vendredi 8 janvier 2010

La route (Cormac Mac Carthy)

Bonjour au jury du prix littéraire Qd9
Bonjour aux zotres

La route de Cormack Mac Carthy a reçu le prix Pulitzer 2007 et surtout, a été retenu par 6 juré(e)s comme finaliste de la sélection internationale du Prix Qd9. Moi je veux bien mais après l'avoir lu, je ne peux m'empêcher de douter un peu.

Le sujet

Le pire a eu lieu sur terre et n'a laissé sur la planète désolée, que quelques survivants errants et apeurés, luttant pour leur survie dans un monde sans ressources, sans chaleur, sans lumière, sans vie, avançant en quête de nourriture, se cachant pour ne pas tomber aux mains de meutes canibales. Dans ce chaos, un père marche sur une route en poussant un caddy. Il conduit son fils vers le sud car il faut bien tenter quelque chose et avancer malgré tout.

Mon avis

Vous pensez que la fin du monde est proche et vous cherchez un prétexte pour vous supprimer tout de suite ? Par sa franche gaité et son optimisme de tous les instants, ce livre est fait pour vous ! Plus sérieusement, si vous avez besoin de légèreté et de douceur, si vous rêvez de pétillance et d'espoir, ne lisez pas La Route dont le fond et la forme instaurent une ambiance oppressante, distillent le désespoir.

Le moins que l'on puisse dire de Cormac Mac Carthy est qu'il sait installer une atmosphère et qu'il excelle à la maintenir. L'auteur maintient volontairement une distance entre les lecteurs et ses personnages dont on ne sait pratiquement rien (ni les prénoms, ni la nationalité, ni les circonstances de la survie, etc.) et cet anonymat, ce manque d'informations, renforce la sensation d'isolement, de perdition, d'angoisse, de misère physique et morale de ses personnages. C'est incontestablement l'aspect le plus remarquable du livre et c'est sans doute ce qui explique son succès. Pour le reste, j'ai quelques réserves.

Tout d'abord, intrinsèquement, le thème même du livre et le talent de l'auteur à le traiter porte en lui les limites de l'exercice : vacuité et immobilisme.

Un père et son fils avancent sur une route, la peur et la faim au ventre, le froid vrillé au corps, échangent à peine quelques mots dans des dialogues volontairement limités dont le passé est bani (trop douloureux) et le futur proscrit (quel espoir ont-ils de le connaître et surtout qu'il soit un tant soit peu meilleur ?). Seul compte le présent et la satisfaction des besoins primaires liés à leur survie.

Cormac Mac Carthy réussit donc un tour de force sur le plan formel : tenir plus de 250 pages avec si peu d'éléments et j'en ai réalisé un autre : aller jusqu'au bout de ma lecture. Mais j'en conserve un sentiment de déception et tout de même l'impression que l'auteur ne s'est pas cassé le bonnet ni foulé la rate : il élude purement et simplement tout ce qui aurait pu nourrir le récit en terme d'action et sur le plan analytique. Quelques très rares flash-backs esquissent quelques très vagues ébauches de commencement de réponse quant aux circonstances de l'apocalypse et à la manière dont ce père et ce fils ont survécu mais ils auraient vraiment mérité d'être plus nombreux et plus développé au cours du récit. J'ai bien conscience que ç'aurait alors été un tout autre livre mais à titre personnel, c'est ce livre-là que j'aurais aimé lire, pas celui que j'avais entre les mains qui, d'ailleurs, ne m'a procuré aucune émotion et que j'ai avalé comme un exercice de style froid et un peu vain. Je n'ai ressenti ni compassion, ni boule au ventre, ni noeud dans la gorge, ni début de larmichette. Rien. Nada. Peau d'balle et ce pour 2 raisons :

- d'abord parce que "trop c'est trop", trop de noirceur nuit à la noirceur (pourtant Germinal qui ne fait pas non plus dans la demie mesure m'avait fait exploser mon record lacrimal),
- ensuite en raison même de la distance instaurée par l'auteur et évoquée plus haut.

L'auteur reste quasi-systématiquement (et volontairement) sur un plan descriptif assez vite redondant : les personnages avancent lentement, ont froid, se cachent, cherchent de la nourriture, etc. Même si je perçois que le rendu colle vraisemblablement fort bien aux intentions de l'auteur et qu'en ce sens il est certes admirable, il m'a toutefois laissée sur ma faim et procuré peu d'émotion et zéro empathie malgré l'attachement évident entre ce père et ce fils lui aussi fort bien dépeint (et, au passage, traduit).


