mercredi 10 septembre 2008

Soie (d'Alessandro Baricco)



Bonjour aux italien(ne)s
Bonjour aux japonais(e)s

Bonjour aux zotres


Ce matin, lorsque je suis sortie du métro, j'avais la gorge nouée et les larmes aux yeux, non à cause de la poussière parisienne ou parce que je n'étais pas réveillée (quoique) mais parce que je venais d'achever, trop vite, trop tôt, un tout petit livre magnifique, subtil et bouleversant.

A cet instant, le prospectus jaune et noir pour une vente privée Diesel et Versace qu'un jeune homme m'a tendu m'a semblé le symbole même de la vulgarité. Je l'ai pris avec un sourire et un merci parce que c'était son job de distribuer ces trucs. Il y en avait partout sur le sol, sur le muret de l'escalier de la station Opéra, accrochés en l'air dieu sait comment à un panneau indicateur et même quelques uns dans une poubelle. C'est dire...

Mon livre refermé à la main, j'avais l'impression de ne pas être tout à fait là. Je flottais dans ma bulle de soie, celle si magnifiquement tissée par Alessandro Baricco en 142 pages d'une finesse ineffable.

Le sujet
Serge Joncour vivait une vie paisible dans le Vivarais jusqu'au moment où, dans les années 1860, une épidémie dévaste les élevages de vers à soie d'Europe et même ceux du nord de l'Afrique. Afin de se procurer des oeufs sains et ainsi de sauver l'économie de son village abritant pas moins de 7 filatures, il part au Japon qui vient de mettre fin à des siècles d'autarcie.

Mon avis
Deux livres exceptionnels en deux mois, mon coeur ne va pas y résister. "Soie" est incontestablement ce que j'ai lu de plus beau et de plus bouleversant depuis... depuis... ah... je ne sais pas. Dans certains cas la tendance actuelle aux romans brefs s'expliquent parce que les auteurs n'ont pas grand chose à dire, peu de plume pour l'écrire et encore moins d'imagination pour le développer. Dans le cas de Baricco, cette concision n'est que finesse, pudeur, légèreté et poésie. Peu de mots suffisent parfois pour dépeindre des émotions, esquisser une passion, évoquer des couleurs, des tissus, des sons, des regards, des gestes, la symbolique du vol d'un oiseau. Le roman de Baricco est d'une indissible sensualité qui s'exprime dans la ponctuation, dans le rythme lent et précis d'une prose économique et incroyablement juste mais aussi dans les non-dits du texte, dans tous ces mots non échangés, comme tus par l'évidence et la douceur d'un voile de soie.

Le chapitre 55
Six mois après son retour à Lavilledieu, Hervé Joncour reçut par la poste une enveloppe de couleur moutarde. Quand il l'ouvrit, il y trouva sept feuilles de papier, couvertes d'une écriture dense et géométrique : idéogrammes japonais. Hormis le nom et l'adresse sur l'enveloppe, il n'y avait pas un seul mot écrit en caractères occidentaux. D'après les timbres, la lettre semblait venir d'Ostende.
Hervé Joncour la feuilleta, et l'examina longtemps. On aurait un catalogue d'empreintes dse petits oiseaux, dressé avec une méticuleuse folie. C'était surprenant de penser qu'en fait c'étaient des signes, la cendre d'une voix brûlée.

Conclusion
"Soie" fait partie de ces livres qu'on n'a tout simplement pas le droit de ne pas lire.
Ca y est, je pleure.

13 commentaires:

Jules a dit…

Je me demande si je ne l'aurais pas lu trop vite celui-là... Je me rappelle avoir aimé, mais pas à ce point...

Jerry OX a dit…

Merci pour cette brillante et attractive chronique littéraire ! ton blog est toujours aussi foisonnant et riche de découvertes .

PS : un ami vient d'écrire une bio sur la vie et la carrière de Peter Gabriel , si ça te dit de venir lire le billet que j'avais consacré à ce livre afin d'avoir ton avis ce serait un grand plaisir !

En te souhaitant une agréable semaine .

Manon a dit…

Oh, chouette alors, j'ai envie de le lire moi aussi. Très joli billet, très joliment écrit, chère Cécile. Au fait, as-tu lu "Océan mer" du même auteur? Un livre mystérieux, qui flirte avec le surréalisme. J'ai adoré.

Anonyme a dit…

Waow, impossible de ne pas l'ajouter instantanément a ma liste de livres à lire d'urgence!

Cécile Qd9 a dit…

@ Jules : j'ai écrit ce message à chaud sous le coup de l'enthousiasme (bien réel). Peut-être manque-t-il un tout petit peu de nuance (quoique). Je verrai ce qu'il me restera (ou pas) du livre dans quelques semaines... mais généralement mes enthousiasmes durent.

@ J.P. : Promis j'irai voir... C'est bien de me rappeler de temps en temps d'aller faire un tour chez toi

@ Magda : j'ai hâte d'avoir ton avis

@ Vanillabricot : ta confiance m'honore mais en suis-je digne ? ;o)
Ajoute aussi "le chameau sauvage" si tu ne l'as pas déjà lu

Anonyme a dit…

Qu'est-ce que j'ai aimé ce roman moi aussi !
J'ai admiré l'aisance et la légèreté du style, aérien, qui tend à l'épure, plein de mystères, de non-dits, de silences et de retenu. J'ai aimé les personnages, faits de désirs et de passions contenus.
Ce roman est réellement très beau, plein de douceur...

Antoine a dit…

J'adoooore ce livre !

Anonyme a dit…

Je n'ai lu que "Novecento" de cet auteur, et il m'avait laissé aussi enthousiaste que toi. Il me faut "Soie" à tout prix!

Anonyme a dit…

De l'art et de la manière de lire un blog :

J'aime beaucoup ton blog mais j'ai pas le temps de le lire donc je prends 3 minutes et demi le soir avant de sortir du bureau pour imprimer la note du jour et la lire dans le métro.

C'est pas décalé ça comme façon de lire un blog !!!

;)

Anonyme a dit…

Je viens de terminer ce livre ... et je pense comme toi : à lire de façon obligatoire...
Par contre ça passe vite ce petit moment de zenitude, un peu court le roman

Anonyme a dit…

Le style épuré ne m'a pas envouté, je trouve que trop de simplicité nuit aux personnages et à l'histoire, ce fut une déception pour moi!

Cynthia a dit…

Ce commentaire arrive sur le tard, comme son auteur sur votre blog d'ailleurs ;)
Très belle analyse de "Soie" que je ne peux que partager!
J'ai souri en lisant "Serge Joncour" à la place d'"Hervé Joncour" dans la rubrique "sujet".
Il y aurait-t-il une explication à cela? :)
Au plaisir de vous lire,

Cynthia.

Cécile Qd9 a dit…

@ Bluegrey : oui, un concentré d'émotion. J'ai vu qu'il venait d'être adapté au cinéma et je ne suis pas certaine d'avoir envie de voir le film

@ Antoine : logique

@ Gael : je lirai les zotres

@ Cléa : toutes les façons sont bonnes surtout si tu commentes aussi ! :o)

@ Orchidée : moi je trouve que l'empreinte du livre reste

@ Mademoiselle Swann : je pense que le livre serait tombé dans le melo si le style avait été moins épuré

Cynthia : Juste un lapsus car j'aime beaucoup l'écrivain Serge Joncour.