lundi 10 mai 2010

Le temps suspendu (Valeria Parella)

Bonjour aux parents d'enfants prématuré(e)s
Bonjour aux tout petits bébés
Bonjour aux zotres


Tout d'abord merci aux éditions du Seuil et à
Chez les filles de m'avoir envoyé ce livre intelligent et sensible.

Le sujet


Maria vit à Naples et enseigne l’italien en cours du soir à des étrangers, des illettré(e)s et des personnes en situation précaire. A plus de 40 ans et seulement 6 mois de grossesse, elle accouche d’une petite fille dont personne ne sait, pendant près de 2 mois angoissants, si elle vivra ou non, aura des séquelles ou pas.

Mon avis

Selon ses propres rapports à la grossesse et à la parentalité (ou non), ce livre pourra passionner (ou pas), faire peur, rebuter ou laisser indifférent(e) et je pense que l'absence de descendance ou, au contraire, les souvenirs personnels liés aux premiers mois de vie de ses propres enfants ne sont pas neutres dans l'appréciation que l'on portera sur le livre. Je n'ai trouvé cela dans aucune critique que j'ai lue sur le roman et pourtant, ce n'est pas seulement comme lectrice mais aussi en tant que femme sans enfant que j'ai aimé ce livre et je me faisais la réflexion qu'il y avait une quantité de personnes à qui je ne pourrais pas l'offrir ou le recommander.

J'ai apprécié ce portrait de femme à la fois affaiblie et endurcie par l'angoisse : affaiblie et suspendue au souffle hésitant de sa fille Irène, compatissante et solidaire envers les autres couples dans sa situation, dure voire distante et désincarnée avec son entourage et injuste envers le corps médical.

J'ai globalement aimé l'écriture fine et allusive de l'auteure même si je l'ai trouvée quelquefois sur-écrite, artificiellement maniérée notamment dans les dialogues. En revanche, toutes les descriptions de Naples (aussi bien géographiques que sociologiques), tous les passages concernant l'enfance de Maria, son ascension sociale, son travail, sont à la fois passionnants et d'une justesse admirable de même que tous les paragraphes évoquant ses craintes de mère et la fragilité de sa fille, émouvants sans être larmoyants.

Le mode allusif convient parfaitement au récit de ces moments là : l'attente indiscible, la peur fatigante, l'impuissance révoltante, aux blessures liées à l'absence ambigue du père et à la solitude face à l'angoisse. Le texte aurait cependant mérité quelques pages de plus sur les aspects liés à la formation continue qui, à mon avis, constituent les meilleures pages du livre (et paradoxalement les plus humaines).

Loin de constituer des digressions superflues par rapport au thème central du roman, ces pages, de même que celles consacrées à la ville et à l'enfance, concourrent à la crédibilité du portrait de femme et du récit dans son ensemble tant il est vrai que j'imagine que le fait de devoir continuer à penser, à travailler, à vivre alors que son enfant y parvient à peine rajoute à la douleur et au sentiment d'impuissance.

2 extraits contrastés piochés chez Lulu et Aifelle

- Nous ferons une nouvelle échographie dans quinze jours.
- D'accord, mais d'ici là, que comptez-vous faire ?
- Attendre.
- Ça, je peux le faire moi aussi.
- Vous pouvez espérer, madame.
- Écoutez, à chacun son travail, faites le vôtre. Moi je fais le mien. Et laissons le sien au prêtre.
- À présent, vous nous détestez, c'est normal.
- Non, ce n'est pas de ça qu'il s'agit : il faut que vous appreniez à parler de ce que vous connaissez. Détester, espérer, c'est quoi ces mots ? Enfin, un peu de sérieux. Faites l'efforts d'en rester aux mots de votre métier.

Quand, certains jours, je la trouvais allongée sur le ventre et pas sur le dos, j'étais d'abord perdue, puis émue, à la pensée qu'elle avait un dos. Irène sentait le plastique humide et surchauffé, certains soirs, je rentrais à la maison le milieu de l'avant-bras marqué d'un profond sillon bleuâtre, dû au poids de mon bras sur le bord des hublots. Je ne portais plus de montre, parce que le lavage antiseptique prévoyait qu'on l'enlève et que nous vivions pour le lavage antiseptique. Je mesurais les jours qui passaient à la taille de la main d'Irène serrant une des mes phalanges.

Quelques liens

Théoma : beaucoup de sensibilité mais un peu de monotonie
Lulu du L café : un sujet marquant et un livre juste
Mango : trop de digressions éloignent de l'émotion
Sylire : confession en demi-teinte avec parfois trop de distance
Cathulu : un beau portrait de femme sans misérabilisme
Aifelle : des réactions justes, une vraie personnalité et une écriture fluide

Conclusion

Un sujet douloureux traité tout en finesse et sensibilité pour un résultat parfois trop elliptique cependant.

5 commentaires:

Aifelle a dit…

Ta première remarque est très juste. Il y a un troisième élément, c'est le souvenir que nous avons de nos propres premiers jours de bébé. Mémoire du corps bien enfouie. Je pense comme toi qu'il n'est pas à mettre entre toutes les mains. Il suffit de lire les commentaires, dont certains sont très épidermiques par rapport à la mère.

Cynthia a dit…

Hé bien ce livre tente la maman que je ne suis pas depuis le début !
Ton avis offre une quantité d'éclairages sur ce roman sans pour autant en dévoiler l'histoire, joli billet ;)

Mangolila a dit…

Ce roman aurait dû me toucher davantage, vu son thème! Je suis restée un peu trop en dehors!
Je le fais voyager si quelqu'un le désire!

Lo a dit…

Très joli billet en effet !
Je te rejoins sur quasiment tous les points.

Cécile Qd9 a dit…

@ Aifelle : ou plus simplement ce qu'on nous en a raconté...

@ Cynthia : merci !

@ Mango : je crois que l'auteure a volontairement mis une sorte de distance entre le lectorat et son personnage

@ Lo : merci