Quelques liens

2 extraits ici
Edit du 18/01/10 :
Keisha n'a pas adhéré non plus et elle renvoie aux moult critiques recensées chez BOB. Elle met l'accent sur un point dont je n'ai pas parlé mais qui moi aussi m'avait fait tiquer lors de ma lecture : les invraisemblances. Par exemple, comment se fait-il que le père ne trouve aucun médicament ni trousse de secours dans un abri atomique pourtant supposé contenir tout ce qui est nécessaire à la survie ? (parce que l'auteur n'y a pas pensé à ce moment là...).
Edit du 22/01/10 :
Calepin a beaucoup aimé et sa critique est fort intéressante. En fait, je partage son avis quasiment sur tout (notamment en ce qui concerne la forme, les et, la version originale dont je suis très curieuse) mais je n'en tire pas les mêmes conclusions.

Conclusion

Un livre qui vaut surtout par son atmosphère pesante et quelques pages d'une très belle poésie désespérée mais dont les qualités certes évidentes portent en elles les défauts qui font que je ne trouve pas qu'il s'agit d'un livre majeur. Je n'ai aucune envie d'aller voir l'adaptation cinématograpique tirée du livre...

Rappel des livres finalistes du Prix Qd9
Les 3 finalistes francophones
Les 3 finalistes non francophones

9 commentaires:

mazel a dit…

j'attends la sortie en dvd... bien envie de savoir comment l'histoire a été traitée...

keisha a dit…

j'ai bien tendance à être d'accord avec toi (mon billet est déjà écrit et plus méchant, j'attends de voir si je ne vais pas l'adoucir, j'ai peur du lynchage)

Bouh a dit…

L'épurement des situations et des dialogues est volontaire. C'est un livre magnifique, que j'ai aimé sans retenue.
Si les raisons de la catastrophe ne sont pas expliquées, c'est parce que ce n'est pas du tout le sujet. Le contexte apocalyptique est là pour mettre en exergue la difficulté de faire confiance aux autres. Finalement, en évitant tout le monde, ils passent à côté de l'essentiel et se font rattraper par ça !

Cécile Qd9 a dit…

@ Mazel : mais as-tu lu le roman et si oui, qu'en as-tu pensé ?

@ Keisha : mais non, n'adoucit pas, dis ce que tu penses...

@ Bouh : j'ai bien conscience que l'indigence des dialogues et la pauvreté des situations est volontaire... d'ailleurs je l'ai écrit dans ma critique. J'ai tout aussi conscience que ce n'était pas le propos de l'auteur d'expliquer quoique ce soit et je l'ai écrit également.

Cela dit, comme je l'explique, le fait qu'il ait volontairement dépouillé au maximum son roman est justement ce qui fait que le résultat ne m'intéresse pas des masses. Pour moi, on frôle l'exercice de style et il y a, toujours selon moi, un haitus entre l'objectif poursuivi (réflexion sur l'humanité, l'espoir, l'instinct de survie, l'amour inconditionnel, etc.) et le moyen employé (dépouillement littéraire, distanciation, affects minimum, etc.).

liliba a dit…

Pas encore lu... le jury n'est pas très au point dans ses lectures... (enfin, moi, en tout cas !)

Alex-Mot-a-Mots a dit…

Bizarrement, moi non plus je n'ai pas envie d'aller voir le film, même si j'ai beaucoup apprécié le livre.

Nad a dit…

Je suis pour ma part partagée face à ce roman, j'ai aimé le style épuré qui donne du rythme et lui donne toute sa noirceur. Cependant j'ai été déçue par l'histoire qui ne nous raconte pas grand chose : j’ai eu le sentiment qu’il s’agissait toujours des mêmes évènements, se reproduisant encore et encore sans que l’histoire n'évolue.

Cécile Qd9 a dit…

@ Liliba : aucune obligation de tout lire cela dit

@ Alex : l'inverse arrive aussi parfois

@ Nad : en effet, c'est ça le souci

Cinéphile Amateur a dit…

Effectivement, nous n'avons pas toujours apprécié le livre pour les même raisons même si on s'accorde tout deux à dire qu'il dégage une certaine poésie. Pour ma part, c'est surtout le style un peu lourd auquel je ne suis pas habitué qui m'as dérangé. Par contre, j'ai adoré le film qui retranscris bien l'esprit du livre je trouve en le rendant plus abordable. J'ai passé un bon moment de ciné mais bon là encore il faut quand même aimer ;)

Merci en tout cas pour ta visite sur mon blog et pour ton commentaire,
A bientôt j'espère,
Vlad, le Cinéphile Amateur