mercredi 19 septembre 2007
Louis Calaferte (2 extraits et 2 poèmes)
Pour prolonger le message précédent, voici un extrait de "Septentrion", deux poèmes issus du recueil "Rag-Time" et une citation de Louis Calaferte à propos de la lecture.
Cet incomparable émoi que de se baigner dans la lecture. Eau salvatrice – où reprendre force et conscience ; où retrouver ce qui est racine nous appartenant ; d’où surgir à neuf pour d’irrépressibles envolées. – Celui-ci, qui a donné son talent à ma voix secrète ; ses idées confortent les miennes ; sa sensibilité en tout m’identifie et, par surcroît, m’enseigne, me convie en m’aidant à devenir libre davantage, c’est-à-dire plus audacieux, plus fondé sur moi-même, mieux préparé aux essences de la Vie. – Lecture qui me fait Force. – Son souvenir, capable de métamorphoser les plus pénibles instants de misère morale. Tel livre, ce jour-là, accompagna notre détresse ; nous fit la surmonter, nous tirant vers ce réel absolu qu’est l’imaginaire, où réside toute capacité d’épanouissement. – Livre de jadis qui sait encore, a retenu qu’il faisait dehors, dans la rue, chaud ou froid,terreux ou ensoleillé ; de quel vert étaient les feuillages des arbres du jardin public ; quelle saveur troublante et enfantine imprégnait le regard entr’aperçu de la jeune fille aux jambes fines. – Livre de la vibration. Livre de la coloration. Livre de la révélation. Livre de la totalité d’être. Sans cesse je suis à ta recherche, moi, éternelle jeunesse de l’initiation.
(In "Les Fontaines silencieuses") Trouvé ici
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Nous sommes dans cette chambre, le temps n'a plus de consistance, il fait exagérément chaud, je sens son parfum, je croche mes doigts dans ses cheveux, nos corps se touchent, le bruit liquide de la pluie s'égoutte en un endroit quelconque de la pesanteur irréelle, nous sommes tranquilles, nous ne nous connaissons pas. Nous pourrions etre morts. Il n'y a pas de raison pour que cet engourdissement ait une fin. Nous regardons au dessus de nous, le plafond terne, taché, des mouches qui avancent par saccades. Nous appartenons à ce petit monde cylindrique ossifié d'un après-midi de dimanche pluvieux. Tout se passe comme si nous avions déjà vécu ailleurs ce long apaisement et que, pendant tout le temps de notre éloignement, nous n'avions fait que nous préparer à le renouveler dans nos mémoires. Rien de plus nature à ce que nous soyons allongés côte à côte. Je l'entends respirer. Je mords une mèche de cheveux entre mes lèvres. Quelqu'un referme la porte de l'ascenseur dans l'hôtel. Des voitures passent, le caoutchouc des pneus chuintant sur le goudron humide. L'agitation du dehors ne nous concerne pas.
(in "Septentrion")
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Un de mes poèmes préférés
tiré de "Londoniennes" paru
dans le recueil "Rag-Time"
Pendant que j'allumais une autre cigarette
tu as quitté tes bas
assise au bord du lit
et maintenant tu n'ose pas
dans cette chambre où nous n'avons jamais dormi
lever les yeux sur moi
C'est soudain comme si le temps meurt ou s'arrête
un long alinéa
je m'approche du lit
et viens te prendre entre mes bras
dans cette douceur triste et qui nous engourdit
j'ai aussi peur que toi
Il y a au dehors des rumeurs vagabondes
nous ne nous en irons que pour un autre monde
A Londres c'est l'automne il est presque minuit
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j'aime les arbres bleus
j'aime les âmes blanches
les têtes qui se penchent
noyées dans les cheveux
Un et un qui font deux
les matins des dimanches
les demoiselles blanches
avec des rubans bleus
La morsure du feu
à l'écorce des branches
le ciel de nos nuits blanches
et la mort peu à peu
J'aime le vert brumeux de ses yeux à piment
(In "Poèmes ébouillantés") ici
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