vendredi 17 juin 2011

Kétala (de Fatou Diome)

Bonjour aux objets
Bonjour à celles et ceux qui, comme moi, aiment les posséder
Bonjour à celles et ceux qui les trouvent encombrants
Bonjour aux zotres

Depuis mon voyage à Singapour l'an passé, lorsque je pars à l’étranger, j’aime bien emporter dans mes bagages, ou me procurer sur place, un roman se déroulant dans la ville où je séjourne ou écrit par un(e) romancier local(e). Aussi étais-je ravie de récupérer Kétala de la sénégalaise Fatou Diome lors d’un Dîner Livres Echanges quelques jours avant mon départ pour Dakar.

Le sujet

Les objets qui meublent l’appartement de Mémoria sont doublement tristes :
- Leur maîtresse vient de décéder
- Ils savent que d’’ici quelques jours ils seront dispersés lors du traditionnel Kétala et plus personne ne sera en mesure de raconter l’histoire de Mémoria dans son intégralité.
Aussi décident-ils de profiter des 5 jours et 6 nuits qui les séparent du Kétala pour échanger leurs souvenirs et tresser, ensemble, l’histoire de Mémoria.

4e de couverture (trouvé ici)

Que restera-t-il de nous ? Peut-être des souvenirs, magnifiés, interprétés, réinterprétés ou, pire, falsifiés. Inanimés, nos meubles, nos habits, nos objets familiers jalonnent le sillage de notre vie. Ils sont les témoins silencieux de nos joies et de nos peines. Pourtant, lorsque quelqu’un meurt, nul ne se soucie de la tristesse de ses meubles. Le Kétala, le partage de l’héritage, disperse tout ce que possédait celui ou celle qui n’est plus. Attristés par leur séparation imminente, des meubles et divers objets cherchent un moyen d’éviter l’éparpillement des traces de Mémoria, leur défunte et aimée propriétaire. Masque propose à ses compagnons d’infortune une stratégie fondée sur la parole : « Je viens d’une civilisation où les hommes se transmettent leur histoire familiale, leurs traditions, leur culture, simplement en se les racontant, de génération en génération [...] Comme nous ne pourrons pas empêcher les humains de nous disperser, je propose que chacun de nous raconte aux autres tout ce qu’il sait de Mémoria. Ainsi, pendant les six nuits et les cinq jours qui nous séparent du kétala, nous allons tous, ensemble, reconstituer le puzzle de sa vie [...] On ne peut pas toujours emmener les siens avec soi, mais on part toujours avec sa mémoire.

Petite précision sur le Kétala

J’ai demandé à plusieurs personnes à Dakar et il semblerait que le Kétala ne soit pas tant une tradition musulmane que sénégalaise.

Mon avis

Je n’avais jamais entendu parler de Fatou Diome avant de m’accaparer (carrément) Kétala lors du dernier DLE. La découverte et la surprise furent donc aussi totales qu’agréables. J’ai bien sûr eu plaisir à me promener à nouveau mentalement dans les rues de Dakar que j’avais arpentées la veille mais mon plaisir à lire ce livre dépassa de très loin le strict domaine géographico-touristique.

Outre l’originalité du traitement et la réussite formelle (le roman est bien écrit, dans une langue assez poétique et pétrie d’humour), le principal intérêt que j’ai trouvé à Kétala est évidemment sociologico-analytique. Les objets bavards de Fatou Diome évoquent mine de rien des sujets aussi dépaysants que délicats tels que les mariages forcés, l’amour, la sexualité, l’exil et les devoirs qu’il engendre envers la famille restée au pays, la cupidité de celle-ci à l’égard de l’enfant parti(e), la solitude, les non dits et quelques autres plus compliqués encore à aborder dans une société africaine et musulmane où l’on préfère croire que certaines choses n’existent pas du tout.
Je dois formuler un tout petit bémol concernant certains passages qui m’ont semblés par trop scolaires à grands renforts de citations et de précisions insistantes mais cela ne gâche pas la qualité et l’intelligence du projet dans son ensemble.

Prologue

Lorsqu’une personne meurt, nul ne se soucie de la tristesse de ses meubles ! Tout était propre : dans la chambre, le lit n’était pas défait. Dans la salle de bain, la brosse à dents penchait encore sa tête hors d’un verre mauve. Sur le lavabo, un dernier flacon de parfum attendait son sensuel usage. Équipée avec goût, la cuisine suggérait la gourmandise. Seule une tache de café difforme semblait tatouée sur le carrelage, mais il fallait un esprit bien mal tourné pour la remarquer. Les fauteuils se tenaient tranquilles au salon, en face de l’ordinateur éteint et du téléviseur dont le bouton de veille rougeoyait sans insolence. Silencieux décor, corps du silence, à lui tout seul un langage ...

Liens vers quelques analyses et avis positifs

Décryptage intéressant sur afrik.com
Un avis élogieux sur Les belles noires tout comme chez Lo ou chez Nahe
Bio de l'auteure sur Wikipedia

Conclusion


Une agréable et intéressante découverte qui me donne d’autant plus envie de découvrir d’autres ouvrages de Fatou Diome que la blogosphère ne tarit pas d’éloges sur certains d’entre eux. Je conseille vivement !

3 commentaires:

Cynthia a dit…

Il me semble l'avoir aperçu chez mon bouquiniste...Vile tentatrice ! ;)

Misss-bouquins a dit…

Un très beau blog, je repasserai =).
As tu un compte sur livraddict ? (pour que je puisse suivre ton blog plus facilement ...)
Désolé je ne poste pas trop de coms, mais j'aime beaucoup tes articles. Tu me fais voyager alors que je n'ai jamais fais de voyages à l'étranger (à part deux-trois journées d'échanges scolaires telles que : une journée à Londres, un marché de Noël à Aix-la-chappelle). J'ai créé un challenge, peut être va t il t'intéresser, car il propose de découvrir les différents continents du globe (dernière page de mon blog pour l'instant (page 31)). Bonne continuation.

GANGOUEUS a dit…

Merci pour ce commentaire d'un livre dont j'ai pas mal entendu parlé avec des avis contrastés. Ton commentaire m'autorises à placer ce roman de Diome, dans ma PAL.