Bonjour Eric
Bonjour Ficelle
Bonjour les zotres
Je suis en train de lire Cendrillon, un des trois livres finalistes pour l'obtention du prix Qd9 2009 et j'aime bien. Cela dit je n'en suis qu'à la page 150 ce qui correspond à peine au 1/4 du roman (edit : j'ai dépassé la page 210 soit le 1/3). Aussi étais-je un peu limitée dans le choix des questions que je pouvais et voulais poser à l'auteur. Heureusement, Miss Ficelle m'a beaucoup aidée et je vous suggère d'aller lire tout le bien qu'elle écrit à propos d'Eric Reinhardt sur son blog. Elle lui rend un très bel hommage ici aujourd'hui (et là aussi en 2008).
Voici donc les réponses de l'auteur aux 9 questions que je lui ai envoyées (celles de Vincent Ravalec seront en ligne lundi et celles d'Antoine Laurain jeudi prochain). Je précise qu'en effet je n'aime pas la couverture de l'édition poche, qu'il m'arrive de porter des talons hauts (mais pas pour courir un marathon, cela dit, je n'ai jamais couru de marathon) et que j'attends encore les numéros du loto demandés... J'aime bien le mot de la fin même si je ne sais pas trop de quel film il est tiré (si j'ose dire).
1 - Lisez-vous ce qu’on dit de vos livres sur les blogs dits ‘littéraires’ (ou plus simplement sur les blogs de personnes qui aiment lire et partager leurs impressions) ?
Bonjour Cécile. Merci pour l’envoi de ces questions. (Et veuillez communiquer mes sincères salutations à la lectrice qui vous a aidée à les rédiger, et dont vous me dites qu’elle est “gaga” de Cendrillon ; je suis toujours très touché de savoir que mon livre produit cet effet-là sur certains de mes lecteurs.) Je n’ai pas beaucoup de temps. Je vais donc répondre assez succintement à ces questions.
J’ai tendance à ne pas pouvoir résister à la tentation d’aller voir ce qu’on écrit sur mes livres sur les blogs — et souvent je m’en mords les doigts. Une fois sur deux, voire deux fois sur trois, c’est d’une extrême violence à mon égard. Il faut croire que les lecteurs qui aiment mes livres (et pour certains d’entre eux passionnément) sont sous-représentés dans la blogosphère ! Je reçois énormément, par la poste, par Facebook ou via le site Internet de mon éditeur, de lettres de lecteurs qui ont aimé Cendrillon ; ou alors on m’arrête dans la rue pour me parler de certaines pages que j’ai écrites ; mais sur les blogs, la plupart du temps, on me déteste, on a envie de me détruire, on prétend que je suis un pur produit du parisianisme (ce qui est faux) et de la presse intello, et ce qu’on dit de moi est extrêmement méprisant, insultant : un carnage !
En tout cas la plupart de ces visites me meurtrissent. Et si je peux comprendre aisément qu’on puisse ne pas aimer le genre de livres que j’écris, en revanche je n’arrive pas à saisir pourquoi tant de blogeurs sont si violents, comme s’il fallait qu’ils me fassent payer quelque chose. (Mais quoi ?) Je suis donc extrêmement fier d’être soutenu par votre blog! (Car par ailleurs j’aime beaucoup le principe des blogs, et j’en visite pas mal, sur d’autres sujets que mes livres !)
2 - Quel a été votre coup de cœur romanesque en 2009 ?
La vérité sur Marie, de Jean-Philippe Toussaint.
3 - Aimez-vous la couverture de l’édition de poche de Cendrillon ?
C’est moi qui l’ai conçue, avec une photographie du pied de ma femme (et de sa cambrure) dans une sandale Louboutin. Je parle de cette photographie dans le livre ; c’est pourquoi j’aimais l’idée qu’elle apparaisse sur la couverture. Je sens, à votre question, que vous n’aimez pas cette couverture ; pourquoi ? (Il est vrai qu’elle divise : certains de mes amis l’adorent, et d’autres la détestent.)
4 - La vie d’une femme est-elle vraiment plus belle sur 10 cm de talons et une semelle rouge ? Accessoirement, que se passe-t-il quand elle les porte vraiment, qu’elle marche vraiment avec et qu’elle doit les faire ressemeler ? Est-ce criminel ?
La plupart des femmes ont beaucoup plus d’allure, et leur silhouette est beaucoup plus théâtrale, avec des talons hauts. Notez que vous pouvez faire installer une nouvelle semelle sur la partie du soulier qui touche le sol. Ce qui clignote, si vous portez des semelles rouges et qu’un homme vous suit dans la rue, c’est la partie de la semelle qui se trouve entre le talon (dont l’envers est rouge lui aussi) et la partie qui touche le sol.
5 - La vie d’un homme est-elle vraiment plus belle quand il regarde les pieds (et plus si affinités) d’une femme chaussée de Louboutin ?
Oui. Oui oui. Définitivement. (Et la beauté des pieds est quelque chose de très important pour moi chez la femme. Pour certains ce sont les seins, pour d’autres les fesses ; moi ce sont les pieds, et la peau.)
