lundi 22 juin 2009

Le problème avec Jane (de Catherine Cusset)

Bonjour aux Jane
Bonjour aux femmes à problème
Bonjour aux zotres

Une fois de plus, j'ai trouvé plus de 450 pages de bonheur grace au dîner "livres échanges" de décembre (2006) et la découverte d'une auteure que je ne connaissais pas à cette époque : Catherine Cusset. J'ai dévoré LE PROBLEME AVEC JANE, roman qui fut récompensé par le prix des lectrices de Elle 2000 dont l'univers m'a un peu rappelé, dans une version plus grand public et moins ambitieuse celui de LA TACHE de Philip Roth ou de Leviathan de Paul Auster. Ce n'est pas un mince compliment de ma part.

LE SUJET

Jane reçoit chez elle un paquet qui n'est autre qu'un manuscrit intitulé "le problème avec Jane". Elle s'aperçoit rapidement que celui-ci raconte, avec moult détails précis voire intimes, sa propre vie. Entre fascination et suspicion, elle poursuit sa lecture en se demandant qui, dans son entourage proche, est l'auteur de ces pages.

MON AVIS

Voilà un excellent livre, bien écrit, original, dont l'héroïne, qui a n'en pas douter ressemble quelque peu à Catherine Cusset (elle-même universitaire, enseignant ou ayant enseigné aux USA), est d'autant plus attachante qu'elle est loin d'être parfaitement sympathique. Elle possède même certains gros défauts terriblement humains qui donnent de l'épaisseur à sa personnalité et au roman puisqu'elle est bien au centre de celui-ci. Jane est parfois franchement tête à claques tendance limite salope mais le pire dans tout cela, "le problème avec Jane" pour paraphraser le titre et les remarques régulières de ses proches, c'est qu'elle ne se rend pas forcément compte à quel point elle peut l'être.

Le syndrome de la mygale page 331 est une anecdote assez intéressante et très représentative du personnage de Jane et de ses côtés très négatifs : mesquinerie, stupidité, égoïsme, radinerie, manque extraordinaire de bon sens et de sens pratique. En lisant ce livre, très étrangement, je me suis dit que Jane n'est pas une personne avec qui je pourrais être amie. Ce manuscrit agit donc + ou - comme une analyse et c'est bien cet aspect analytique, ce portrait thématique et non chronologique qui fait tout le charme et l'habileté du roman à la construction très américaine, fonctionnant par associations d'idées, par allers et retours entre passé, présent, personnages, situations personnelles ou professionnelles.

Du très grand Cusset dont j'ai ensuite lu 3 zotres romans avec un plaisir en dent de scie (voir mes critiques via le répertoire des auteur(e)s)

EXTRAITS ET COMMENTAIRES

Il a rompu avec Stéphanie il y a quatre ans et depuis il n'a eu que des aventures sans importance. Il dit qu'il est comme tous les célibataires de quarante ans : il a perdu la capacité d'illusion et l'enthousiasme nécessaires pour tomber amoureux. (P.122)

Il y avait de l'humilité à se réjouir d'un si petit succès. (P.354)
(fait immédiatement contredit par la conclusion du court paragraphe qui suit !!! mais j'aime la phrase)

Allison avait raison quand elle disait qu'une relation se construisait par un lent et patient effort. Ce travail consistait à réprimer : un désir passager, un mot de colère, un mouvement d'humeur. Une relation simple et solide comme celle d'Allsion et John, sur laquelle il n'y avait rien à dire, impliquait une constante vigilance. (P.377)

Elle se rappela une blague de son père quand elle était petite et n'avait plus faim : "divise ton assiette en deux portions : commence par ce qui est en trop, puis mange le reste." (P.428)

Page 428, 2 conseils littéraires : Paulina 1880 de Pierre Jean Jouve et Enfance de Nathalie Sarraute. Quelqu'un(e) les a lus ?

Pages 434-435 (et quelques autres) : jolie réflexion sur les relations épistolaires via le net, leur sincérité et leur profondeur sélective et surtout la dépendance à l'autre, inconnu(e), ainsi créée...

(...) ce qu'elle nommait "attirance physique" n'était pas seulement déterminé par les attributs corporels, ou elle aurait pu choisir son type par ordinateur. On tombait amoureux d'un corps qui bougeait, qui avait une grâce et une allure, et d'un visage qui vous regardait, qui vous souriait : on tombait amoureux d'une énergie ou d'un esprit qui irradiait par ces gestes, ces yeux ou ce sourire. Cette énergie, on la trouvait aussi dans le style. L'écriture était contrôlée, peut-être, mais c'était ce qu'on avait de plus personnel. Ces trois mois de correspondance quotidienne voulaient forcément dire quelque chose. Il ne cherchait pas à la convaincre par écrit qu'elle tomberait amoureuse de lui : ils devaient se voir. Mais il avait confiance. Si l'étincelle magique ne se produisait pas, qu'à cela ne tienne. ( P.444)

C'était fou. Ils parlaient d'amour sans s'être jamais rencontrés. La fièvre d'un désir partagé animait leurs mots. Leurs messages étaient pleins d'une tension physique et d'une excitation épuisante. Bien sûr, ils ne parlaient jamais de sexe : il ne s'agissait pas de ça. Elle souhaitait parfois que le courrier électronique n'eût jamais été inventé. L'attente et le bonheur qu'elle éprouvait en lisant chacun de ses messages étaient trop forts. D'un tel sommet de joie on ne pouvait que tomber. "Je suis si exposée maintenant : vous avez éveillé en moi un tel désir d'aimer et d'être aimée." Il devaient se rencontrer, faire face à la réalité. (P.445)

CONCLUSION

Un excellent roman, original, fin et bien écrit... A dévorer.

4 commentaires:

liliba a dit…

Ah tu me donnes envie de le relire !

Faust'in a dit…

J'ai adoré cette lecture, ça me donne envie de m'y replonger.

sylire a dit…

Je l'ai lu il y a longtemps mais j'en garde un excellent souvenir.

Cécile Qd9 a dit…

bon, tant mieux, tant mieux mais j'espère surtout que ça donnera envie à des personnes ne connaissant pas encore Cusset !
Bises depuis l'hotel Ibis de Casablanca