lundi 14 septembre 2009

La fille perdue (David Herbert Lawrence)

Bonjour aux filles perdues
Bonjour aux garçons qui les trouvent
Bonjour aux zotres


Le tableau qui illustre l'édition de poche de ce roman s'intitule Grace lisant à Howth Bay et est signé William Orpen.

Avant de débuter cette critique, il convient sans doute de rappeler que je ne suis pas naturellement portée vers les classiques mais cela n'explique pas tout ce qui va suivre !

Je n'avais pas aimé L'amant de Lady Chatterley au point de ne pas terminer le roman. J'avais trouvé ce roman culte caricatural et ennuyeux, parfaitement insipide et profondément misogyne.
Aussi, quand Blog-o-book m'a proposé la lecture d'un autre roman de D.H. Lawrence je me suis dit que c'était l'occasion parfaite de me réconcilier avec cet auteur. Hélas, le rabibochage n'a pas eu lieu et même si j'ai trèèèèès laborieusement terminé La fille perdue je lui reproche globalement les mêmes défauts et une écriture médiocre.

4e de couverture

Alvina, une jeune fille de bonne famille ruinée qui découvre l’amour entre les bras d’un bel Italien fruste. Au mépris de toutes les conventions, elle le suit dans son pays. Perdue pour la morale, perdue dans un monde primitif dont elle n’a pas les clés, Alvina se découvre elle-même. Peinture au vitriol de la société de province, fresque historique de l’Angleterre et de l’Italie au seuil de la Première Guerre mondiale, hymne à l’amour charnel et à l’instinct vital : trois motifs qui s’entremêlent ici dans un récit vigoureux, d’une fraîcheur déconcertante.

Mon avis

J'ai reçu La fille perdue avant l'été et je n'ai pas eu le courage de l'emporter pendant mon mois de mission à Casablanca (537 pages tout de même !) car je savais que là-bas, je ne pourrais me plonger que dans des lectures faciles. A mon retour, j'ai eu énormément de mal à rentrer dans le roman et encore plus de mal à le terminer. Quel ennui ! Quelle lenteur ! Quelle insuportable surabondance de descriptions et de détails inutiles au récit (question : ce roman n'aurait-il pas été initialement publié sous forme de feuilleton payé à la ligne comme le furent certaines oeuvres de Balzac ?) ! Quelle lourdeur dans le style émaillé de répétitions du plus mauvais effet (non, à ce niveau là, la traduction n'est pas en cause) !

Je crois qu'une partie de ma déception tient également à la promesse du titre et du 4e de couverture car le roman est beaucoup moins centré sur Alvina et sur son histoire d'amour avec le beau Ciccio que je m'y attendais. A ce titre, le premier chapitre me semble parfaitement inutile comme, de manière générale, tout ce qui concerne les activités du père d'Alvina (quasiment aussi présent qu'elle dans ce roman) dont on se fout complètement et sur lesquelles l'auteur appuie lourdement pendant des pages et des pages pour bien nous faire comprendre qu'Alvina n'a pas de fortune. Ne suffisait-il pas de le dire en quelques paragraphes ? On aurait compris !

Je pense que le livre aurait mérité 1/3 de coupes au moins. L'auteur s'absout lui-même de ces insupportables et interminables digressions (d'habitude j'aime ça mais n'est pas
Jaenada qui veut !) et précise au début du chapitre 2 (page 44 !) :
L'héroïne de cette histoire est Alvina Houghton. Si nous l'avons laissée hors du premier chapitre de sa propre histoire, c'est que pendant les vingt-cinq premières années de sa vie, on ne tint pas plus compte d'elle que si elle avait été quantité négligeable.

Mais le vrai problème est qu'on ne s'intéresse absolument pas à ce qui arrive à cette fille plus falotte que perdue. Alvina apparaît froide, insignifiante, molle, effacée, insensible, indifférente, sans affects. C'est un meuble. On ne comprend rien à ses motivations ou à leurs absences et à cette alternance de passivité et d'indépendance. On ne sait pas si elle cherche consciemment à s'émanciper ou si elle subit son sort. A aucun moment on ne décèle chez elle la moidre parcelle de révolte ou le moindre soupçon d'enthousiasme car Lawrence reste constamment sur un plan descriptif et ne se préoccupe absolument pas de nous décrypter les motivations de son personnage principal, à aucun moment il ne nous fait entrer dans l'esprit de cette femme. Son attirance pour Ciccio relève du mariage de la carpe et du lapin et semble correspondre nettement plus au fantasme d'un auteur misogyne qu'au coup de coeur d'une jeune femme. Lawrence justifie tout par la passion, seulement cette passion qu'il affirme comme un postulat, on ne la sent jamais souffler dans le roman. Je dirais qu'on la sent d'autant moins qu'Alvina ne semble pas spécialement attirée par le sexe.