6 - Quand je serai dictatrice, j’instaurerai l’automne comme saison unique. ( La preuve ici ). Puis-je compter sur votre soutien ?
Vous avez mon soutien ! J’adore ce petit texte que vous avez écrit ! Sur cette question-là nous sommes vraiment d’une grande et troublante proximité. Il ne me reste plus qu’à vous convaincre de porter des talons hauts...
7 - Certains aspects de votre roman décrivent tellement bien ce qui s’est produit depuis fin 2008 et qu’on a appelé ‘la crise’ (des sub primes, financière, économique ou mondiale selon les périodes et les sensibilités) qu’on peut se demander si vous n’avez pas une sorte de don de prémonition. Si oui, pouvez-vous m’indiquer (par mail privé de préférence) les numéros du prochain tirage du loto, si non comment vous êtes-vous documenté sur le monde impitoyable de la finance ?
J’ai demandé au frère d’un ami de m’aider, de me renseigner, de m’expliquer. Il est trader. Il ma présenté des amis à lui qui sont traders à Londres, et notamment l’un d’eux à qui j’ai donné le nom de David Pinkus dans le roman. J’étais révolté par les ravages occasionnés par le capitalisme financier (il n’y a qu’à lire les journaux ; fermetures d’usines, délocalisations, licenciements, etc.), et j’ai voulu aller à l’intérieur du système pour le comprendre et le dénoncer. D’où cette enquête que j’ai menée.
8 - Trouvez-vous très raisonnable de publier un bouquin de plus de 630 pages (en poche) à une époque où les romans dont on cause des auteur(e)s dont on parle en comptent généralement 2 voire 3 ou 4 fois moins ?
Je n’ai pas à me plaindre, puisque Cendrillon est l’un des livres dont on a le plus parlé à la rentrée littéraire 2007, et qu’il s’est très bien vendu. Par ailleurs, c’est quelque chose qui ne se décide pas (sauf quand on écrit des livres truqués, qui trichent, ou qu’on “fabrique” un produit commercial, même sous des dehors vaguement littéraires, et il y en a énormément) ; un livre a la longueur qu’il doit avoir ; c’est, d’une certaine manière, génétique ; je ne calcule pas la longueur de mes livres au moment de m’y mettre ; cela se fait tout naturellement, chaque livre a sa respiration, son rythme interne, sa cadence, et donc sa longueur.
Enfin, je ne vois pas pourquoi les lecteurs apprécient les livres courts des écrivains français, et les livres longs des écrivains américains. (Mais vous avez raison, beaucoup de blogs négatifs sur mon livre mettent l’accent sur le fait qu’il est trop long, et qu’ils n’ont pas pu dépasser la page 40, ou 80, ou 100... Tant pis pour moi.)
9 - Que feriez-vous d'une baguette magique et par quoi remplaceriez-vous l’agaçant ‘Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants’ à la fin d’un conte de fées moderne ?
Fuck. (C’est la dernière réplique d’un de mes films cultes, auquel j’ai beaucoup pensé en écrivant Cendrillon).
jeudi 14 janvier 2010
9 questions à un finaliste du prix Qd9 (Eric Reinhardt)
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8 commentaires:
Je confirme que l'enquête sur le monde financier est vraiment intéressante, et surtout elle explique les choses de façon assez pédagogique (et ce n'est pas péjoratif dans ma bouche). J'ai vraiment été saisie quand a suivi la crise financière de penser souvent à ce que j'avais lu dans Cendrillon… (je pense aussi souvent à la fin quand le narrateur va parler à Ernest-antoine Sellières…)
Merci Monsieur Reinhardt, et pour ce livre, et pour le texte dans les Inrocks, et pour vos réponses ici…
A Monsieur Reinhardt :
Grâce à Cécile et Ficelle, ce livre est déjà sur ma table de nuit et il ne se passera que très peu de temps avant que je ne m'y plonge (je termine Cantique de la racaille de Vincent Ravallec, et me consacre ensuite toute entière à vous -si je peux m'exprimer ainsi !).
Sachez d'hors et déjà que j'adore la couverture du poche et que j'avais, avant de lire l'avis de Ficelle, été souvent tentée d'acheter ce livre, d'autant plus que les critiques lues ici ou là étaient plutôt élogieuses.
Sachez également que si par hasard votre livre ne me plaisait pas, ce dont je serais très déçue, j'en ferai sur mon blog une critique honnête mais la plus argumentée possible, d'une part parce que je ne me permettrai jamais de "casser" un auteur, n'ayant encore jamais moi-même été capable de publier trois lignes, par respect pour votre travail, mais aussi parce que je pense que chaque livre doit trouver son lecteur et que tous les goûts doivent pouvoir s'exprimer, certes, mais en restant courtois, c'est un minimum !
PS : votre épouse a un pied superbe, et je déplore le fait d'être totalement incapable de me déplacer (ni même de tenir debout !) sur des talons aussi hauts... J'adorerais, pourtant !
