jeudi 20 janvier 2011

D'autres vies que la mienne (d'Emmanuel Carrère)

Bonjour à celles et ceux qui s'intéressent aux vies des zotres
Bonjour aux zotres qui s'intéressent à mon avis
Bonjour aux zotres

J'avais un a priori négatif à propos de l'oeuvre d'Emmanuel Carrère depuis que j'étais allée voir le film La moustache (avec Vincent Lindon et Emmanuelle Devos) adapté par l'auteur lui-même à partir de son roman éponyme. J'avais détesté ce film et, même si je possèdais 2 ou 3 de ses romans chez moi depuis un bail, je n'avais ressenti aucun désir de les ouvrir. Eh bien il n'y a que les imbé-Céciles qui ne changent pas d'avis ! (Remarquez au passage que la réciproque n'est pas nécessairement vrai et que changer d'avis n'est pas une preuve d'intelligence).

Ce livre a été sélectionné par Ficelle dans le cadre de la sélection française du Prix Qd9 2010 et je la remercie de m'avoir une fois de plus permis de découvrir un livre magistral et délicat, quasi miraculeux.

Le sujet

Dans ce livre témoignage, tout est vrai jusqu'au nom des protagonistes.
A quelques mois d'intervalle, l'auteur est confronté à deux décès. D'abord celui d'une petite fille prénommée Juliette engloutie par le tsunami de décembre 2004 puis, quelques mois plus tard, à celui de la soeur de la femme avec qui il vit, juge de 33 ans atteinte d'un cancer pour la 2e fois de sa vie, mère de trois filles et elle aussi prénommée Juliette.

Mon avis

Au vu du paragraphe précédent, il ne vous aura pas échappé que le sujet n'est pas d'une franche gaité. La mort et la maladie ne m'inspirent ni une attraction morbide ni une peur supersticieuse, je ne suis ni accro aux émissions médicales, ni prise de panique à la vue d'une goutte de sang ou à l'idée de pénétrer dans un hôpital. Je n'avais donc aucune raison particulière d'être effarouchée ou fascinée par ce livre mais je comprends qu'il puisse sembler difficile à lire à celles et ceux confronté(e)s à la mort ou à la maladie d'un proche.

Ceci étant précisé, j'ai adoré ce livre sans la moindre réserve. J'y ai tout aimé :
- la fluidité et la sensibilité analytique de l'écriture qui m'a évoqué Joncour parfois ou encore Lesbre (ce n'est pas un hasard, sans doute, si j'ai découvert ces deux auteurs la même année et grâce à la même personne),
- le sens de l'observation et l'aptitude à s'arrêter sur des détails, à évoquer des regards, des non dits, des gestes,
- la façon terriblement simple et juste d'évoquer la douleur, la peine sans pathos ni complaisance, - la dimension journalistique tant concernant le tsunami de 2004 que la pratique du crédit à la consommation dont je préfère ne pas dire ce que je pense (j'ai travaillé sur le sujet et notamment sur les problématiques comptables liées aux retards de paiement et aux restructurations des crédits) : ce dernier aspect m'a rappelé certaines pages de Cendrillon où Eric Reinhard évoquait avec un brio indéniable et militant le monde du trading (encore un choix de Ficelle pour le prix Qd9 2009).

Le hasard (très orienté certes) de l'enchaînement de mes lectures a fait que j'ai commencé D'autres vies que la mienne après Un roman français ! Quel contraste saisissant entre le nombrilisme complaisant qui dégouline du roman aussi narcissique que médiocre de Beigbeder et l'ineffable humanité qui transpire à chaque page de l'oeuvre magistrale d'Emmanuel Carrère. Et pourtant le livre primé n'est pas celui qui recèle les qualités évidentes de fond et de forme qui manquent tellement à l'autre...

Pour finir je souhaite souligner une caractéristique quasi miraculeuse de ce livre soulignée dans différentes critiques que j'ai pu lire : ce livre ne possède pas une once de misérabilisme ou de glauquitude. Le sujet est dur mais sa lecture est douce, elle fait du bien.

Quelques liens
Ici un avis que je partage
Fiche livre et commentaires Prix Orange
Cacahuète semble Carrère-addict
Primprenelle met Carrère à l'honneur dans sa rubrique mensuelle et collective "Découvrons un auteur" (une vingtaine de participations)
Le très beau message de Ficelle

Conclusion

Un livre FOR-MI-DA-BLEUHHH. Sans la moindre hésitation un de mes 5 coups de coeur de l'année 2010.

9 commentaires:

Jules a dit…

Oui, oui on aime ce livre!! :) Un roman russe est à lire aussi...

Irrégulière a dit…

Un livre magnifique en effet, bouleversant, qui m'a arraché de nombreuses larmes et aussi fait réfléchir !

ficelle a dit…

C'est une belle chose quand on rencontre un livre comme ça…
J'en avais dit un mot ici
http://lexperiencedudesordre.hautetfort.com/archive/2009/04/05/merci-monsieur-carrere.html

Alex Mot-à-Mots a dit…

Un très beau livre que j'ai beaucoup aimé également.

Cécile Qd9 a dit…

@ Jules : il figure parmi ceux qui attendent chez moi avec La moustache et La classe de neige

@ Irrégulière : moi il m'a donné la pêche en fait

@ Ficelle : merci pour ce lien que j'avoue avoir eu la flemme de chercher et que j'ai ajouté dans le message

@ Alex : oui, beau, lumineux, bouleversant, important... Un livre qui donne sens au mot "littérature"

Anonyme a dit…

Je ne l'ai pas lu, j'ai aimé la moustache et surtout la classe de neige. Tu me le passeras ?

Anne

Cécile Qd9 a dit…

@ Anne : of course

Yv a dit…

Je vais faire tache, mais je n'ai pas aimé du tout. E. Carrère survole les thèmes sans vraiment les traiter. Il parle des autres, pour finalement ne parler que de lui. Une lecture franchement désagréable pour moi

Cécile Qd9 a dit…

@ Yv : je comprends ton point de vue sans aucunement le partager. Du mien, c'est justement le fait de contextualiser constamment les faits par rapport au propre vécu du narrateur (de l'auteur en l'occurence) qui rend le tout si sensible, si humain, si vrai.