mardi 10 juillet 2012

La ballade de l'impossible (de Haruki Murakami)


Bonjour à celles et ceux qui ont la nostalgie de leur adolescence
Bonjour à celles et ceux qui ont de mauvais souvenirs de cette période
Bonjour aux fans de littérature nippone
Bonjour aux zotres

J'ai lu La ballade de l'impossible de Haruki Murakami sur recommandation expresse de quelqu'un qui venait de terminer Le Chameau sauvage (devinez sur le conseil de qui) et qui, étrangement, à trouvé certaines ressemblances entre les deux livres. Si je comprends vaguement pourquoi, je n'adhère pas pour autant à cette étrange comparaison tant le roman de Jaenada est réjouissant, plein de chaleur, de tripes et de vie (même si le drame n'en ai pas absent) et celui de Murakami désespéré et froid, éthéré, empreint d'une ineffable tristesse.

Le sujet

Alors qu'il quitte un avion, Watanabe entend les premières notes de la chanson Norwegian woods des Beatles. Cela le replonge 18 ans en arrière, dans une période sombre de son adolescence, peu de temps après le suicide inexplicable de son meilleur ami Kizuki. Si se remémore les liens contrastés qu'il entretenait alors avec l'insaisissable Naoko, l'ancienne amie de Kizuki et avec la lumineuse et libre Midori.

Mon avis

Il n'est pas évident d'évoquer ce roman tant, à mon avis, ce qui prime est moins l'histoire ou le style que l'atmosphère très particulière qui se dégage pendant et qui persiste après sa lecture pour un temps plus ou moins long selon qu'on a été touché ou non par l'histoire. Ce n'est pas mon cas. J'ai bien aimé ce roman mais il ne m'a pas marquée et, d'ici quelques jours ou semaines, il ne m'en restera rien.


Je pense qu'un minimum de connaissance de (ou d'intérêt pour) la société nippone ne nuit pas à l'appréciation du roman et à la compréhension de certains aspects de se qui s'y déroule. Je ne suis pas certaine de posséder ces bases minimales et, dans mon cas, j'ai plutôt l'impression que cette lecture a renforcé certains clichés plus ou moins fondés que je peux avoir sur le sujet : dureté des rapports humains, importance du formalisme et ritualisations diverses, mal être adolescent, rapport à la mort en général et au suicide en particulière quelque peu différent du notre.
 
A tous ces égards, j'ai éprouvé en cours de lecture une sorte de curiosité ethnologique pas nécessairement bienveillante qui explique peut-être en partie le fait que je sois restée quelque peu hermétique à l'avalanche de malheurs et aux torrents de situations désespérantes qui jalonnaient le récit. Mais pas seulement. D'autres facteurs plus "objectifs" ont également joué en ce sens.

Le récit sous forme de flash back
Le flash back initial est parfaitement inutile, artificiel et pour tout dire peu crédible en raison de la forme très précise et détaillée, à la limite du décorticage descriptif, que seule la mémoire immédiate permet. Par exemple, qui, parmi les quadra qui me lisent se souvient avec précision de quelques menus de resto U de ses années post baccalauréat ? Personne évidemment.
En outre, le récit ne quitte jamais la période de l'adolescence de Watanabe aussi ne voit-on pas très bien l'intérêt de ce parti pris introductif ? Peut-être pour installer d'emblée l'idée de nostalgie.

La forme très distanciée et peu analytique
Je trouve ce roman totalement paradoxal tant il est descriptif et peu analytique malgré les sujets même qu'il évoque (la souffrance adolescente, la difficulté d'aimer, l'incertitude face à l'avenir, etc.). Le personnage de Watanabe apparaît étrangement distant, désincarné, lisse et je serais bien incapable de citer un trait de sa personnalité.
Le récit n'est relaté que sous forme d'une succession de faits et presque jamais directement sous l'angle des émotions qu'ils engendrent alors que c'est justement le coeur du sujet selon moi. Je crois n'avoir jamais croiser des verbes comme "penser", "imaginer", ressentir" ou des noms comme "sentiments", "impression", ou "sensation" (et encore moins les substantifs qui les désignent).
Le personnage manque totalement d'épaisseur et cette absence de relief nuit considérablement à l'intérêt que l'on peut porter à ce qu'il vit. Le processus d'identification ne joue pas (et pourtant je ne suis pas la dernière à revendiquer mon droit au bovarisme (le n°6 de la liste de Daniel Pennac).

