adamo et Jean-Paul Dubois : "vous permettez Monsieur Tanner, que j'emprunte votre fiiiileeeuh" :oD
En revanche, ses ouvriers eux, ne plaisantaient pas !

Cécile Qd9 a dit…

@ Mango : c'est ce vécu qui le rend amusant

@ LN23 : je comprends ça

@ La Pyrénéenne : culture Adamo !!! (sic)

@ ICB : bien vu, tu lis dans mon esprit défaillant comme dans un livre

ficelle a dit…

Oui, plutôt les autres… Le dernier lu "les accomodements raisonnables" est très bien, une vie française aussi, mais je recommande "Si ce livre pouvait me rapprocher de toi".
Pour les amateurs d'USA, son travail de reportage dans "L'amérique m'inquiète" est assez incroyable. Tu devrais le lire, Cécile…

Cécile Qd9 a dit…

@ Ficelle : oui, j'ai acheté les 2 tomes en poche au salon du livre 2009 et je les ai fait dédicacer par l'auteur mais pas ouvert encore

tulisquoi a dit…

oh je l'avais lu avant un déménagement sans beaucoup de travaux et il m'avait fait bien rire. Sinon "Jusqu’ici tout allait bien en Amérique" est très bien aussi, ainsi que "Hommes entre eux" et "Les Accommodements raisonnables" était pas mal aussi. Je crois que j'aime bien Dubois en fait ;)

ficelle a dit…

Tu dois donc te jeter dessus ! Les premiers sont très bons aussi, dont Kennedy et moi…

liliba a dit…

Un livre qui m'avait bien fait rire parce que je l'ai lu une fois que tout les travaux à la maison étaient enfin terminés et que nous pouvions respirer autre chose que de la poussière... Pour du vécu, c'est du vécu !

J'ai cependant trouvé quelques longueurs vers la fin, ça devient un peu lassant, toutes ces tuiles, à la fin, non ?

Cécile Qd9 a dit…

@ Tulisquoi : moizossi !

@ Ficelle : Kennedy et moi est dans un de mes fameux "cartons de bouquins à lire dans l'entrée"

@ Liliba : oui, le côté monothématique devient un peu redondant... on a l'impression d'avoir fait le tour.

ficelle a dit…

Va le chercher de ce pas ! (peut-être un défi en vue : libérer le carton de livres de l'entrée…)

Cécile Qd9 a dit…

Le défi serait plutôt de libérer l'entrée des cartons de livres qui l'encombrent !!! (y a du boulot !).
Cela dit, c'est un peu l'objectif de mes challenges de lectures mensuels depuis début 2009 : épuiser peu à peu ma montage de livres non encore lus...