lundi 19 mai 2008

Vrai ou faux (j'ai un tatouage en forme d'empreinte de pas sous le pied droit)


Bonjour aux pieds de lampes
Bonjour aux pieds de verres
Bonjour aux pieds de biches
Bonjour aux pieds de grues
Bonjour aux zotres


J'ai commencé à envisager sérieusement l'idée de me faire faire un tatouage un peu avant mes trente ans. L'idée d'une marque choisie, d'un ensemble de signes indélébiles revêtant un sens précis pour moi et inscrits sur ma peau me séduisait physiquement et intellectuellement.

Cette séduction s'est considérablement accrue suite à la lecture d'un merveilleux livre de Michel Tournier intitulé "Gaspard Melchior et Balthazar". Un passage de cet intelligent et beau roman (que je recommande à tout le monde) évoquait les scarifications et les tatouages tribaux.

A cette époque, le déjà ex (mais temporairement) et toujours très beau (il l'est certainement encore) Monsieur Cissou n°2 jouait à l'apprenti légionnaire à Mururoa et nous ne pouvions communiquer que par courriers (j'en ai toujours douté mais peu importe). J'adorais lui envoyer des poèmes et des passages des livres que je lisais. Même s'il ne connaissait pas à proprement parler de "longues soirées d'hiver", ça occupait son temps libre entre deux baignades dans l'eau bleue nucléaire de son lointain atoll déféminisé.

A ce stadede mon récit, je me permets une digression car je ne peux m'empêcher de remarquer que je semble provoquer chez mes fréquentations masculines assidues un attrait irrésistible pour l'uranium enrichi puisque Monsieur Cissou n°3 est parti s'installer à Kiev (120 km au sud de Tchernobyl). Fin de la paranthèse.

Retournons du côté de Tahiti et replongeons nous, non pas dans l'Océan Pacifique (quel comble de s'appeler comme ça et d'encourir des essais nucléaires), mais dans l'oeuvre de Tournier. Il va sans dire que j'avais envoyé à Monsieur Cissou le superbe passage qui évoquait les tatouages et j'en avais profité pour lui dire que j'envisageais sérieusement de m'en faire faire un.

Une réponse que je n'hésiterai pas à qualifier de paternaliste et limite affolée est arrivée une dizaine de jours plus tard dans laquelle il me dissuadait avec moult arguments que ne réfuterait pas la mère d'une ado de 14 ans. Je ne me suis pas rangée à ses arguments, je n'ai pas renoncé de moi-même mais il se trouve que, chez moi, il se passe souvent très longtemps entre l'idée et la pratique, entre la conceptualisation et la réalisation et puis, je l'avoue, je n'avais pas trouvé de motif qui me colle suffisamment à la peau pour que je souhaite en plus l'y graver.

Bref, lorsque l'ex Monsieur Cissou n°2 a remis les pieds en métropole (directement chez moi avec la Dingue), il ne le fut plus (ex) et je n'étais toujours pas (tatouée). Je jetterai un voile pudique sur le bonheur torrrrrrrrride de nos retrouvailles pour signaler qu'il ne dura pas. Dès le lendemain matin nous dûmes nous rendre au service "maladies tropicales" de je ne sais plus quel hôpital car je ne pouvais plus croire que j'étais la seule responsable de fièvre qui agitait le corps sublime (bronzé et musclé et tout et tout) de Monsieur Cissou n°2. Mais avant cela nous eumes le temps de connaître notre première (et unique) scène de ménage car en plus d'être bronzé et musclé, le jour naissant me permis de constater que ce corps si beau était aussi tatoué !

Eh oui, le comble est qu'un soir que j'imagine bien arrosé, lui et quelques autres appelés bien allumés et grisés autant par l'environnement de la Légion que par une dose massive d'alcool, s'étaient mutuellement monté le bourrichon et fait tatouer collectivement (pour ne pas dire comme d'imbéciles moutons immatures) sur leurs biceps respectifs un affreux motif militaire compliqué à base de serpent, de flammes, de drapeaux, d'anneaux et d'un tas d'autres trucs affreusement laids et ridiculement, comment dire, "embrigadants".

Il va sans dire :
1 - que cette ânerie (dont il feignait d'être fier à l'époque) datait d'AVANT la réception de ma lettre,
2 - qu'il ne s'en était pas vanté dans sa réponse moralisatrice et pensait naïvement que je ne m'en apercevrais pas le premier jour (ça, j'en ris encore...).

Cet épisode a suspendu sine die mes velleités de marquage et, à ce jour, je ne suis toujours pas tatouée. Mais j'y repense. Sérieusement. Et si je devais passer à l'acte un jour, un motif aussi dérisoire et symbolique qu'une empreinte de pas sous la plante du pied ne me déplairait pas histoire de ne jamais oublier qu'en toutes circonstances, il faut garder les pieds sur terre deux fois plutôt qu'une.

3 commentaires:

Hugues a dit…

La dernière phrase est magnifique (le reste est bien aussi, mais cette conclusion : j'adore).

Anonyme a dit…

Ça alors ! Exactement la même situation pour moi. Des années que j'y pense. Des années que je ne franchis pas le pas.

Cf. http://cui.burp.fr/page/2/?s=tatouage

Cécile Qd9 a dit…

@ Hugues : merci !

@ Mister CUI : Oups, j'ai eu peur, j'ai cru que tu avais couché avec mon ex et que tu n'aimais pas son tatouage non plus... ;o)
Trève d'âneries, je me souviens de ton message consacré au tatouage sur ton burp et j'ai effectivement fait le parallèle avec mon propre désir... (de tatouage)