vendredi 5 juin 2009

9 réponses d'esthètes (à la question du printemps 2009)

Bonjour aux zartistes
Bonjour aux zesthètes
Bonjour aux zotres

Egon Schiele - Jeune fille au bandeau bleu (1912).

Chaque trimestre, je pose une question parfaitement théorique et d'une profondeur certes limitée à 9 personnes et je publie leurs réponses sur mon blog sans rien y changer (sauf les phottes de Miss Laure Tauggraff parfois). Voici la question de février :

Quel chef d’œuvre de la peinture classique ou contemporaine décrocherais-tu volontiers du musée où il est exposé pour parfaire la déjà sublime décoration de ton salon et épater tes ami(e)s les plus blasé(e)s et culturé(e)s ?

Pas besoin d'être la réincarnation de Sherlock Holmès doublé de l'enfant caché de Nestor Burma pour comprendre que mon choix personnel se porterait vers le dessin épuré qui illustre ce message. Et pourquoi ? Parce que j'aime son côté épuré, sa sensualité subtile et parce j'aime plus encore l'homme qui m'a fait connaître cette oeuvre il y a bien longtemps.

Je n'ai pas pu intégrer à ce message les photos des oeuvres que certain(e)s ont joint à leurs textes mais un simple clic sur les liens vous permettra d'admirer la plupart des oeuvres citées si vous ne les connaissez pas.


01 - Nathalie La Peule Blanche
Sans détour, un Mark Rothko de 1957. Sans titre. Un fonds rouge et deux bandes orange et noir. Une explosion de couleur. Rien ne semble plus simple et pourtant il y a une grande complexité. Mon regard se perd quand je regarde cette grande toile. C'est la chaleur du soleil, la noirceur du monde et le sang de la vie. Rothko nous renvoie à des sensations primaires. Dans mon salon, ce serait mon repère.
Moi : choix empreint de cérébralité et de chaleur... très blanchepeulien quoi...


02 - Cyrille l'expert esthète
Madame Cenami, c’est pas du genre bavarde. Elle sait bien faire sentir qu’elle vient chez moi par nécessité et non pas par plaisir. Elle est aimable mais pas trop. C’est une grande femme légèrement rousse, qui ne doit pas être loin de cinquante ans, ni grosse, ni mince, pas belle mais pas loin, les cheveux juste au-dessus des épaules, élégante, jamais vue en pantalon, plutôt froide, mais froide-sévère, pas froide-hautaine.
Je respecte son désir de silence, je lui demande ce qu’on fait aujourd’hui puis je la laisse à ses pensées et on ne l’entend plus
L’autre jour pourtant, je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai eu envie de l’entendre s’exprimer. Moi, c’est ce que j’aime, les rapports humains et les échanges. J’ai supposé que lui parler de l’hivers, de la crise ou de Koh Lanta n’allait pas nous mener bien loin. J’ai donc choisi de parler Déco.
J’ai juste dit : « ça serait sympa d’accrocher ici quelques vraies œuvres d’art ; ça vous ferait des choses à regarder pour passer le temps. Moi, j’aimerais bien avoir le portrait d’homme au turban rouge de van Eyck.
Madame Cenami a démarré au quart de tour. C’est devenu une vraie machine à parole. « Excellent choix », elle a dit. Elle m’a expliqué en long et en large comment c’était une œuvre capitale de la Renaissance, qu’elle marquait en 1433 une rupture fondamentale avec le portrait du Moyen Age, que van Eyck était un humanitaire, que le cadrage serré, sur fond sombre, le visage émergeant d’un manteau également sombre, avait pour rôle de concentrer le regard sur ce visage et son turban, que l’homme devenait ainsi sujet du tableau, non plus idéalisé mais individualisé, ceci appuyé par le souci de réalisme dont le peintre avait fait preuve en peignant les rides et les poils de barbe etc… Elle a ajouté qu’un certain Pantoufle-ski, ou un nom comme ça, avait proposé de voir dans ce tableau un autoportrait de van Eyck, ce qui en ferait le premier autoportrait de l’histoire de l’Art.
Moi, je l’ai laissé parlé. J’avais pas grand-chose à ajouter. J’allais quand même pas lui avouer que ce qui me plait dans ce tableau, c’est que j’y vois la représentation d’un homme qui sort du bac à shampoing, une serviette sur la tête, paré pour une coupe et un rasage : idéal pour mon salon de coiffure.
Moi : merci pour cet éclat de rire !