Le manque d'humanité
Même les réactions les plus marquées de Wanabate prennent la forme d'actions muettes plutôt que d'expression de sentiments ou de réflexion. Même si je veux bien à la limite concevoir que les plus grandes douleurs sont muettes (quoique), je refuse d'imaginer qu'elles ne génèrent pas d'intenses bouleversements introspectifs, d'interminables tempêtes sous crâne, de douloureuses sensations physiques. Qu'ils soient liés à la mort ou à l'amour (ou aux deux), la souffrance et le manque prennent aux tripes, vrillent les sens, occupent les pensées et c'est ça, justement, qui nous renvoie à notre terrible condition humaine et à cette omniprésence de la perte et du renoncement avec lesquels nous devons vivre et c'est ça, aussi, que je n'ai pas trouvé dans ce livre.
Même les actes sexuels qui jalonnent le texte sont, dans le meilleur des cas, décrits de façon dépassionnée, quasi clinique et sont bien loin des promesses sulfureuses ou même de la sensualité parfois évoquées dans certaines critiques. Ce que j'ai retenu, moi, ce sont les multiples évocations de dysfonctionnements sexuels d'ordre psychologique ou physique. Selon moi, il y a 1000 fois plus de sensualité et de désir dans quelques paragraphes de L'évangile de Jimmy (de Van Cauwelaert) que je suis en train de lire que dans cette Ballade de l'impossible.

La douceur d'une petite musique
Il n'en reste pas moins qu'une petite musique lente s'installe et que le rythme même de l'écriture et le ton du récit ne sont pas dénués d'un certain charme vénéneux qui m'a effleurée sans me toucher. Je ne me suis pas ennuyée mais rien ne m'a marquée dans ce livre pourtant sombre.
Je crois que je suis restée extérieure à ce roman plus ou moins pour les mêmes raisons que je n'ai pas aimé In the mood for love de Wong Kar Wai : parce que je n'ai ressenti aucune sincérité dans ce récit bien souvent empreint d'affectation esthétisante et parce que je préfère les fracas assourdissants et tourmentés aux petites musiques lancinantes.

Quelques liens

Evene - Je ne suis pas d'accord avec les 6 premières lignes de la critique mais totalement avec la suite.
ActuaLitté - Le roman a été censuré dans un lycée US (mais pas du tout pour le motif pour lequel, moi-même, je le déconseillerais aux ados).
La lettrine - Anne Sophie adore et, chez elle, le processus d'identification qui m'a tant manqué a joué.
Chez Didi - Peut-être le plus beau passage du roman en extrait (qui démontre en outre, qu'un tel niveau de détail ne peut pas être rapporté comme un souvenir datant d'il y a une vingtaine d'années).

Conclusion

Je me suis laissée bercer et j'ai achevé ce livre sans effort ni déplaisir mais je n'ai pas été touchée et je n'ai trouvé aucune matière à introspection dans ce livre. Vous trouverez 1000 personnes pour vous dire que c'est génial et bouleversant, elles ont sûrement raison. A lire d'humeur ethnologico-nostalgico-contemplative, de préférence avec un moral d'acier.

4 commentaires:

Didi a dit…

J'ai lu ce livre en 2004, ce qui me reste relève de l'atmosphère et pas vraiment de l'histoire. Je me souviens d'une très belle scène avec des lucioles et des esprits tourmentés.
Je relirais du Murakami pour retrouver cette atmosphère.
Bises

Cécile Qd9 a dit…

Il est vrai que le passage des lucioles est très beau. Sans doute un des plus beaux du livre.

Didi a dit…

Coucou Cécile, j'avais fait un billet sur mon blog concernant cet extrait en mai 2011, je me permet de te mettre le lien :
http://imagimots.blogspot.fr/2011/05/luciole.html
Bises !

P.S : as-tu lu et vu ma proposition de places pour l'expo Tim Burton ?

Didi a dit…

Merci pour le lien avec le très bel extrait :-)
Bises