vendredi 19 décembre 2008

Chick litt (for men) et autres considérations (féministes)


Bonjour aux téméraires participants à ce challenge pas si littéraire que ça
Bonjour aux zotres

Le blog "Romans et Lectures" a eu l'idée d'un challenge "littéraire" spécifiquement masculin dont je vous laisse découvrir les règles zintégrales ici.

En gros, il s'agira pour ces messieurs de lire un de ces bouquins pour poulettes qui inondent le marché du livre depuis le succès rencontré par "Le Journal de Briget Jones" d'Helen Fielding. Succès mérité d'ailleurs, en tant que premier du genre et franchement novateur sur le fond et la forme, ce livre n'est pas à mépriser, loin de là ! Il est même culte. Mais de là à dire comme j'ai pu le lire et l'entendre à diverses reprises "Nous sommes toutes des Bridget Jones" comme un slogan limite révolutionnaire, il y a un pas, que dis-je un fossé, un gouffre, un abime, que je ne franchirai pas ! Même si j'ai reconnu certains traits déformés, certaines réactions typiquement féminines, je ne m'identifie pas à cette dinde gaffeuse et névrosée, pas vraiment futée (voire franchement bêtasse) et j'espère bien qu'aucune femme ne le fait sérieusement...

Je crie bravo, j'applaudis des trois mains voire des 13 pieds face à ce challenge et pourtant je n'aime pas ce que je considère vraiment comme un "sous-genre" qui, dans mon esprit ne diffère pas tant de la prose de Barbara Cartland, des romans Harlequin ou des bleuettes publiées dans le magazine "Nous Deux" si ce n'est par l'âge et le mode de vie de ses lectrices, des nanas jeunes, modernes, actives (sic ! Comme si une femme au foyer était inactive ! Passons, c'est un autre débat).

Ce concept de livres ciblés et un brin nunuche m'énerve et, renforce selon moi certains clichés sexistes et certains clivages hommes/femmes d'un autre âge. Il présente des femmes une image plutôt sympa (certes) mais caricaturale, naïvement niaise, maladroitement rigolote, un brin immature et compulsive. Il va sans dire qu'on ne peut imaginer que "l'accro du shopping" dont parle Sophie Kinsella dans une saga de 4 ou 5 best-sellers soit un mec ! Et pourquoi pas d'abord ?

@ Parce que c'est comme ça, parce que les idées préconçues sur les hommes et les femmes sont tellement ancrées culturellement qu'on n'imagine pas non plus (encore moins ?) que le personnage du clip de smack my bitch of de Prodigy (excellent en tous points dans le genre) et tourné en caméra subjective soit autre chose qu'un mâle en rut (la video est visible sur youtube et dailymotion en version non censurée, âmes sensibles et pudibondes s'abstenir...).

@ Parce qu'au resto, une fois sur deux (bon, OK, plutôt une fois sur 3 ou 4 depuis qu'on est au 3e millénaire et que j'ai quelques cheveux blancs), même quand c'est moi qui choisit le vin, c'est le monsieur de la table à qui on propose de le goûter (quitte à ce que je le regoûte et le refuse ensuite, et toc !).

@ Parce que dans un café si je prends du vin et le monsieur en face un coca, on m'apportera plutôt qu'à lui la boisson sans alcool (y compris si c'est le/la même serveur/se qui prend la commande et apporte les verres !) et parce qu'il m'est arrivé plusieurs fois de constater qu'on rendait la monnaie ou tendait l'appareil à carte bleue à monsieur même quand c'était moi qui avait sorti le billet ou la Visa (inutile de vous préciser le montant du pourboire dans ce cas là !).

@ Parce qu'on offre des fleurs aux femmes et du vin aux hommes, parce que les RTT ont conduit à plus de loisirs pour les hommes et plus de temps pour la famille et le ménage pour les femmes, parce qu'un petit garçon c'est fort, c'est grand, vêtu de bleu, parce qu'une petite fille c'est joli, c'est sage, habillé de rose, parce que l'école ou la nounou appellent en priorité la maman (et pas toujours le papa) si l'enfant est malade, parce que le slogan Blédina c'est "du côté des mamans" et pas "du côté des parents" (je me suis jurée que si j'avais un bébé, il ne boufferait pas de trucs de cette marque).

