Bonjour Miss Ficelle
Bonjour aux libraires
Bonjour aux zotres
Sophie Poirier n'est autre que Ficelle la bloggeuse qui nous conte avec humour ses humeurs et son expérience du désordre. J'ai été très flattée de recevoir son premier roman par la poste et je la remercie de l'attention, de sa confiance mais aussi pour le plaisir de lecture et les questionnements passionnés qu'elle m'a procurés.
Le sujet
Tous les soirs Paul et Corinne se retrouvent dans un café et prennent un verre ensemble. Tous deux sont libraires. Ils n'ont pas d'autres contacts que ces minutes d'échanges mais ceux-ci sont précieux, profondément ancrés dans leurs vies respectives.
Un jour cependant, Paul n'est pas au rendez-vous et Corinne commence par l'attendre puis se met à le chercher.
Mon avis
J'éprouve quelques difficultés à parler de ce livre pour diverses raisons. En voici deux.
La première est que même si je ne connais pas physiquement Ficelle, je suis virtuellement en contact avec elle depuis quelques mois et, dès lors, l'exercice est un peu différent de ceux auxquels je peux me livrer habituellement.
La deuxième est que, pour des raisons très personnelles, ce livre résonne en moi de façon un peu douloureuse.
J'ai aimé le côté ineffable de l'hitoire, la prose fine de Sophie et ses observations qui font mouche, l'écriture très mélancolique voire un peu triste comme dépeignant des souvenirs regrettés et un peu douloureux à la fois, cette immense sensibilité qui affleure presque à chaque page non dénuée de sensualité et fortement teintée de passion d'autant plus violente qu'elle est inassouvie (tout au moins c'est comme cela que j'ai ressenti ma lecture).
Accessoirement, je n'ai pas cru une seule seconde au personnage de l'oncle dont les côtés fantasques pour ne pas dire improbables contrastent trop avec le reste du récit. J'aurais préféré un parent plus crédible et peut-être plus présent aussi.
Tout au long du court roman de Sophie (70 pages), j'ai regretté la minceur du roman et les nombreuses ellipses laissées en creux dans le texte. Volontaires, certes, ces non-dits et l'absence de justification de certains actes m'ont gênée et je trouve que le tout mériterait d'être étoffé d'une centaine de pages de plus cadrant l'histoire dans un contexte, donnant aux personnages une épaisseur supplémentaires qui nous les rende aimables. La vie est tellement compliquée quelquefois que dans la littérature, surtout lorsqu'elle se veut plus psychologique que descriptive, je cherche aussi des réponses parfois.
Une fois la lecture de La libraire a aimé achevée, je suis restée sur ma faim, habitée de moult questions et d'un sentiment de révolte face à certains choix obscurs dépeints dans le roman et dont je ne comprends pas les motivations (égoïsme, sadisme, lâcheté, manque ou au contraire trop plein d'assurance ?). Comme rien à mes yeux ne peut justifier certains comportements, j'aurais été d'autant plus curieuse de lire un point de vue plus tranché, plus précis, adopté par l'auteure. L'histoire mériterait une suite pleine de flash-back (très américain ça...).
Au début du roman, Paul évoque un roman qu'il a lu où un homme tente de reconquérir son ex-femme et, se faisant, se rend compte qu'il ne l'a jamais aimée, passant (je cite) "du chagrin d'amour au chagrin d'avoir perdu son temps" et Corinne lui demande "vous croyez que ces choses arrivent vraiment ?".
Oui, ces choses là arrivent vraiment et bien assez toutes seules sans qu'en plus on ait la bêtise ou le sadisme de les provoquer. Ce n'est pas par hasard si j'ai cité récemment une phrase de Serge Joncour issue de son recueil de nouvelles Combien de fois je t'aime (voir ma critique ici) : Quelle misère que d'être tombé si bas dans le silence de l'autre, suspendu à rien.
Comment oublier/avancer quand on est suspendu à rien ? De quel droit faire perdre sa vie à l'autre ?