03 - Anne-Sophie habituée des DLE
Le principe d'une oeuvre choisie a l'avantage de l'exhaustivité, alors qu'une liste on n'en finit jamais ...
Puisque telle est ta question, je choisirai, dans mes oeuvres préférées parmi les préférées, un modèle transportable et adaptable à un (petit, tout petit) appartement parisien. La Bataille d'Alexandre, d'Albrecht Altdorfer, 1529 (Alte Pinakothek de Munich) me parait tout à fait idoine. Peu portée naturellement sur les fresques de gloire guerrière, je retiens pourtant celle là, époustouflante à plus d'un titre : par l'abondance de sujets qui neutralise la tentation de la posture victorieuse. Si Alexandre est facilement identifiable, il n'est pas au centre de la composition; par le décor extraordinaire qui occupe les deux tiers de la toile; et enfin par la lumière, crépusculaire et radieuse figurant de façon magistrale la fin d'un Empire et la naissance d'un autre. Riche et fastueuse, La Bataille fait pourtant l'économie de sensationnel et dépasse largement la scène de genre.
Pour le plaisir et parce que je ne résiste pas à la tentation de le faire, voici quelques autres de mes oeuvres fétiches : Madame de Senonnes, Ingres (Nantes), Le Supplice de Jane Grey, Delaroche (Londres), Les Deux Soeurs, Chasseriau (Paris), L'Origine du Monde, Courbet (Paris).
Moi : choix monumental ! J'espère que tu as un graaaaand salon !


04 - Pierre G. un passionnant passionné de mots

A côté de l'immense, en taille et puissance, "Retour de l'enfant prodigue", de Rembrandt, qui n'irait pas du tout dans mon salon, question de style (et je ne vais pas acquérir un manoir pour autant : faudrait vendre le tableau ! Donc hors jeu), je me tournerai vers du contemporain discret, voire peu connu, de même que je préfère un "petit" Woody Allen à un de ses chefs d'oeuvre annoncés. Pour mon salon, je choisirais une aquarelle de Gilbert Albric. Comment ? Je ne réponds pas à la question ? On a dit "chef d'oeuvre"! Ah! Alors j'hésite entre "Voiles errantes" de Kandinski, pour son épure, son équilibre, sa sérénité, et "Champ de blé aux corbeaux" de Van Gogh, infiniment plus tourmenté, mais quelle chaleur ! Un radiateur écologique pour les soirées d'hiver, en face du climatiseur de Kandinski.
Moi : en fait si je comprends bien, il te faudrait dex chef-d'oeuvres à afficher en alternance suivant le climat.


05 - Daniel en direct de Suisse
La question de l'oeuvre à décrocher du musée est vache ! Il y a tant de choses à rafler dans les musées... Je pourrais répondre qu'en fait, j'essaierais de trouver un petit musée sympa, que je viderais de ses toiles les plus terrifiantes (par vente aux enchères, par exemple, ça financerait l'achat des murs) avant de l'occuper avec du chouette mobilier... et d'y exposer les pièces que j'aurais conservées. Mais s'il faut vraiment mentionner une ou deux créations artistiques, je dirais "Mars désarmé par Vénus et les Grâces" de David, qui se trouve aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, ou certain portrait d'Elisabeth Vigée-Lebrun.
S'il faut mentionner des artistes moins présents dans les musées, ce sera l'une ou l'autre toile de Christoff Debusschere, ou quelque chose de José Roosevelt. Ah - et naturellement, je m'arrangerai pour remplacer l'une des vitres du logement par un vitrail de Manessier... Ca te change une ambiance ! Merci pour l'exercice artistique!
Moi : tu as raison, l'éclairage est primordial ! Vive les vitraux !


06 - Charles des éditions du Diable Vauvert
Je dirais le Campbell’s Soup Cans de Warhol dans le frigo, pour faire comme si y avait toujours à manger. Ou éventuellement le Monochrome bleu de Klein sur la fenêtre du salon, pour masquer le mur d’en face et faire comme si le ciel était toujours d’azur.
Moi : voici un homme pragmatique mais quitte à choisir une toile représentant de la bouffe, je préférerais des mets plus délicats.