De fait, on se fout complètement qu'Alvina soit perdue ou non et pourtant le sujet avait de quoi passionner en général et de quoi me passionner en particulier tant mes centres d'intérêt personnels faisaient de moi la candidate idéale pour la peinture sociale et historique que j'attendais sur la condition d'une jeune femme au début du XXe siècle. Je n'ai trouvé qu'une ébauche à la fois maladroite sur le fond et surchargée sur la forme, bien loin de l'intelligence et de l'excellence formelle de Chez les heureux du monde d'Edith Wharton qui traite du même sujet.

Les dernières pages sont sans doute les plus intéressantes mais alors que le roman s'éternisait de manière exaspérante pendant des centaines de page, les 3 ou 4 derniers chapitres qui se déroulent en 1914 et 1915 (N.B. : l'Italie n'est entrée en guerre que le 23 mai 1915) survolent lamentablement l'exil conjugal d'Alvina vers l'Italie en plein contexte de début de première guerre mondiale, son arrivée dans un village perdu bien loin de son ancienne vie et ses rapports rares et superficiels avec les autochtones. Là encore, les émotions sont rares, les analyses inexistantes et la distance ne se réduit pas entre l'héroïne et les lecteurs/trices.

Quelques liens

Références sur
Blog-o-book
Armande a beaucoup aimé
Véro eu du mal au début puis s'est laissée embarquée par l'histoire
Zarline lui donne juste la moyenne

Conclusion

Ce que j'ai préféré dans ce livre : le tableau sur la couverture !
J'en ai définitivement fini avec
D.H. Lawrence.

10 commentaires:

Mangolila a dit…

N'est-ce pas ce qu'on appelle un assassinat en règle? Mais c'est ton droit! Je vais donc me replier sur :"Chez les heureux du monde" qui m'attend depuis un petit moment et puisque tu dis qu'ils traitent tous les deux du même sujet? (Lawrence, je lui conserve mon affection, malgré tout car, l'ayant lu très jeune, je lui dois une partie de mon éducation!:)

Cécile Qd9 a dit…

Un assassinat ? Non, Lawrence est déjà mort, il ne risque donc rien. Cela dit :

1 - j'aurais sans doute été plus soft avec un auteur vivant... quoique...
2 - mes critiques vraiment très négatives sont rares (Angot, Ben Sadoun, Marti, Legendre et quelques zotres), toujours argumentées et replacées dans leur contexte de lecture.
3 - Je pense vraiment que ce livre est médiocre, mal construit et pourri de longueurs soporifiques et sans intérêt que ce soit sur le plan littéraire ou historique.
4 - je donne des liens vers d'autres avis, à chacun(e) de se faire le sien selon qu'il/elle est ou non sensible à mes arguments ou à d'autres.

Cynthia a dit…

C'est amusant, j'ai entendu parler de " L'amant de Lady Chatterley " hier soir dans l'émission Métropolis:
http://plus7.arte.tv/fr/1697660,CmC=2837994,scheduleId=2809254.html

Véronique Ovaldé en lisait quelques passages (vers la 20ème minute) qui ne m'ont pas du tout encouragée à lire ce livre!

Praline a dit…

J'adore cette critique ! Surtout le "c'est un meuble" ! Bon, tu ne m'encourages pas à aller vers Lawrence que je n'ai à ma grande honte jamais ouvert. Il attendra encore un peu. Et je ne commencerai pas par ce titre !

Cécile Qd9 a dit…

@ Cynthia : Mazel en parle sur son blog et j'ai aussi vu une autre critique ailleurs. Effet de mode ?

@ Praline : j'ai ajouté un petit paragraphe introductif à ma critique. Je ne suis sans doute pas la personne la mieux placée pour dire par quel livre commencer. Son "tube Chatterleysque" sans doute même si je l'ai encore moins aimé que La Fille Perdue.

zarline a dit…

Je partage en grande partie ton avis. Je n'ai toujours pas lu L'Amant de ... et je dois dire que j'hésite vraiment à me lancer. Merci pour le lien.

mazel a dit…

voilà qui m'évite une tentation... mais l'image de couverture est bien belle...

bises

liliba a dit…

J'adore tes billets quand tu n'es pas contente ! (et je laisse ce titre de coté vu ton manque d'enthousiasme...)

Armande a dit…

Moi, c'est la couverture qui m'a rebutée ! Ras le bol des jeunes filles romantiques au bord de la mer... Quant au roman, je trouve que tu as la dent dure. La première partie, consacrée effectivement au père, m'a intéressée. Le portrait de ce commerçant "excentrique" est plutôt bien fait.Je me suis attachée au sort d'Alvina, que je juge moins cruche qur toi...Mais de nombreuses années d'enseignement ont peut-être altéré mon jugement. Je suis souvent d'une indulgence coupable...

Cécile Qd9 a dit…

@ Zarline : merci aussi

@ Mazel : la couverture m'a fait penser à toi et aux tableaux de liseuses et liseurs dont tu illustres ton blog

@ Armande : nos avis sont en effet très divergents et c'est ça qui est intéressant