jeudi 2 juillet 2009

Ceci n'est pas ma pomme (c'est le musée Magritte à Bruxelles)

Bonjour aux surréalistes
Bonjour aux sous-réalistes
Bonjour aux zotres



Le contexte

Les plus zinternationalement culturationné(e)s d’entre vous et celles et ceux qui ont lu mon bla-bla d'hier le savent, un musée Magritte a ouvert ses portes début juin en plein centre de Bruxelles. Ne reculant devant aucune occasion d’accroitre ma connaissance des zarts, j’avais hâte de m’y rendre. C’est désormais chose faite comme le prouve la photo ci-dessus et le moins que je puisse dire est que je n’ai pas que du bien à raconter suite à ma visite.

L’attente

Prévoyant une affluence importante en raison de la nouveauté du lieu, les amis chez qui je séjournais avaient pris la précaution de prépayer les billets sur internet. L’horaire prévu de notre visite était 15h30 et malgré la possession de nos précieux sésames, nous avons dû attendre longuement à l’entrée sans obtenir la moindre précision quant au temps d’attente et encore moins à propos de sa raison. Bizarrement, l’entrée annexe pour les visiteurs/euses non muni(e)s de tickets était déserte tandis que celle des personnes « prévoyantes » comme nous était engluée de locaux et touristes de plus en plus mécontents qui, bizarrement et en dépit de toute prudence élémentaire, préféraient faire la queue dans la rue perpendiculairement au trottoir plutôt que sur le dit trottoir… Cela dit, pas une barricade, pas un vigile n’encourageait à respecter cette élémentaire règle de survie en milieu urbain.

L’entrée

Enfin, au bout de ¾ d’heure environ (vers 16h15 donc, le musée fermant ses portes à 17h00 et son évacuation commençant à 16h45 !), nous avons pu entrer pour refaire plus ou moins la queue dans un hall immense et vide en sous-sol où nos billets étaient scannés par un vigile posté à un tourniquet, caricaturalement idiot et mal aimable qui m’a intimé l’ordre de déposer mon sac et ma veste au vestiaire (comme s’il faisait chaud à l’intérieur !). Je précise qu’il s’agissait d’un sac à main classique, de taille on ne peut plus normale (je n’aime d’ailleurs pas du tout les gros sacs) avec lequel je serais entrée dans n’importe quel autre musée de par le monde. Je rappelle également que nous avions déjà attendu ¾ d’heure ce qui aurait théoriquement dû nous laisser le temps d’être informés de la procédure vestiaire ou d’apercevoir un vague panneau nous précisant ce passage obligé. Que dalle.

Tout comme moi, les employé(e)s du vestiaire étaient passablement énervé(e)s, me confirmant que l’organisation générale des lieux était aussi surréaliste que les œuvres abritées. Quelques vigiles ont alors pris l’initiative de déloger leur collègue crétin et trop zélé au tourniquet et de mettre fin à cette parano des sacs à main.

Délestée du mien, j’ai enfin pu passer le tourniquet qui donnait accès à un énorme ascenseur (évoquant plus la montée de masse dans une tour panoramique que la visite d’un musée d’art) qui menait au 3e étage, début de la visite (enfin !). Ben oui quoi, c’est logique… autant descendre pour mieux remonter ensuite ! C’est un peu comme si pour aller à Paris depuis le Mans je faisais d’abord étape à Nantes… N’importe quoi je vous dis.

L’improvisation

La conséquence première de tout cela est qu’un vigile en chef faisait le tour des étages à la recherche de ses petits camarades pour leur demander si ça les intéressait de faire des heures sup exceptionnellement ce soir là car le management du musée avait décidé de fermer une heure plus tard pour éviter l’émeute (j’exagère, disons plutôt trop de grogne). Etant prestataires externes, l’un d’eux a remarqué : « si on refusait tous, ils seraient vachement dans la merde » et, de fait, il avait raison !

Le non service

Ailleurs un touriste français secouaient désespérément son guide audio défectueux et, lorsqu’il l’a rendu à la sortie en expliquant qu’il ne fonctionnait pas, on s’est contenté de lui répondre « c’est normal, il y a trop de monde, on n’a pas eu le temps de les recharger » sans lui proposer le moindre remboursement.

Mais passons sur ces détails de logistique purement belge et hautement surréalistes (donc en adéquation avec le lieu quelque part) qui ne faisaient que conforter l’impression de bordel ambiant depuis notre arrivée et concentrons-nous enfin sur l’aspect purement artistique de la visite même si tout ce qui précède créait un contexte défavorable pour apprécier pleinement notre découverte.

