mercredi 11 août 2010

Les cinq quartiers de l'orange (de Joanne Harris)

Bonjour Liliba
Bonjour à celles et ceux qui aiment l'odeur des oranges
Bonjour aux zotres

Les 5 quartiers de l'orange (L5QO) a été sélectionné par Liliba dans le cadre du prix Qd9 2010 et j'étais très impatiente de lire pour au moins 3 raisons.

1 - J'avais vu et aimé au cinéma la très belle adaptation avec Juliette Binoche et Johnny Deep du livre Chocolat et cela m'avait donné une furieuse envie de découvrir ce livre et l'univers de Joanne Harris empreint de sensualité et de gourmandise.
2 - L5QO se déroule en pleine seconde guerre mondiale et, tout comme Chocolat, le non conformisme au féminin, la nourriture et les odeurs y jouent un grand rôle.
3 - Ce livre était recommandé par Liliba.

Je m'attendais vraiment à l'aimer mais la rencontre n'a pas eu lieu du tout et plus j'avançais dans ma lecture, plus je soupirais d'agacement en tournant les pages.

Le sujet

A 65 ans, Framboise Simon revient dans son village natal sans que les habitants reconnaissent en elle la fille de Mirabelle Dartigen qui, pendant la seconde guerre mondiale, fut tenue pour responsable de l'exécution de 10 villageois (et pas 11 comme indiqué sur le 4e de couv). Comme seul héritage, Framboise ne possède qu'une solide ressemblance avec cette mère si longtemps crainte voire haïe et le carnet recettes de cette dernière dans lequel, au fil des jours, elle va chercher la part de vérité manquante pour reconstituer le drame qui a hanté son enfance et fait basculer sa vie.

Mon avis

Commençons par les points positifs. J'ai aimé tout le début du roman. Joanne Harris sait installer un climat et tisser les bases d'une histoire en distillant un à un les indices de manière à attiser la curiosité et la dépendance de ces lecteurs/trices. Elle sait aussi, et surtout, merveilleusement bien parler de cuisine et loin d'être superflues ou artificiellement collées dans le texte, toutes les pages consacrées aux recettes, à la nourriture, aux odeurs, à la cueillette des fruits et à leur transformation sont, à mon avis, de très loin les meilleures et l'on y retrouve couchées sur le papier, les sensations et le message qui m'avaient tant plu dans Chocolat : préparer à manger et partager un repas sont des actuels sensuels voire des actes d'amour.

Le livre me semblait donc on ne peut plus appétissant et bien servi par une plume qui, sans être excfeptionnellement remarquable paraissait agréable. Hélas, hélas, hélas, la sauce ne prit pas longtemps et devint vite indigeste pour diverses raisons.

Tout d'abord parce que c'est d'une loooooooooongueur insuuuuuupportable. L'auteure se perd dans des détails descriptifs et c'est vite assomants. Par exemple. sur des pages et des pages interminables et sans intérêt (car ne on parvient pas à visualiser la scène et la géographie des lieux) on a droit au récit par le menu de la récupération de quelques pièces dans un porte monnaie planqué dans l'eau ou à celui de la confection puis de la dissimulation d'un petit sachet (dont je ne peux rien dire de plus pour cause de spoiler). En outre, ce dernier passage a dépassé les limites supportables du n'importe quoi côté crédibilité.

Et là, j'en arrive directement à un autre énoooooorme problème du roman : il enchaîne les invraisemblances, les anecdotes à dormir debout, les détails qui sonnent faux. Je n'en citerai là encore que 2 : comment oser faire avaler qu'en pleine guerre dans un village aux bords de la Loire, une fillette de 9 ans, sauvage et coupée du monde, réponde sérieusement "si" quand son grand frère lui balance "t'as jamais entendu parler des camps de la mort peut-être ?" comme si c'était une évidence qu'ils aient effectivement entendu parlé de ça malgré leur profil et leur âge alors que bon nombre d'adultes en ville ignoraient leur existence ! Et puis à quoi rime cet entêtement ridicule à choisir aux personnages de cette familles des prénoms abracadabrantesques et fruitiers sur 4 générations et cela en parfaite contradiction avec l'idée même des difficultés à ressentir un lien familial et affectif développée par l'auteure tout au long du roman ? Ce détail suffit à lui seul à faire perdre toute crédibilité au récit (et par là même tout intérêt).

Et je ne parle même pas de l'hypothèse de départ saugrenue du retour de Framboise dans son village natal. On ne comprend jamais ce qui sous-tend ce présupposé capillotracté mais bon, admettons puisque sans ça il n'y aurait pas de roman. Ou plutôt si ! Sans ça il aurait pu y avoir un bien meilleur roman se contentant de raconter des souvenirs douloureux de manière plus directe, moins parasitée par des complications artificielles et des personnages secondaire superflus.

