mardi 16 août 2011

Guerres (Timothy Findley)

Bonjour à celles et ceux qui apprécient les romans évoquant la guerre
Bonjour aux pacifistes (qui sont potentiellement les mêmes)
Bonjour aux zotres

Fin mars 2010, j'avais initié une semaine Serpent à plumes au cours de laquelle j'avais mis en ligne diverses critiques de livres publiés chez cet éditeur que j'aime bien. A cet occasion, j'avais évoqué Guerres de Timothy Findley qui figure incontestablement dans mon top 9 personnel de très bons livres très tristes.

4e de couverture

En 1915, Robert Ross, profondément affecté par la mort de sa sœur, s'engage dans l'armée canadienne et quitte Toronto pour rejoindre les alliés sur le front belge. La traversée cauchemardesque de l'Atlantique, à fond de cale avec troupes et chevaux dans les tempêtes de décembre, est un avant goût de ce qui l'attend dans la boue des Flandres. Là, l'enfer semble atteint : tranchées, mines, tirs de barrage, gaz asphyxiants menacent de tout abolir. Par l'auteur du dernier des fous, une méditation sur la violence, la lâcheté et la peur qui s'insinuent jusque dans le cerveau des hommes, sur la dégradation des êtres par la souffrance, celle du corps, mais
aussi de l'esprit et du cœur, sur toutes les guerres que l'on peut livrer.

Quelques extraits commentés

Voici trois courts passages assez révélateurs du style de ce livre, très descriptif parfois quasiment impersonnel, froid et dur comme un rapport clinique, une succession de courtes phrases souvent très belles.

Robert avait toujours aimé la mer. Les eaux plus calmes de ses précédentes traversées lui avaient donné la fausse impression qu'elle était profonde mais mesurée, qu'elle vous portait vers votre but sur la courbe infinie de ses vagues de verre, et que les tempêtes qui parfois l'agitaient avaient la poésie de celles de Conrad.

Suit une longue description de la traversée en mer… Un vrai cauchemard. le 2e extrait se passe juste après une attaque au gaz pendant laquelle, à défaut de masques, les hommes ont utilisé leurs mouchoirs imprégnés d'urine pour se protéger.

(…) [L'Allemand] ne s'était avancé que pour ramasser ses jumelles. Robert baissa la tête. C'était encore bien pire. Juste à côté du jeune homme, il y avait un fusil, un mauser modifié du genre dont se servaient les tireurs isolés. Il aurait pu les tuer. Tous. Il en avait sans doute eu l'intention. Mais il y avait renoncé. Pourquoi ?
L'oiseau chanta.
Une longue note descendante et trois notes tremblées – oscillant au bord de la tristesse.
Voilà pourquoi.
Et l'oiseau chantait, chantais toujours. Il ne cessa qu'au moment où Robert se leva pour partir. Cependant le chant de l'oiseau devait l'accompagner, obsédant, jusqu'à la fin du jour.
De retour dans la tranchée, ils constatèrent que tout le monde était mort. Tous les blessés avaient été tués par les gaz ou le froid. Les cadavres qui gisaient dans l'eau étaient maintenant
profilés dans la glace. Tout était vert : visages, doigts, boutons. Même la neige.

Le troisième extrait intervient vers la fin du livre.

Robert fut projeté sur la route. Lorsqu'il se fut remis sur pied, il constata qu'il ne restait des bâtiments que des ruines en feu. Le centre de la cour était un trou fumant, où agonisaient les chevaux et les mules qui n'étaient pas morts sur le coup. Robert semblait être l'unique survivant. Il sortait son Wembley pour achever les bêtes lorsqu'il interrompit son geste pour contempler la scène. Brusquement la colère qui couvait en lui se déchaîna avec une telle violence qu'il sentit sa raison vaciller. Il songeait : si un animal était responsable de ce carnage, on le déclarerait enragé et on l'abattrait sur le champ.

Mon avis

Ce qui précède est tiré d'une critique rédigée le 30 juillet 2000 pour le groupe Quoide9 sur Yahoogroupes. Elle illustrait une discussion sur les livres tristes. J'avais lu Guerres quelques mois avant et ce livre m'avait énormément marquée. Le souvenir qu'il m'avait laissé est encore très vivace plus de 11 ans après. J'avais été éblouie par la dureté et l'humanité de ce roman suintant le désespoir et la révolte.

Ce n'est pas un hasart si le titre est au pluriel tant le propos de l'auteur dépasse le cadre strict de la première guerre mondiale et dénonce la brutalité et la stupidité propres à chacune. C'est assez perceptible à la fin du 3e extrait.

Le fait que le héros ne soit pas français mais canadien (comme l'auteur) apporte un supplément d'intérêt au roman et donne un ton singulier au livre : le récit est un numéro d'équilibrisme fort réussi entre ressenti intérieur et témoignage distantié. En outre, Timothy Findley a le courage d'aborder quelques sujets tabous que je n'ai retrouvés dans aucun autre roman de guerre. Du grand art et de multiples sujets de réflexion.

Conclusion

Un grave et grand roman

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