lundi 24 août 2009

Le Temps (de François Martini)

Bonjour François
Bonjour les zotres


François Martini m'avait très gentiment offert son roman Le Temps lors du DLE précédant mon départ en mission à Chicago et Miami. J'avais commencé le livre immédiatement et j'avais apprécié mon début de lecture. Toutefois, je ne l'avais pas glissé dans mes bagages préférant ne prendre que des poches que je n'ai d'ailleurs pas ouverts. Les semaines et les mois se sont enchaînés sans que je reprenne le temps du temps (si j'ose dire) jusqu'à la semaine dernière où il constitua un sympathique dérivatif à ma semaine méchante.

Le sujet

Philippe le parisien aime à plein temps Hélène la bruxelloise qu'il ne voit qu'à mi-temps, entre deux Thalys. Un jour, l'impensable se produit, Philippe commence à ressentir des sensations de déjà vu et à perdre ses repères chronologiques avant de comprendre que le temps lui joue des tours et qu'il fait des allers-retours entre passé et futur. Un temps il est capable de maîtriser relativement le phénomène mais les distorsions s'amplifient et l'angoisse de la mort et celles de perdre Hélène succèdent bientôt aux premières impressions ludiques.

Mon avis

François Martini possède une jolie plume, parfois un brin désuète (volontairement hors du temps ?) émaillée (non, en fait, le terme émaillé est très excessif puisque les exemples suivants constituent la majorité de ceux que j'ai relevés dans le livre) de "si fait" (P.65), et de quelques phrases telles que "Hélène portait une robe sublime, qui la révélait autant qu'elle la parait." (P.41), où les personnages ne font pas l'amour mais "s'aiment ardemment" (P.27) et commentent ensuite leurs exploits au subjonctif : "Tu as été merveilleux. Le meilleur amant que j'eusse pu rêver !" (P.82). En gros, exactement ce que je dis dès mon réveil à chaque homme qui partage ma couette (il va sans dire que tous mes zamants sont exceptionnels). Pas vous ?

Indépendamment de ces petites fantaisies précieuses, le récit se lit très facilement et très agréablement ce qui sans doute la moindre des choses pour un livre court (trèèès court) mais par ailleurs plutôt admirable tant les multiples considérations assez théoriques sur les distorsions du continuum espace-temps auraient rapidement pu être rébarbatives voire indigestes sans l'habileté et l'humour décalé de l'auteur malicieux qui s'en sort avec brio et jubile visiblement à l'idée de triturer l'emploi du temps de son personnage principal.

Il est toujours bon signe de ressentir un sentiment de frustration en refermant un livre et c'est sans doute ce qui domine encore au moment où j'écris ces lignes. Le roman ne fait qu'une centaine de pages et j'aurais aimé plonger plus longtemps dans l'univers tordu imaginé par François Martini qui, à mon avis, n'exploite pas assez les situations qu'il imagine et les paradoxes qu'il fait naître. A peine évoqués, d'autres surgissent. On a donc l'impression de se trouver face à un brillant exercice de style un brin velléitaire ("dilettante" ont suggéré deux autres personnes ayant également lu le livre) énumérant des hypothèses, des (im ?)- possibles sans les développer réellement.

J'aurais aimé, par exemple, que Philippe multiplie les expériences cocasses ou dangereuses, intéressées (il se demande à un moment comment la situation pourrait lui rapporter de l'argent mais ne pousse pas sa réflexion) ou pleines de grandeur d'âme au lieu de rester quasi systématiquement spectateur pressé, voyageur en transit, zappant d'une réalité à l'autre, subissant le tout mais s'interrogeant à peine et angoissant finalement assez peu.

Certes, de La machine à remonter le temps de Wells à l'excellent Replay de Ken Grimwood (dont je reparlerai demain) en passant par l'érotique (un peu molasson à mon goût) Point d'orgue de Nicholson Baker ou, sur écran, le désormais culte Un jour sans fin de Harold Ramis avec Bill Murray, le filon a déjà été moultement exploité et ce n'était visiblement pas l'objet de François Martini d'émailler son propos général de digressions expérimentales et de mises en situation trop détaillées. Selon moi c'est dommage. Pourquoi s'en priver quand on a visiblement l'imagination pour le faire ?

Au final, j'ai eu plus l'impression de lire une longue nouvelle (passionnante sur le plan intellectuel) qu'un roman abouti et je rêverais que dans une dimension parallèle François m'envoie un message (suivant les voies de communication en vigueur dans ce monde-là) pour me dire que de nouveaux chapitres issus d'autres réalités ont été insérés dans le texte actuellement publié chez Glyphe.

Quelques liens

Le site de l'auteur ici
Le site de l'éditeur ici
Ma critique de La Quadrature (Lundi prochain)

Conclusion

Consommez ce Martini là sans modération et prenez le temps de lire Le Temps. Vous ne le verrez pas passer !

2 commentaires:

Daniel Fattore a dit…

Un avis intéressant! Depuis le temps qu'on entend parler des oeuvres de François Martini...

Si mes pas m'amènent à nouveau à un DLE, je pourrais passer commande auprès de l'auteur. J'aurais dû y penser ce printemps déjà...

Cécile Qd9 a dit…

N'hésite pas à passer commande auprès de l'auteur en effet car le livre ne manque pas d'intérêt