Bonjour aux zotres
Lorsque j'étais étudiante (voire ado ?) j'ai lu Bonjour Tristesse qui, à l'époque, ne m'a pas laissé une impression impérissable. Loin de là. Je me souviens de m'être plutôt barbée en lisant les aventures de Cécile (quel joli prénom) et le talent et la maturité de Françoise Sagan (qui a écrit son roman culte en 1954 à 19 ans !) me sont passés largement au dessus de la tête. Heureusement, vous avez eu la sagesse de choisir Un certain sourire (publié 2 ans après) parmi mes deux lectures d'août. Je n'ai qu'un mot à dire : MERCI !
Le sujet
Dominique a une vingtaine d'années et s'ennuie un peu dans la vie et notamment avec Bertrand, comme elle étudiant à la Sorbonne. Un jour elle rencontre Luc, séduisant quadragénaire marié à Françoise. Dominique pressent d'emblée le danger mais comment résister d'abord, ne pas s'attacher ensuite et ne pas souffrir enfin à cause de cet homme qui n'a rien promis mais avec qui la vie semble tellement plus intéressante ?
Mon avis
J'ai souvent dis par le passé que je n'aimais pas les livres écrits par des auteur(e)s jeunes parce que je pense qu'avant d'écrire, il faut avoir un minimum vécu et pris de recul pour d'une part avoir quelque chose à dire et, d'autre part, le dire bien. Sans doute y avait-il de ma part, dans cette affirmation, une part d'autojustification quant à ma propre incapacité à mener jusqu'au bout un projet romanesque consistant. Maintenant que je suis moins jeune (mais juste un tout petit peu moins) et que j'ai vécu (plein de trucs), j'ai surtout pris conscience que ce n'était pas pour autant que je parviendrais mieux à écrire un roman digne de ce nom. Cette information digérée, je pense que j'éprouve sûrement moins de dureté et surtout une dureté moins systématique à l'égard des auteur(e)s jeunes.
Si je suis toujours convaincue que les premiers romans de Marie Darieusseq, Alexandre Jardin ou Amélie Nothomb sentent le lait et l'application estudiantine, je sais aussi que d'autres très jeunes auteur(e)s échappent à ces travers de débutant(e)s besogneux/ses. Françoise Sagan fait indiscutablement partie de cette seconde catégorie.
Un certain sourire est tout simplement un roman magistral de finesse et d'intelligence. Quelle maturité ! Quelle élégance sur la forme et le fond ! Quelle fluidité dans l'écriture et l'enchaînement des idées ! Comment peut-on écrire (et donc savoir d'une part et avoir analysé d'autre part) tout cela à 21 ans ? Cest tout simplement sidérant de justesse.
Bien sûr le livre manque un brin de modernité ; il a été écrit il y a plus de 50 ans et, par certains côtés, notamment certains termes utilisés, il semble désuet sans mériter encore le label classique. Cela dit, le thème est universel : une jeune fille se prend au piège d'une relation avec un partenaire plus âgé et finit par tomber amoureuse (ou croire qu'elle l'est ce qui, sur le moment revient au même). Certain(e)s me diront qu'il est surtout banal, lu et relu, ce à quoi je répondrai d'une part que peu de thèmes n'ont pas déjà été abordés n littérature, ensuite que l'originalité n'est pas nécessairement un gage de qualité et enfin qu'ici, l'originalité tient à la personnalité même de l'auteur(e) et au culot qu'il fallait à l'époque pour écrire ça et que la qualité réside dans la justesse de l'ambiance bourgeoise et des émotions décrites.
Je suis encore sous le charme de ce roman très fin au propre comme au figuré et, quelques jours après l'avoir lu, j'ai à nouveau acheté un Sagan, auteur(e) que j'ai été bien stupide de snober aussi longtemps.Quelques extraits
Bertrand était mon premier amant. C'était sur lui que j'avais connu le parfum de mon propre corps. C'est toujours sur le corps des autres qu'on découvre le sien, sa longueur, son odeur, d'abord avec méfiance, puis avec reconnaissance. (P.15)
(...) comme tous les gens facilement menteurs, j'étais sensible aux atmosphères, et sincère en y jouant mon rôle. (P.25)
Elle avait des rides assez sévères au coin des yeux. J'y posais mon index :
"Moi, je trouve ça merveilleux, dis-je tendrement. Toutes les nuits, tous les pys, tous les visages qu'il a fallu pour avoir ces deux minuscules petites lignes-là... Vous y gagnez. Et puis ça donne l'air vivant. Et puis, je ne sais pas, moi, je trouve ça beau., expressif, troublant,. J'ai horreur des têtes lisses." (P.47)
On aime bien que les gens à qui on a fait du mal soient gais. Ca dérange moins. (P.48)
La musique dis-je confidentiellement à Bertrand, la muique de jazz, c'est une insouciance accélérée. (...)
Ecoute la trompette, ce n'est pas seulement insouciant, c'est nécessaire. Il fallait qu'il aille jusqu'au bout de cette note, tu as senti ? Nécessaire. C'est comme l'amour, tu sais, l'amour physique, il y a un moment où il faut que... Où il ne peut en être autrement. (P.57)
J'avais été bien étonnée, bien admirative de mon amour. J'avais oublié qu'il ne représentait rien, sinon pour moi l'occasion de souffrir. (P.120)
Et puis cette citation tellement juste de Proust (P.110)
"Il est très rare qu'un bonheur vienne se poser précisément sur le désir qui l'avait appelé."
Conclusion
Un certain sourire et surtout, un talent certain. A lire d'urgence !
4 commentaires:
Trouvé sur wikipédia : "Ses thèmes favoris : la vie facile, les voitures rapides, les villas bourgeoises, le soleil, un mélange de cynisme, de sensualité, d'indifférence et d'oisiveté."
C'est ce qui m'a toujours tenue éloignée de Sagan ( mais quand j'y pense, je lis quand même du Beigbeder alors bon...).
Je craignais de me retrouver dans une littérature pour midinettes mais tes extraits rendent compte d'une profondeur d'écriture que je ne soupçonnais pas.
Je dois avoir un vieil exemplaire de "Bonjour Tristesse" dans ma bibliothèque (merci moman), ton engouement m'a donné envie d'y jeter un coup d'oeil à l'occasion ;) Merci pour cet avis!
Mais de toute façon, un auteur qui choisir un si magnifique prénom pour l'héroïne de son 1er roman ne peut qu'écrire des romans de qualité !!!
Moi de parti pris ? Non non non...
Cela dit, j'aime vraiment beaucoup l'œuvre de Sagan.
oui, certains romans gagnent à être relus, surtout ceux lus jeunes. Je ne dis pas tous, mais certains. Sans parler de l'auteur, comme tu le fais si bien (on leur presse le nez, il en sort le lait de leur mère), cela prouve-t-il qu'on était trop immature pour en comprendre le sens ? Ou que la nostalgie est venue et que cette relecture nous expédie un parfum du passé ? Ou que ces romans étaient en avance et qu'on est passé à côté ? Va savoir.
Un roman que j'ai lu récemment, à l'age de l'auteur et qui m'a beaucoup plu !
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