Ensuite, le personnage de Framboise est exaspérant. Joanne Harris partage avec Catherine Cusset la faculté (sans doute pas si évidente à réaliser en fait) de faire de son personnage principal quelqu'un de peu voire pas du tout sympathique. Mais là où Cusset réussit dans certains de ses livres (pas tous) à nous attacher malgré tout au récit de ses héroïnes par la qualité de sa plume, par l'authenticité de sa violence si particulière, par la profondeur de ses analyses, par la richesse de ses digressions, Harris ne parvient pas à faire de cet interminable roman autre chose qu'une lente autojustification mesquine et dénouée de remords que j'ai souvent trouvée dérangeante.

Mais surtout, dans le fond (et c'est là le vrai drame paradoxal) au lieu de ressentir la moindre émotion, on finit par s'en foutre de ces souvenirs et très vite, la manière dont l'auteure fait traîner les choses nous met un peu dans la situation de Robert et Raymonde Bidochon invités chez un couple revenant de voyage pour une soirée diapo dont ils se passeraient bien ou rappelle quand lors d'une conversation téléphonique et sous prétexte de nous relater une anecdote survenue lors d'une réception où l'on n'était pas et où l'on ne connaissait quasiment personne, on ne nous épargne aucun détail sur les motifs de la nappe, la composition du menu, des sujets de conversation, des études du fils du cousin du neveu du plombier de la concierge de la maîtresse de maison. On a hâte que ça finisse, on voudrait que ça aille plus vite, on a envie de crier "oui bon, je m'en fooooooous de tout ça, viens en faut fait, abrèèèèèèèèège".

Loin de corser le bouillon, l'histoire parallèle des neveux et du snack bar allonge encore la soupe d'une louche de n'importe quoi dont on n'avait franchement pas besoin. Je déteste la bassesse ambiante qui soustend toutes ces scènes et la méchanceté fondamentale, la mesquinerie de chacun des personnages impliqués et ce qui me gêne la-dedans, c'est que la manière dont c'est écrit tend à faire croire que les réactions de Framboise (enfant comme adulte) sont "normales" ou excusables.

Or à mes yeux, ce livre est truffé de comportements que rien ne peut justifier au point que je me suis demandée, comme j'ai pu le faire pour Cusset d'ailleurs, quelle pouvaient être la personnalité et le caractère de l'auteure pour décrire de cette façon là (quasiment sur le mode de la justification), des sentiments aussi bas ou des absences d'affects et de remords. J'insiste que ce ne sont pas les sentiments et situations dépeintes qui me choquent mais la façon dont ils le sont. Ce n'est pas la morale individuelle des personnages qui me pose question mais bien celle de l'auteure avec laquelle je ne me sens pas en phase. Seul le gendarme me semble humain dans cette histoire. Quant à la conclusion du livre : au secours...

Mon avis étant très tranché négativement (vous aviez remarqué ?) ; je vous suggère donc d'en lire d'autres pour vous faire votre propre avis en fonction de vos affinités et envies de lecteur/trice. Je signale un lien vers la critique positive de Lily qui fournit 2 extraits assez représentatif du style et qui donne une idée de la manière dont l'auteure élude constamment certaines précisions quand ça l'arrange. Ainsi ne saura-t-on finalement rien de la maladie de la mère, de son origine et de son évolution, rien non plus de ce qui est arrivé à Reine-Claude une fois adulte. Au final, et malgré des invraisemblances là encore, seul le personnage complexe d'un jeune soldat allemand prénommé Tomas m'a vraiment intéressée.

Conclusions

Je n'ai pas encore trouvé le 3e roman étranger pour lequel je voterai dans le cadre du prix Qd9 et même si je ne suis pas parvenue pour le moment à achever Tout est illuminé de Johnattan Foer Safran, je lui reconnais des qualités autrement supérieures à cette salade d'orange indigeste.

5 commentaires:

Cécile a dit…

Zut, tu n'as vraiment pas apprécié ! Ce livres est dans ma PAL, alors que je pense l'avoir lu . Mais si je n'en garde aucun souvenir, c'est peut-être, justement, que....Que vais-je faire : le liquider au prochain vide-grenier, ou suivre les recommandations de Liliba ?

bladelor a dit…

Mmmm, je te rejoins assez dans ta critique, je n'avais guère apprécié ce roman que j'avais trouvé fort long comme toi !

Aifelle a dit…

Je l'ai abandonné au milieu il y a 6 mois, il me mettait mal à l'aise. Je pensais le reprendre plus tard, avec ton billet, il ne va pas y avoir urgence.

liliba a dit…

Pfff, eh ben dis donc !!!
Désolée que tu n'aies pas aimé... Mais ton avis si tranché me donne presque envie de le relire pour voir si j'y trouverais autre chose qu'à ma première lecture...

ficelle a dit…

Elle est radicale la présidente ;-)
(je ne l'ai pas lu, alors je ne peux que me taire…)