Bonjour les zotres
Alors que Miss Liliba ajoute la dernière touche à son balluchon en vue de sa venue à Paris pour la remise du prix Qd9, je me décide enfin à mettre en ligne ma critique concernant le livre qu'elle avait sélectionné dans la catégorie roman étranger : La peau froide d'Albert Sanchez Pinol.
Le sujet
Un ancien activiste irlandais recherché par la police et déçu par son engagement et par l'humanité en général décide de fuir et d'accepter un poste d'un an comme climatologue sur un îlot perdu dont le seul autre occupant est un gardien de phare revêche. A-t-il tué son prédécesseur qui semble avoir disparu ?
Très vite, la réponse à cette question n'est pas la menace la plus angoissante à laquelle l'irlandais est confronté. Il doit bientôt se réfugier dans le phare et s'allier avec son étrange colocataire pour lutter nuit après nuit contre des créatures bestiales et sanguinaires venues de la mer. Pourtant, ils hébergent l'une d'elle, fascinante sirène à la peau froide dont l'existence même complique leur cohabitation.
Mon avis
J'ai bien aimé ce roman fort bien écrit mais il ne m'a pas marquée et je comprends qu'il n'ait pas été sélectionné parmi les finalistes du prix. Des romans comme le magnifique Un bonheur parfait de Salter ou La route de Mac Carthy sont incontestablement plus forts même si, à titre personnel, je n'ai pas été spécialement séduite par ce dernier.
L'auteur parvient fort bien à créer une ambiance oppressante et à dépeindre la violence exercée comme celle ressentie exacerbée par la peur et l'isolement, il n'évite cependant pas quelques écueils dommageables au récit.
Tout d'abord le roman est trop long et pêche par certaines redites. Certes, l'auteur cherche à montrer la répétitivité des nuits et le côté vain de cette lutte inégale, objectivement vouée à l'échec à plus ou moins brève échéance, dictée par le seul instinct de survie. Quelque soit le nombre d'ennemis tués, la nuit suivante en fait revenir autant sinon plus et l'attente exacerbée des nuits sans combats est encore plus angoissante que les combats eux-mêmes. Mais voilà, le décompte des coups de feu tirés et les descriptions successives des améliorations apportées à la défense du phare finissent par lasser. Le récit aurait été plus dense, plus efficace, emputé d'environ 80 pages de batailles répétitives. A trop tirer sur les mêmes ficelles, elles s'usent (je ne parle pas de toi Sophie !!!).
Ensuite, sous prétexte de mystère et d'incommunicabilité, de laisser le/la lecteur/trice réfléchir, bla bla bla et que sais-je encore, certains points pourtant essentiels sont passés sous silence. Albert Sanchez Pinol est paraît-il anthropologue, métier analytique s'il en est et, le sachant, je lui en veux d'autant plus que son roman le soit si peu.
Les motivations des personnages sont à peine esquissées et l'on ne sait rien, par exemple, des circonstances dans lesquelles la créature a été recueillie au phare. Je ne peux absolument pas imaginer que deux hommes qui cohabitent et luttent ensemble pendant des mois n'en arrivent pas, un jour ou l'autre à aborder le sujet. Je ne peux pas croire que le climatologue n'ait pas eu la curiosité de poser cette question au gardien du phare, celle-ci parmi d'autres.
L'auteur reste au niveau du constat, il nage à la surface de son sujet comme effrayé par les monstres qu'il a imaginés, il l'effleure sans le creuser vraiment et c'est bien dommage. Les enfants se rapprochent des hommes. Soit. L'un d'eux semble différent. Ah bon ? Un jour ils ne viennent plus. Dommage. Quel humain ne se creuserait pas la tête face à ses données et à leur évolution ? Qui ne tenterait pas de comprendre les mécanismes sous-jacents, les opportunités et conséquences éventuelles de chaque variation du quotidien ?
N'importe quelle émission de télé réalité montre qu'en situation de huis-clos, c'est tout naturellement ce qui se passe : le moindre mot est interprété, décortiqué, disséqué, la moindre variation d'un paramètre donne lieu à moult commentaires, calculs, polémiques. Pourquoi l'auteur, anthropologue je le répète, a-t-il si complètement éludé cette dimension potentiellement passionnante de son récit ?
Ma lecture m'a donc laissé un sentiment de frustration à l'idée de tous ces possibles inexplorés qui limitent la portée du sens métaphorique évident du roman qui parle de folie, de différence, de peur de l'inconnu, de rivalité. Là dessus, j'aurais volontiers dévoré 80 pages de plus.
Quelques liens
En plus de l'avis élogieux de Liliba, je vous suggère ceux tout aussi positifs signés Camille et Estampilles.
Conclusion
J'ai bien aimé ma lecture sur le moment mais, quelques semaines plus tard, il m'en reste peu de souvenirs positifs et au final, je n'aurais pas envie de conseiller ce roman. Faites vous votre propre idée en lisant les messages élogieux mentionnés ci-dessus.
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