Quelques extraits
Bien triste constat dans un avion
Elle n'avait jamais eu peur de mourir. Elle n'avait jamais été assez vivante pour cela. (P.52)
Belle évocation de l'amour qui dans son contexte est encore plus forte car elle évoque le sentiment de puissance et d'oubli qu'il procure
Et puis le baiser avait repris, une main sur la joue, une tendresse qui devenait du désir. C'était affreux comme alors on oubliait la mort, et on sera jamais vieux, nos peaux frissonnent dès qu'on s'effleure, les salives, les sueurs, on s'enfonce l'un dans l'autre. Des sourires échangés, une cigarette et des bavardages, ça avait l'air tellement simple d'être heureux. Inlassable va-et-vient, bonheur, horreur. (P.57)
Mon passage préféré du roman. APrès que Corinne ait raconté son histoire à un écrivain
Elle précisa en riant que ça ne valait pas la peine d'en faire un livre, qu'il devrait plutôt se méfier de cette habitude à mettre du relief et de la beauté où il n'y avait rien, ou pas grand chose. Evidemment tout pouvait paraître mystérieux, si exaltant, à coup de chapitres structurés. Même la douleur donnait envie avec les belles phrases. Ne se sentait-il pas un charlatan quelquefois avec cette façon de décrire les humains et leurs humeurs ? Ou alors, c'est que vous êtes encore persuadé que les livres disent tout mieux que les hommes, convancu qu'une phrase sonne plus juste qu'un battement de coeur. Tu aurais beau vouloir raconter mon histoire avec style, et puis du suspense, tu ne pourrais jamais écrire comme j'ai manqué l'essentiel. Ni décrire à quoi ressemble une nuit de vide quand rien, absolument rien, ne vient te sauver de la peur d'être seul, tu ne pourras jamais écrire ce que c'est de respirer en vain. (P.65/66)
Après cela relire (ici) le poème "Angoisse" de Mallarmé...
Quelques liens
Sylvie - Lectures et autres
Keisha En lisant, en voyageant
Pages à pages
Liliba - Les lectures de Lili
Wafa - Wafa's blog
Aifelle - Le goût des livres
(Je suis certaine d'avoir oublié quelqu'un(e) mais qui ?)
Conclusion
Un livre marquant et trop court qui ma bouleversée et laissée sur ma faim à la fois.
lundi 18 mai 2009
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15 commentaires:
(merci…)
Trop court, je l'ai pensé aussi (on peut le voir comme un compliment, non?), mais bon, c'est un choix! le prochain sera plus long espérons le...
Ca donne tres envie...
@ Ficelle : (de rien)
@ Keisha : bien sûr que c'est un compliment ! Le cri du coeur d'une lectrice qui serait volontiers restée plus longtemps le nez plongé dans ce roman là. Quand je pense au nombre de livres très brefs que j'ai pourtant trouvés trop longs et avec lesquels je me suis ennuyée (à commencer par O.N.G. de Iegor Gran dont je parlerai bientôt) !
@ Nathalie : il est très rare pour ne pas dire exceptionnel (en fait ça n'arrive jamais) que je quitte en livre en me disant que je le relirai. Celui-ci, je le relirai.
J'ai fait un billet sur ce livre le 14 Avril et une blogueuse m'avait signalé que Ficelle répond à Laure dans les commentaires, sur la fin de son roman. En tout cas, j'attends le prochain avec impatience.
@ Aifelle : lien ajouté. Merci
Il me tente beaucoup, ce roman. Tout ce qui parle de livres de près ou de loin, en fait, me tente!! Je vais tenter de le trouver lors de mon prochain passage en Europe!
@ Karine : tu peux le commander via Amazon
Je ne sais pas trop, le sujet me tente mais je ne suis pas sure d'accrocher... Mon dernier livre concernant une libraire a été une catastrophe ^^ Mais pourquoi pas, peut etre un jour...
J'avais bien aimé ce petit livre, même si je suis d'accord avec toi, il laisse un goût de pas assez... Mais le style est là, agréable à lire, fluide, poétique et j'attends moi aussi de lire le prochain livre de Ficelle avec impatience.
Tout à fait de ton avis je suis restée sur ma faim à la fin de ce livre.
Je suis arrivée chez toi en passant par chez Alex (mots à mot).
Bonne journée
@ Hathaway : et c'était quoi cette cata ?
@ Liliba : tout pareil !!! et maintenant le 2e est sorti !
@ Toinette : Eh bien merci de ta visite et j'espère qu'elle sera suivie de plein d'autres !
Le dernier livre que j'ai lu et qui parlait d'une libraire : "L'amour est à la lettre A". C'était ça la cata. Par contre, le livre juste avant , concernant un libraire cette fois : Le libraire de Regis de Sa Moreira a quant à lui été un méga coup de coeur !
Comme quoi les libraires se suivent et ne se ressemblent pas (comme les livres)
j'ai beaucoup aimé ce premier roman très réussi et plein de délicatesse
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