lundi 22 octobre 2007

La rose et le réséda (Louis Aragon)


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Bonsoir les lycéen(ne)s
Bonsoir les profs
Bonsoir les zotres

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Dans un message récent, je répondais à un questionnaire où l'on me demandais, à la question 16 si je pouvais réciter quatre vers d'un poème. A mon grand regret, je ne peux en citer qu'un seul de "la Rose et le Réséda", ce sublime poème d'Aragon écrit à la Libération et paraît-il dédié à 4 résistants, deux communistes et deux chrétiens.

L'un des 4 était Guy Môquet et le texte d'Aragon (communiste lui-même comme chacun(e) sait) montre bien l'indécence de la polémique actuelle autour de Guy Môquet, de son communisme soi-disant occulté, de sa pseudo récupération, de ses actions ou non en tant que résistant ou pas. La question n'est absolument pas là. Elle réside dans le fait qu'il s'agissait AVANT TOUT d'un gamin de 17 ans avec les idéaux, convictions, illusions de son âge et que c'est à des lycéens de son âge qu'on cherche à adresser un message aujourd'hui.

Je trouve lamentable que par le plus stupide des réflexes communautaristes, certains cherchent à tout prix à présenter (étiqueter !) Guy Môquet comme communiste avant de voir en lui un simple adolescent victime de la guerre, un enfant parmi d'autres, mort trop tôt et en homme, devenu héros malgré lui par la bêtise et la violence d'une époque révolue d'une part et, d'autre part, par la force des symboles dont la nôtre a tant besoin/envie.

En soi, la lecture de la lettre de Guy Môquet (ou d'une autre) ne me semble une bonne (voire une excellente) idée que si elle est accompagnée d'une mise en perspective pédagogique rappelant le contexte de celle-ci, expliquant ce que furent et ce que sont encore dans certains pays l'occupation et la résistance et permettant une réflexion sur ce que la dite lettre a encore à nous apprendre de nos jours. Que la réponse soit "plein de choses" ou "rien" est un autre débat, mais un débat qu'il me semble important d'avoir au sein des lycées.

En résumé, je pense que la lecture de cette lettre prend tout son sens s'il ne s'agit pas d'une lecture à froid et imposée pendant laquelle les lycéens seraient de simples auditeurs totalement passifs ou, au mieux captifs de leurs émotions mais si elle constitue une opportunité de réflexion et de prise de conscience personnelle, quelque soit la nature de cette prise de conscience je le répète.

Je respecte tout à fait les personnes qui, en conscience, ont refusé de lire, faire lire ou écouter cette lettre aujourd'hui. Je respecte moins les tapageurs intempestifs qui en ont fait une affaire médiatique et bassement politique car la mémoire, l'émotion et le respect n'appartiennent à aucun courant. Je pense que les querelles de chapelle, les accusations de récupération et autres polémiques pathétiques pouvaient attendre demain. Aujourd'hui, l'idée était de se souvenir mais certaines déclarations m'ont hélas plus évoqué des chiens se battant lors d'une curée (genre, ce mort est à nous !) que des humains responsables et respectueux d'une mémoire.



Le poème d'Aragon figure avec quelques autres poèmes consacrés à la guerre (Aragon, Prévert, Mc Rae, Célan, Appolinaire, Kessel, Hugo, Rimbaud, etc.) sur un excellent forum francophone consacré à la seconde guerre mondiale (voir la rubrique "sites du moment") que je fréquente depuis mars 2006 avec une assiduité aléatoire. Il y a quelques semaines que je n'y suis pas retournée mais l'actualité du jour va m'inciter à y refaire un tour bientôt.



LA ROSE ET LE RÉSÉDA

Celui qui croyait au ciel celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel celui qui n'y croyait pas

Qu'importe comment s'appelle cette clarté sur leur pas
Que l'un fut de la chapelle et l'autre s'y dérobât
Celui qui croyait au ciel celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles des lèvres du coeur des bras

Et tous les deux disaient qu'elle vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles au coeur du commun combat

Celui qui croyait au ciel celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle la sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle l'autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel celui qui n'y croyait pas

Ils sont en prison Lequel a le plus triste grabat
Lequel plus que l'autre gèle lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle deux sanglots font un seul glas

Et quand vient l'aube cruelle passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle même couleur même éclat

Celui qui croyait au ciel celui qui n'y croyait pas
Il coule, il coule, il se mêle à la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel celui qui n'y croyait pas

L'un court et l'autre a des ailes de Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle la rose et le réséda

Louis Aragon

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