@ Parce qu'on a fêté récemment les 60 ans de la déclaration universelle des droits de l'homme et pas celle des droits de la personne. Parce que la dissymétrie lexicale a encore de belles années devant elle et qu'un grand homme ne veut pas dire la même chose qu'une grande femme, parce qu'un homme public n'est pas supposé se prostituer.

@ @ @ Etc.

Alors moi, vous comprenez, la Chick litt je dis que c'est sympa à condition :
- d'arrêter rapidement parce que c'est pas tout ça mais il y a suffisamment de vrais bons livres à lire pour éviter ceux-là,
- d'admettre que ça a autant de rapport avec la réalité de la vie d'une femme qu'un San Antonio avec une vraie enquête de police,
- de considérer qu'il n'y a rien de honteux à ce que les hommes mettent le nez voire les yeux dedans y compris dans le métro sans cacher la couverture (je pense d'ailleurs que d'un point de vue quasi "ethnologique", ça devrait les intéresser plus que nous en fait) et je redis bravo pour ce challenge clin-d'oeil,
- de comprendre qu'un "livre écrit par une femme" n'est pas nécessairement un "livre de fille" (idem pour les blogs d'ailleurs).

Bon, les garçons, c'est pas tout ça mais quand vous en aurez fini avec votre chicklittitude, je vous suggère de lire Manuel de chasse et de pêche à l'usage des jeunes filles de Mélissa Bank qui, contrairement à ce que son titre peut (hélas) suggérer, ne fait pas partie des bouquins pour poulettes mais est un excellent roman, bien écrit, fin, grave et analytique comme j'aime.

7 commentaires:

In Cold Blog a dit…

Si ça peut te consoler, quand je suis avec mon cher et tendre, je suis victime des mêmes préjugés que toi au resto ou au café... au simple prétexte que j'accuse quelques années de moins au compteur (et quand je dis "quelques", je n'utilise pas tous les doigts des deux mains ;oD)

Anonyme a dit…

... féministe quoide9 ce matin...
et oui on est tous victimes de ces préjugés (moi aussi la cb au resto, pas plus tard que samedi dernier) grrr ....

Anonyme a dit…

J'aime bien quand tu t'énerves... C'est aussi à nous (les hommes) d'être attentif pour ne pas laisser se perpétuer ces clichés pénibles.
La prochaine fois qu'on va déjeuner ensemble, tu choisis et tu goûtes le pinard. Tu poses ton portable sur la table. Tu paies (non je déconne). Et tu me fais les yeux doux et du pied sous la table.
Et moi je tire les oreilles du serveur au moindre petit cliché, même sans le faire exprès.je veux pas le savoir, non mais des fois !

Cécile Qd9 a dit…

@ ICB : bah non, ça ne me console pas... ;o)

@ Orchidée : femme un jour, féministe toujours

@ TdE : Je ne m'énerve pas, j'espique calmement. ;o)
La dernière fois j'ai voulu payer mais tu as refusé. Et puis tu sais, je ne dédaigne pas un p'tit cliché de temps en temps (c'est si bon l'auto-contradiction en fait). C'est leur répétition voire leur permanence qui m'agace et ce qui m'agace plus encore c'est quand ce sont les femmes elles-même qui les entretiennent...

Anonyme a dit…

Au salon du livre où j'ai fait mes dédicaces en octobre, il y avait à côté de moi une représentante de la chik-litt (elle est un peu chroniqueuse TV et autres masques) (à défaut de plumes) (ce qui est un comble pour une chiken writer)… Ah, j'allais dire du mal ! Stop !
Bon, bref, de toutes les façons, les clichés disparaîtront quand les poules auront des dents… Ah Ah Ah.
Je l'ai lu ce livre - le manuel de chasse et pêche…- et je suis d'accord avec toi, il vaut mieux lire ce livre-là !

Cécile Qd9 a dit…

@ Ficelle : ou quand les coqs n'auront plus de crête... ;o) La chick litt ne vole pas très haut mais elle n'est pas près d'avoir du plomb dans l'aile.

Anonyme a dit…

Tiens juste pur te dire à propos du "Manuel de chasse...". J'ai vu le film qui en a été adapté, "Une fille à la page". Pas mal, ça suit bien le bouquin, mais par contre, Sarah Michelle Gellar pour le rôle titre... on a du mal à croire qu'elle ne va pas buter du vampire pendant tout le film !