lundi 14 mai 2012

Aimer à peine (de Michel Quint)

Bonjour à celles et ceux qui aiment un peu beaucoup passionnément à la folie
Pas du tout bonjour à celles et ceux qui n'aiment pas du tout
Salut furtif à celles et ceux qui aiment à peine
Bonjour aux zotres

La version originale de ce message date du 12 mars 2007 et a été rédigée pour le groupe Yaahoo Quoi de neuf ? Je l'aime toujours autant et l'ai "à peine" retouché... à l'époque, je ne savais pas (ou je n'ai pas retenu ?) d'où venait le titre de ce roman. Je l'ai appris, à la fois à mes dépends et pour mon plus grand plaisir, dimanche 7 mai. J'en parlerai demain.

Le contexte

Après avoir lu un très mauvais bouquin (de Fred Vargas), il est toujours rassurant de tomber sur d'excellents livres. Toujours dans le cadre du "défi abécédaire 2007", j'ai eu le bonheur d'ouvrir ce week-end :
- Portraits de femmes de Sainte Beuve (quelle plume !)
- Les âmes grises de Philippe Claudel (quelle plume !)
- Aimer à peine de Michel Quint (quelle plume !)
C'est de ce dernier ouvrage que je souhaite vous parler ce soir pour vous encourager à en dévorer les 77 pages.

Le sujet

Le narrateur est le fils du héros d'Effroyables jardins du même auteur. Nous sommes en 1972 et il est étudiant. Il prépare un mémoire sur les coulisses politiques du milieu sportif et, pour se faire, s'est rendu en Allemagne au moment des J.O. de Munich. Au cours de ces quelques semaines estivales, il rencontre l'amour, est confronté à la grande histoire contemporaine et rattrapé par celle du passé.

Mon avis

Il n'est pas nécessaire d'avoir lu Effroyables Jardins ou vu le film de Jean Becker (avec Villeret, Dussolier, Lhermitte, Magimel) pour savourer Aimer à peine mais je pense néanmoins que c'est préférable de connaître un minimum l'histoire. De même, il est préférable de savoir à l'avance ce qui s'est passé lors des J.O. de 72 (bon, pas la peine non plus d'avoir vu Munich de Spielberg).

Il est difficile de parler de celle d' Aimer à peine tant il serait dommage de dévoiler le moindre élément de cette oeuvre émouvante et sensible sur laquelle je n'ai qu'un petit bémol concernant ce qui se passe au sein du village olympique. Là j'ai trouvé que ça sonnait faux et en écrivant ce qui précède (en faisant gaffe de ne pas trop en dire) je m'aperçois que la cause de cette réserve est liée à ma perception du personnage de Inge. Dans l'ensemble, je trouve plutôt léger, peu compréhensible et par là-même peu crédible. J'ai un peu de mal à saisir ses motivations supposées mais c'est accessoire ; l'essentiel n'est pas là du tout.

L'essentiel est dans le style à la fois travaillé et simple, poétique sans être maniéré, plein d'humour et de mélancolie de l'auteur. Michel Quint écrit avec peu de mots mais beaucoup d'humanité et de classe, il pose des questions sans jugements définitifs, sans certitudes sur les réponses éventuelles.

L'émotion passe à travers la beauté des mots mais aussi parce que ce livre est construit comme une confidence muette et à distance du narrateur à son père. Le titre est magnifique, pas du tout péjoratif mais au contraire plein de douceur, de sensibilité, une promesse de caresse qui reflète bien la finesse du contenu du roman.

Quelques extraits

Impossible de copier mes passages préférés sans livrer un peu trop de l'histoire du livre, aussi j'ai choisi les premiers mots du roman et quelques extraits des 3 pages suivantes.

- Aujourd'hui maman est morte...
Toute droite dans sa longue robe noire, elle a juste levé ses yeux bleu chagrin, murmuré sa mère perdue et j'ai tout pris au coeur, le deuil à vif, son regard de tragédie et la grande gifle de l'amour fou.
(...) Cette dernière nuit d'août, j'étais au bar d'une salle des fêtes de l'Allemagne profonde. Par hasard. Seulement entré boire une dernière bière pour mon premier soir ici. Accroché à une chope, je considérais l'humanité en goguette, sous les pois lumineux de la boule à facettes qui tournait au plafond. Et je l'avais vue venir droit sur moi, grand lys nocturne à la peau pâle, décolleté profond, belles épaules, vingt ans, guère plus, une chevelure tzigane sombre, et un visage de Lorelei à se jeter au Rhin.
(...)
- La mienne s'en est allée l'année dernière...
Et puis, à l'instant pile j'ai réalisé que je venais de toucher le fond, que j'étais le plus indigne des indignes ! Un cabinet dérobé, une cave, un trou de souris, même les jupes d'une vieille fille, d'une délaissée faisant tapisserie, j'avais envie de m'y cacher. Nom de nom, moi, le fin lettré, l'érudit infaillible, oublier le début, l'incipit du plus célèbre des romans d'un des plus célèbres romanciers français.

Conclusion

Une découverte enthousiaste de l'écriture de Michel Quint. J'aurai plaisir à lire Effroyables Jardins et d'autres romans de cet auteur.

2 commentaires:

Lili Galipette a dit…

Merci pour ce bel article, je note avec envie le titre du roman.

Galéa a dit…

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