La collection

Le problème de Magritte c’est que certaines de ses œuvres sont tellement connues, exploitées, galvaudées, détournées, qu’on attend forcément celles-là et le problème du musée est qu’il ne les possède pas toutes. Ainsi ai-je entendu à la sortie de nombreux commentaires de visiteurs déçus disant « tel tableau n’est même pas là » ou « je n’ai pas vu cette œuvre-ci ». L’impression de manque est sans doute amplifiée du fait que les tableaux de Magritte célébrissimes sont nombreux et que chacun(e) a son chouchou qu’il/elle espérait voir.

Et là je me suis faite la réflexion qu’il manquait, dans tous les musées du monde consacrés à l’œuvre d’un(e) seul(e) artiste, une salle présentant des photos de ses œuvres les plus emblématiques et précisant dans quel musée (ou collection particulière) elles se trouvent.

Personnellement, je n’ai pas ressenti cette frustration pour deux raisons. La première est que j’ai trouvé le procès un brin injuste tant les œuvres majeures sont nombreuses. Cela va du modèle rouge au Viol en passant par le château des Pyrénées (spéciale dédicace à Miss Pyrénéenne), la grande guerre (ce portrait de femme en robe blanche avec un bouquet de fleurs à la place du visage dont il existe aussi une version masculine), ou par plusieurs versions de l'Empire des lumières (peut-être ma toile préférée tant elle déborde d'onirisme... mais en même temps en disant ça je ne dis rien car toutes les toiles de Magritte débordent d'onirisme)ou

La seconde est que je suis plutôt du genre à préférer découvrir ce que je ne connais pas plutôt que voir ce que je connais déjà. Aussi ai-je été plus intéressée par les œuvres de jeunesse du peintre, par ses affiches, par la découverte de ses différentes périodes (alors qu’habituellement on a tou(te)s plus ou moins la même en tête, celle de la fin de sa vie) que par le fait de voir en vrai « Ceci n’est pas une pomme ».

Les plus et les moins

Globalement j’ai aimé les œuvres (sauf la période autour des années 40 que je ne connaissais d’ailleurs pas avant ma visite), la disposition des salles, la multitude de photos et documents d’archives proposés dans des vitrines, les nombreuses citations de l’artiste jalonnant les murs, mais j’ai regretté notamment :
- L’absence totale (et volontaire) de clarté des salles : j’avais plus l’impression de visiter un tombeau qu’un musée consacré à un peintre à l’œuvre onirique,
- La légèreté regrettable du parcours sur le plan didactique et le manque flagrant de mise en perspective de l’œuvre, de rappel des influences du peintre, de contextualisation historique, sociale, etc.

La frustration

Lorsque je visite un musée ou une exposition monographique, j’aime qu’on me propose plus qu’un catalogue de toiles. J’aime sentir le parcours de l’artiste à travers des commentaires synthétiques et pertinents offrant sur l’œuvre une perspective autre que simplement visuelle.

Plus que quiconque à mon avis, Magritte est un peintre dont chaque œuvre est sujette à questionnement, à interprétations et à aucun moment le musée n’offre de piste de réflexion, de clef de décryptage. Par exemple, je n’ai vu aucun élément explicatif, aucune anecdote sur l’omniprésence de certains symboles ou figures dans l’œuvre de Magritte (les pommes, les nuages, les sphères, les hommes en costume gris et chapeau melon, les chapeaux eux-mêmes, etc.) et à ce titre, ce musée manque complètement son but et laisse les visiteurs/ses désagréablement sur leur faim (en plus du reste).

Les titres des œuvres eux-mêmes sont des énigmes et là encore, pas d’information ! Tout au plus ai-je aperçu par hasard une ligne d’un extrait de livre ou d’article consacré à Magritte que l’artiste trouvait rarement ses titres lui-même ! C’est tout de même un peu léger et ça aurait mérité un peu plus de développement !

La conclusion de tout cela

Mon avis est très mitigé tant il est vrai que j’aime Magritte depuis longtemps, que ma vie est jalonnée d’anecdotes liées à ce peintre, que j’aime les musées et les expositions dans l’absolu mais pour le reste je suis profondément déçue. Je trouve que ce que propose le musée Magritte de Bruxelles est un service minimum (en plus d’être inefficace et mal aimable) totalement indigne de l’artiste belge le plus célèbre au monde. Même la boutique du musée n’est pas vraiment à la hauteur et ne propose qu’un nombre d’articles somme toute assez limité. Je retournerai sûrement visiter ce musée un jour quand l’effet découverte sera un peu calmé.

Quelques liens
Outre Wikipedia (tapez Magritte sur Google et zouh !), vous trouverez chez Thomas l'excellent un article synthétique et intéressant qui explique assez bien pourquoi j'aime Magritte et traduit grosso-modo ce que je ressens face son oeuvre.

2 commentaires:

TdE a dit…

J'ai toujours été fasciné par "Clair obscur"...

Antoine a dit…

Tu m'as un peu refroidi... mais cela ne me décourage pas du tout et je me dis qu'il faudra que je me fasse un petit tour du côté de Bruxelles dans les mois à venir ! ;)