Lettre ouverte (à Nicolas Sarkozy)

Cher Nicolas
(mais les zotres peuvent lire aussi)

Comme tu le sais, j'ai écouté quasi religieusement ta conférence de presse d'hier matin.

Je me suis levée à 7h00 (peut-être même 6h30), j'ai allumé I télé pour savoir à quelle heure c'était, j'ai bien écouté les infos pour être au top du fait de la pointe de l'avant garde de l'actu du moment, je passais sur Europe 1 dès que je franchissais le seuil de la salle de bain histoire de ne pas perdre une bribe de commentaire liminaire.

Je me suis servi un petit déjeuner copieux et relativement équilibré à base de thé, un petit pain italien tout chaud largement tartiné de confitures de framboises maison sans pépins (bon, j'avoue, ce n'est pas moi qui les fait, c'est mon père), d'Activia de Danone (tu sais, le yaourt qui fait du bien à l'intérieur et ça se voit à l'extérieur) et de céréales arrosées de lait frais entier (pour tout te dire, Nicolas, je suis réfractaire au lait UHT sauf pour préparer des desserts et des quiches).

A 10h00 pétantes, j'étais fraîche et dispose, fin prête à t'écouter. Tout d'abord je voudrais te féliciter : tu étais très chic et presque beau (l'amour ça fait ça parfois), souriant, confiant et tu parlais très bien : éloquent comme un avocat. Suis-je bête... tu ES avocat ! Et puis j'ai tout compris... Tu es limpide, clair, factuel, convaincu (voire convaincant suivant affinités) : un vrai tribun loin de la complexitude.

Franchement, tu m'as bluffée Nicolas. C'était vachement bien et je n'ai pas zappé ou baillé une seule fois. Outre tes voeux (que je te retourne), tu nous as offert un vrai one man show (admire le zeugma au passage). Manquait juste un peu de musique pour que le spectacle soit complet. C'était brillant, rythmé, plein de surprises, d'effets d'annonces et de rebondissements avec la pointe d'humour quand il fallait et la flatterie ironique efficace si nécessaire (Laurent Joffrin a joué les gros lourds, tu as bien fait de le tacler). Il y a des pièces de théâtre où il y a moins d'action que ça... Sarkozy, ce n'est pas Tchekov, c'est plutôt les Galeries Lafayette : "il se passe toujours quelque chose".

Tu n'as pas usurpé ta réputation d'hyper actif et imaginer que tu vas faire en 2008 tout ce dont tu as parlé hier en deux heures de conférence de presse me fatigue d'avance... J'en baille déjà, d'ailleurs je vais me faire un p'tit thé. Bouge pas, je reviens tout de suite.

Voilà, c'est re-moi. Tu es toujours là ?

C'est sans doute un peu idiot voire puéril mais il y a un truc qui m'a fait vachement plaisir. J'ai constaté que tu m'avais piqué une de mes expressions favorites : "les mots ont un sens". Tu l'as sortie 2 ou 3 fois et j'étais très fière parce que je le dis tout le temps aussi.

Bon, tout ça c'est bien joli mais il faut tout de même que je t'avoue que je suis un peu inquiète. Tu as toi même formidablement bien expliqué que la meilleure façon d'acheter la paix sociale était de ne rien réformer et, au vu de tes déclarations diverses et variées, je suis certaine que ça ne va pas tarder à rebouchonner entre Bastille et République et que les Vélib ont une longue carrière de moyen de transport alternatif devant eux. Au fait, c'en est où cette idée de service minimum dans les transports publics ? Loi votée en 2007 et applicable dès 2008 ? Tu es sûr ? Bon... si tu le dis.

Ceci dit, ce n'est pas moi qui te jetterais la pierre de vouloir faire des réformes : a priori j'ai tendance à considérer qu'un(e) président(e) de la république est fait(e) pour ça. Je m'inquiète juste un peu des multiples difficultés que tu vas rencontrer, de certaines réactions prévisibles des syndicats, du patronat, de l'opposition, de la majorité, des ministres présents, futurs ou anciens (parce que, hein, tu vas bien finir par remanier à un moment ou un autre), des lenteurs qui vont t'agacer. Si ça se trouve tu vas être obligé de briguer un second mandat pour finir le boulot. Je te dis ça pour que tu t'y prépares psychologiquement en te rasant le matin.

Bon, Nicolas, il y a juste un truc qui m'a un brin énervée et c'est même pour ça que je t'écris en fait. Pas de quoi nous fâcher, je te rassure, mais quand même...
C'est quoi ces minauderies ? Pourquoi refuses-tu d'annoncer la date de ton mariage avec Carla ? Hein ? T'as plus 16 ans...

Moi, je comptais sur les soldes qui démarrent aujourd'hui pour acheter un petit truc chic et choc, à la fois élégant et facile à porter, une petite robe noire ou un tailleur en soie sauvage... ch'sais pas moi... Avec tes cachotteries je ne sais même pas si je dois prévoir une tenue hivernale ou estivale ! Si tu tardes trop à publier les bans il ne va plus rien rester en magasin et je vais être obligée de remettre ce que je portais au mariage de ma copine Françoise fin septembre dernier. D'accord, j'adore mon chapeau rouge et il me va bien (en toute modestie) mais tout de même, j'aimerais bien ne pas être vue en société vêtue à l'identique à si peu d'intervalle.

Bah, dans le doute, je vais viser un joli ensemble demie saison mais franchement, tu ne me facilites pas la vie Nicolas...