Merci également d'avoir eu la gentillesse de vous prêter au jeu des questions, c'est toujours très agréable pour nous lecteurs d'avoir une relation directe avec un auteur.
A Cécile et Ficelle : bravo les filles pour ce questionnaire !
@ Miss Ficelle :
Lors de sa sortie j'avais été séduite par tout ce que j'avais lu et entendu sur ce livre et une de mes meilleures amies (Anne, bonjour), m'avait encouragée à le lire et puis d'autres livres, d'autres tentations, pas l'occasion, tout ça... merci, donc, d'avoir sélectionné ce livre pour le prix Qd9 et de m'avoir poussée à me plonger dedans. Je me délecte et de la prose de Reinhardt et de la façon si personnelle et si belle dont tu en parles sur ton blog. Voilà qui devrait faire oublier à l'auteur certaines meurtrissures évoquées dans sa réponse à la question 1.
@ Liliba : ce commentaire, c'est tout toi. Tout ton enthousiasme, toute ta gentillesse, toute ton intelligence et toute ta naïveté aussi... ;o)
Voyons Liliba, certaines chaussures féminines ne sont ABSOLUMENT PAS faites pour marcher...
Monsieur Reinhardt aime visiblement varier les plaisirs dans son livre collégial (comme on le dit d'un film à plusieurs protagonistes). Pourtant, j'ai eu peur à la lecture de la page 12 : "(Un) sourire (...) me rappelle à ce point les infinis maritimes nimbés de brume (...)", je me suis dit aïe, aïe, aïe, un poncif poussif, je crains de pas aimer ! Et puis, depuis, l'enthousiasme ne me lâche plus.
Pour avoirs vécu quelques années avec un peintre et fréquenté ce milieu, j'ai beaucoup aimé les piques en direction de l'élite artistico-intellectuelle, parisienne et de gauche, faiseuse de pluie et de beau temps au ministère et dans tous les DRAC et FRAC, jury auto-proclamé du bon goût... Eric Reinhardt aurait pu être plus méchant, mais l'on sent que l'homme a un bon fond.
En rédigeant ces quelques lignes j'entends Jeanne Balibar chanter sur France Inter. Je suis certaine qu'il s'agit d'elle dans le petit portrait dressé du philosophe marxiste, père d'une actrice à la mode !
Je suis enchantée que Cendrillon soit l'un des trois romans sélectionnés par Cécile. C'est bien sûr mon favori, et je voterai pour lui, si je trouve comment voter... Je l'ai emporté en vacances sur une île pas déserte, l'une des îles Eoliennes, l'été 2008, il m'a accompagnée et pas lâchée au cours d'un voyage compliqué de Paris à Rome, de Rome à Reggio di Calabria (eh oui, les îles, ça se mérite), sur l'aliscafo de Reggio à Lipari via Messina, plongée que j'étais dans Cendrillon, c'est même étonnant que je ne me sois pas perdue en chemin, mais c'est une balise qui m'a menée à bon port, j'ai trimbalé ensuite ce pavé dans mon sac de plage, et aller à la plage à Lipari, c'est aussi une sorte d'expédition punitive, on prend le bus, ou le bateau, on marche, on descend des escaliers pour débarquer sur une plage de galets, aussi quand on a atteint la chaise longue et le parasol qui vous attendent au bord de l'eau, c'est bien simple, on ne la quitte plus et comme on a Cendrillon sous les yeux, on pense à peine à se baigner, et on attrape des coups de soleil sur les pieds, car on oublie le temps...
Et le soir, on n'a plus qu'à les enduire de Biafine pour parvenir à enfiler ses Louboutin.
Mais on n'en veut pas à Eric Reinhardt, quelle drôle d'idée après tout de lire un roman sur la grandeur et la décadence des traders à la plage...
C'est sympa ces auteurs qui répondent à leurs lecteurs. J'avais bien aimé Cendrillon, meme s'il me semble m'être égarée avant la fin. Les livres ont peut-être une longueur génétique, les lecteurs ont une attention limitée.
Quoiqu'il en soit, j'aime bien ces auteurs en prise avec leur époque, qui parlent d'autre chose que de leur nombril et/ ou de temps révolus.
@ Anne-Sophie : moi aussi j'ai eu un peu peur au début... notamment à cause de l'épaisseur.
@ Dorine : c'est le jury qui vote (voir les modalités de choix des livres et d'attribution du prix détaillées dans la colonne de gauche du blog)
@ Anne : oui c'est un peu ça le paradoxe réussi du livre : c'est hyper perso et pas du tout nombriliste (un peu comme Jaenada, Ernaux et un tas d'autres et bien loin de Angot par exemple).
Je n'ai pas encore tout lu,(je suis au travail, chut!!) mais je m'insurge! Je fais partie de la minorité qui adore Cendrillon. J'espère qu'Eric Reinhardt viendra fouiner du côté de mon blog pour lui remonter le moral! On n'est pas tous des méchants! En plus, je sais qu'il est de Nancy, ville que je connais très bien.
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