jeudi 24 juillet 2008

Un soir au Club (de Christian Gailly)



Bonjour aux fans de jazz
Bonjour aux zotres

Je n'avais jamais entendu parlé de ce livre et de cet auteur avant le dernier dîner livres échanges. J'ai pris ce roman un par hasard, presque par "sacrifice" (le mot est excessif mais je n'en trouve pas d'autre) parce que les autres participant(e)s l'avaient déjà lu ou n'étaient pas plus tenté(e)s que moi.


Je viens de terminer sa lecture et j'ai été conquise. Un soir où vous ne serez pas au club, je vous recommande chaleureusement d'ouvrir cet excellent et court roman.

Le sujet

Simon Nardis fut pianiste de jazz. Un excellent pianiste de jazz. Il a arrêté depuis longtemps et n'a plus touché un piano ni une goutte d'alcool depuis. Coincé dans une station balnéaire loin de chez lui pour une urgence professionnelle (il est désormais chauffagiste), il passe les portes d'un club de jazz pour la première fois depuis 10 ans. Un trio joue et très vite, il reconnait son style de jeu (ce qui lui permet de découvrir qu'il en avait un). le cours de sa vie bascule à cette minute.

Mon avis

Je déteste le jazz. En fait, c'est pire que ça : je ne supporte pas cette musique physiquement. Elle me stresse, me hérisse, me met mal à l'aise, me crispe les mâchoires et nous ne pouvons rester très longtemps dans la même pièce elle et moi. Et pourtant j'ai essayé car un grand nombre de mes amis sont des inconditionnels avertis qui ont tenté de me communiquer leur passion ou tout au moins de m'initier au jazz sous diverses formes. J'ai même lu des bouquins sur le jazz (dont un "Que sais-je ?" !!!), c'est dire... Peine perdue.

Si ne supporte pas le son "jazz", j'aime en revanche la passion qui anime celles et ceux qui en parlent. J'aime "l'idée" du jazz, si cette formule a un sens, j'aime son évocation et tous les clichés qu'on peut projeter derrière le mot et l'univers musical.

Gailly parle très bien de cette musique et si je n'ai jamais ressenti que de l'inconfort en l'écoutant, j'ai été sensible aux mots qu'il utilise pour l'évoquer. Il m'a fait percevoir le jazz comme aucun son n'a pu et ne pourra jamais le faire et j'ai été emportée.

Au delà de cette expérience sensorielle et musicale sourde et paradoxale, je me suis délectée du style de l'auteur. Son écriture est élégante sans affectation, ses phrases économiques sans sècheresse, ses analyses fines et ses détours habiles. J'ai aimé la sensibilité qui émane de l'ensemble subtilement renforcée par un procédé d'écriture que j'avais déjà trouvé très efficace dans des romans comme "la tache" de Philip Roth ou "Léviathan" de Paul Auster : faire raconter l'histoire au passé (que l'on suppose lointain), par un narrateur proche des protagonistes mais n'ayant eu aucun rôle dans le déroulement de l'intrigue.

On avance donc dans le récit par touches pointillistes mêlant ce qu'il sait, ce qu'on lui a dit sur le moment, plus tard, ce qu'on ne lui a pas dit mais qu'il déduit ou imagine.

Dire que ce livre m'a plu serait moins exacte que de conclure qu'il m'a séduite.

Extrait

Voici le premier paragraphe du livre. J'ai immédiatement su que j'adorerais la suite.

Le piano n'était pas le violon d'Ingrès de Simon Nardis. C'était bien plus qu'un violon d'Ingrès. Le piano était pour lui ce que la peinture était pour Ingrès. Il cessa de jouer comme Ingrès aurait pu cesser de peindre. eût été dommage, dans le cas d'Ingrès. Ce le fut dans le cas de Simon Nardis.

Conclusion

Découvrez vite le talent et la sensibilité de Christian Gailly.
A noter : un très intéressant portrait de l'auteur (ainsi qu'une évocation de son oeuvre) se trouve sur La Lettrine.

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