samedi 16 février 2008

Poétique de l'égorgeur (Philippe Ségur)


Bonjour Polly
Bonjour les zotres

Aujourd'hui,
Polly m'a lancé un mini défi que je relève avec plaisir. Il s'agit d'attraper le premier live qui vous tombe sous la main, de l'ouvrir à la page 123, de lire les 5 premières phrases et de recopier ici les 3 suivantes.

Ca tombe bien, il y a actuellement sur mon bureau (outre un bazar indescriptible), les deux dernières lectures pour lesquelles je dois rédiger une critique. J'attrape donc "Poétique de l'égorgeur" de Philippe Ségur et, comme demandé, je l'ouvre page 123 et ça donne ça :
"D'habitude, il ne répond jamais au téléphone. Il laisse ce soin à Alice. Toutefois, en septembre, celle-ci s'absente souvent"
Ce très bref extrait rend peu justice au livre de Ségur mais montre au moins que le style de l'auteur est concis et factuel. Le signe de ponctuation le plus présent dans le roman est le point.

Le sujet
Nid est un homme un peu falot qui ne souhaite qu'une chose : mener une vie tranquille avec sa femme, ses deux filles, son boulot d'universitaire mais voilà, il va perdre le contrôle de sa vie, celle-ci va basculer et son univers va s'écrouler.

Mon avis
J'ai eu un peu de mal à m'intéresser aux premières pages du roman de Ségur et puis j'ai lu les oeuvres de jeunesse de Sébastien Japrisot, j'ai proposé quelques suggestions à un auteur de polar en panne de solution face à un certain problème à résoudre et, pour ces raisons, je savais exactement où Ségur voulait emmener le lecteur. Je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher le suspens à celles et ceux qui n'auraient pas les mêmes références que moi.

Et puis, l'auteur mêle à l'histoire un peu fade de Nid, l'histoire fantastique et sanguinaire d'un certain yagudin tout droit sorti de l'imagination de Nid et du moyen âge nordique. Dès lors, le roman prend une toute autre dimension. Le style s'étoffe, l'intrigue se construit peu à peu, l'humour affleure et finalement, je suis entrée dans le jeu et j'ai lu ce lire avec plaisir jusqu'au dénouement prévisible qui, à mon avis, est le point faible du livre. Mais ne dit-on pas que dans un voyage, le chemin est plus important que la destination ?

J'ai gardé cela à l'esprit pendant toute ma lecture et je ne le regrette pas car Ségur mêle habilement histoire personnelle et actualité pour refermer le piège (annoncé dès les premières pages du roman) sur Nid et sa famille. Par moments j'ai pensé à l'excellent "Pardonnez nos offenses" de Sardou (pas Michel ! son fils Romain), j'ai un peu songé à John Irving aussi... deux auteurs qui savent mener un récit, qualité qu'on ne peut nier à Philippe Ségur dont je lirai volontiers d'autres livres.

Extraits
A propos d'une soutenance de thèse (P.74)
Et le professeur Dugay entreprend de tailler la thèse en pièces? Il envoie missile sur missile. Il pilonne avec méthode les positions du bonze. Il démontre point par point qu'à condition de jeter l'introduction et la conclusion, il y aurait matière à une bonne démonstration si encore il y avait un développement (ce qui manifestement n'a pas été possible puisqu'il n'y a pas de sujet non plus).

A propos du Jerry Springer Show (P.102) (que je trouve moi aussi fascinant d'abjectitude)
Nid est fasciné. C'est de l'information pure. Un travail documentaire pou les générations à venir. La quintessence du monde dans lequel il vit. Un monde où il n'est pas interdit de se distinguer à condition d'être strictement identique au voisin. Un monde où chacun a le droit de s'exprimer du moment que l'autre se tait aussi. Un monde où il fait bon vivre si l'on sait bien y mourir. Nid est heureux d'appartenir à une société qui a si parfaitement su s'adapter à sa propre destruction. Il est fier de cette culture qui transforme les individus en insectes en les convainquant de leur propre valeur. Dans le totalitarisme, se dit-il, on vous retire votre dignité par la force et dans la démocratie, on vous persuade que vous n'en avez plus besoin.

A propos du mariage (P.131)
Le mariage ! Ce contrat d'enchaînement mutuel qui induit la propriété de l'autre ! Marre de cette servitude, de cette aliénation ! (...) Le couple se dit Nid. Qu'est-ce que c'est, hein ? Au mieux, une complicité extérieure et quelqus moments accidentels de vérité. Pour le reste, l'intimité du cabinet de toilette.

A propos du mariage encore (P.134)
Autrefois, on se mariait à vingt ans et à quarante on était morts. Dans l'intervalle, on s'était juré fidélité pour la vie et on s'était trompés à tout va. la situation de nos jours est plus saine. Les hommes et les femmes on appris à se connaître et à vivre plus près de leurs désirs. Il y a un progrès. Les femmes veulent de la stabilité affective, c'est légitime. Les hommes veulent forniquer comme des brutes, c'est légitime aussi. On continue donc de se marier dès que possible et de se tromper à tout va. La différence, c'est qu'à quarante ans, on a encore le loisir de reprendre la partie au début. Ainsi peut-on espérer vivre plusieurs fois dans son existence le cycle enchanté de l'amour : fusion, frustration, pension alimentaire.
Nid est embarrassé par l'aboutissement de sa réflexion. Il n'est pas certain de vouloir vivre plusieurs fois le cycle enchanté de l'amour. Il veut renaître, mais il ne veut pas mourir. Il veut être libre, mais il ne veut pas divorcer. Il veut atteindre les confins de la condition humaine, mais en retrouvant son bureau, ses sandales en peau de chèvre et son germe de blé le lendemain.


Conclusion
J'ai passé un très bon moment avec "Poétique de l'égorgeur" et je lirai volontiers d'autres livres de Philippe Ségur. Auteur à découvrir... J'apporterai ce livre au dîner "livres échanges" du jeudi 27 mars.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est amusant, ce livre m'avait été confié lors du "Bookcrossing" et je ne l'ai toujours pas lu et surtout pas laissé dans un lieu particulier pour qu'il soit lu par qqn d'autre. Alors, je crois que finalement, je vais l'entamer!
Isabelle

Cécile Qd9 a dit…

J'espère Isabelle, que tu auras ensuite envie de nous dire ce que tu en as pensé. :o)