07 - Antoine - son blog
J'ai fermement l'intention de former un commando d'élite pour m'emparer d'une des toiles ensanglantées d'Hermann Nitsch se trouvant à la Fondation Morra à Naples. Reliquat de rituels artistiques et de performances liturgiques finissant dans de véritables bains de sang, cette toile est un plaisir pour les sens. Mais elle dissimule également des considérations bassement pratiques. Effectivement, ayant l'habitude de découper en morceaux mes conquêtes d'une nuit, après les avoir préalablement violées et torturées, la présence de cette toile sanguinolente sur le mur de mon salon m'évitera d'avoir à le repeindre régulièrement. De plus, j'espère que son exposition dans mon salon effraiera les amis qui osent s'inviter dans mon antre. Dès lors, ils n'oseront plus franchir le seuil de ma porte et m'inviteront chez eux ou au restaurant chaque fois qu'ils voudront se repaitre de ma si délicieuse présence, de ma si précieuse conversation, de ma si colossale culture...
Moi : note pour plus tard : penser à demander à mes futures conquêtes avec quoi ils décorent leurs appartements...


8 - Mister TdE -
Atelier TdE
La mienne est sans hésiter cette peinture d'Honoré Daumier, "La blanchisseuse". J'adore le sujet, la position de la femme qui se baisse pour aider son enfant, la position de l'enfant qui se hisse pour monter la dernière marche, le paquet de linge sous le bras de la femme, le battoir dans la main de la petite fille, le fond à peine esquissé des berges de la Seine. J'ai vu cette peinture des dizaines de fois (elle est au musée d'Orsay, il y a en a aussi une version au Metropolitan Museul of Art). Ce n'est pas la plus belle, mais c'est la tendresse qui s'en dégage entre la mère et la fille qui m'émeut le plus. On y lit aussi la dureté du travail des femmes, à l'époque, la reproduction sociale (la petite fille qui joue déjà à la blanchisseuse).
Si c'était possible, je mettrais aussi dans mon salon d'autres peintures et surtout des lithographies de Daumier (le massacre de la rue Transnonain est un chef d'œuvre). Mais d'une part, les lithos, c'est hors sujet. Et d'autre part, je me vois mal récupérer de tels trésors pour mon seul profit. Alors je retourne le revoir à Orsay dès que je peux.
Moi : tu es trop bon, ça te perdra...


9 - Miss Ficelle - L'expérience du désordre
J'hésite un peu… Puisqu'il s'agit de rêver, j'aurais donc un immense salon qui me permettrait d'accueillir une installation de Christian Boltanski, peut-être aussi un grand format de Sophie Calle dans son travail avec Paul Auster, et puis en dessous une des bassines en métal contenant des morceaux de la maison de Jean-Pierre Raynaud. Après, il y aurait sans doute un tableau d'Edward Hopper (la pièce vide), et peut-être un Nabi
Au milieu de l'accrochage extraordinaire, je placerai une oeuvre de mon amoureux peintre (j'en changerai régulièrement, c'est l'avantage de coucher avec l'artiste ;-)
Et puis, dans une petite pièce, celle des livres par exemple, il y aurait Les raboteurs de parquet de Caillebotte. Je m'arrête là, il fallait en voler seulement une… Pourtant, la liste est longue, j'oublie des choses, j'en voudrais encore !
Moi : gourmande va... Je n'ai pas bien compris si tu couchais avec Sophie Calle ou Gustave Caillebotte ou tous les artistes que tu cites... Quant à Caillebotte j'en avais parlé ici-même il y a quelques mois (lien vers le message en question en cliquant sur le nom du peintre)

3 commentaires:

Nathalie Croisé a dit…

Merci Cécile, cérébralité et chaleur, c'est vrai, c'est tout moâ:)

ficelle a dit…

gourmande, oui. Et je ne couche qu'avec MON amoureux peintre ;-)

Cécile Qd9 a dit…

@ C'est pour ça qu'on t'aimeuh

@ Ficelle : J'ai beaucoup son site et je lui ai écrit pour avoir des infos sur une certaine toile.