mercredi 12 novembre 2008

A Vous (de Catherine Cusset)


Bonjour vous
Bonjour les zotres

Quelqu'un qui me connait bien m'a dit cette semaine je me regardais vivre, que j'étais mon propre sujet d'étude éthnologique. D'une part l'idée me plait bien et d'autre part elle n'est pas fausse. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles j'aime autant les romans autobiographiques. Lorsque j'en ai assez de réfléchir et que suis fatiguée de m'analyser, je délègue : je me plonge dans un (bon) livre introspectif et je fais des parallèles entre les réflexions, les expériences, les ressentis décrits et les miens, entre mes états d'âme et ceux de l'auteur(e).

Le hasard (enfin pas vraiment) de mes lectures actuelles a fait que j'ai achevé la semaine dernière un livre qui me parle moultement, à savoir le très intéressant "A vous" de Catherine Cusset dont un des thèmes est assez proche de l'idée précédente puisqu'il s'agit du lien entre l'expérience et l'écriture à travers les affres créatrices et les passions amoureuses d'une écrivaine aspirante et déracinée. Faut-il vivre pour écrire ou écrire pour vivre, fait-on certaines choses juste pour les écrire, peut-on écrire ET vivre ? En voilà une question qu'elle est bonne et qui, dans un tout autre style me fait immédiatement songer à l'immmmmmmense "L'écriture ou la vie" de Jorge Semprun.

Le sujet

Marie est fascinée par Aloïs Man, un homme important et plus âgé qu'elle rencontré quelques années plus tôt, un écrivain/éditeur célèbre qu'elle admire et redoute à la fois. Partie vivre aux USA avec son mari, elle lui envoie le manuscrit qu'il attendait d'elle mais il ne lui répond pas. Ce silence l'habite puis l'obsède mieux que la présence de cet homme manipulateur n'aurait pu le faire.

Mon avis

Après le grandiose "Le problème avec Jane" et le mauvais "les confessions d'une radine", voici le 3e romans de Cusset que j'achève (je suis en train de lire "Jouir"). Vous donner vraiment mon avis sur ce livre m'obligerait à vous raconter ma vie encore plus que je ne le fais déjà (et pas seulement sur un vélib ou chez l'esthéticienne) et ce n'est pas le but présent. Sachez juste que je l'ai aimé (le livre) à l'exception des 20 dernières pages (la courte 3e partie bâclée et très dispensable).

Je m'y suis évidemment reconnue sans me reconnaître (non, je ne veux pas écrire un roman). J'ai aimé la façon dont Cusset parle des hommes, d'un homme, du couple, du silence (la chose que je supporte le moins au monde et que je trouve la plus destructrice). J'ai aimé le rythme du récit et son côté très analytique. J'ai aimé ce focus sur des petits riens, sur des impressions, des détails, ces allers-retours entre époques et continents. J'ai aimé la violence contenue, la frustration, le désir, la tension érotique.

J'ai aimé ce livre parce que je déteste le silence, parce Catherine Cusset est une femme passionnée et souvent passionnante qui écrit visiblement pour un homme. J'ai aimé parce que la première phrase de son roman est :
"Vous dites : la rupture ça n'existe pas, ou bien c'est qu'il n'y avait pas de relation."
J'ai aimé parce que c'est vrai.

Conclusion

150 pages sensibles, profondes, intelligentes. 20 pages finales hélas bâclées. Dommage mais loin d'être rédhibitoire tant ce livre possède de profondeur et de légèreté avant cela.

6 commentaires:

Nathalie Croisé a dit…

Si j'ai bien compris, Catherine Cusset dit que la rupture n'existe pas, sinon, ce n'est pas vrai...
Pour moi, au contraire s'il y a rupture, c'est que ça a existé.
Le tiède, c'est qu'il n'y avait rien...

Cécile Qd9 a dit…

je crois que globalement tu dis la même chose qu'eelle et moi mais avec des mots différents.

Ce que ça veut dire je pense c'est que si une histoire a vraiment compté, elle nous constitue et n'est jamais totalement terminée tant il est vrai que la personne avec qui on l'a vécue fait autant partie de nous que les pores de notre peau... quelque chose de ce genre.

Je ne serais jamais qui je suis si je n'avais pas aimé untel et untel (etc.), vécu telle chose avec untel, etc. En ce sens, ces histoires ne sont pas terminées et il n'y a pas eu rupture puisque j'en suis le résultat, le prolongement...

Nathalie Croisé a dit…

Ah,je te comprends mieux. Entièrement d'accord: je suis constituée des histoires que j'ai vécues. Mais pour moi, il doit y avoir, à un moment rupture radicale pour que l'histoire fasse partie des souvenirs, du passé, des parenthèses de notre existence.
Je sens que je vais aller voir du côté de ce roman..Merci encore pour Le Petit Malheureux que j'ai dévoré..j'en ai fait une note. Une telle dérision et une écriture incisive, c'est rare pour un premier roman. Tiens, ça me donne envie de glander:-)))

Cécile Qd9 a dit…

Ravie que tu aies aimé le livre de Guillaume Clémentine. J'espère vivement que le serpent à plumes se décidera un jour à le rééditer !

Anonyme a dit…

Tout ça donne envie effectivement… Je comprends le plaisir de lire les mots quand ils nous parlent si biens de nous. En plus vec son Goncourt des Lycéens, elle vient d'être couronnée par un joli jury !
Est-ce que l'introspection est liée au blog… ce serait ça la "critique", de tenir un blog donc d'être narcissique ? Peut-être qu'on l'est un peu, mais il y a toujours avec soi tous les autres… Comme dans certains livres… ;-)

Cécile Qd9 a dit…

@ Ficelle : bonne question qui me donne envie de la développer bientôt