lundi 5 juillet 2010

Les 1001 vies de Billy Milligan (par Daniel Keyes)

Bonjour aux schizophrènes
Bonjour aux personnes souffrant du syndrôme des personnalités multiples
Bonjour aux gens normalement névrosés
Bonjour aux zotres

Ce livre choisi par Cynthia fait partie de la sélection étrangère du prix Qd9 2010. Il m'a été offert par un site internet de vente en ligne (mais lequel ???).

Le sujet

Trois jeunes femmes sont violées sur le campus d'une université américaine. Les soupçons se portent vite sur Billy Milligan, un jeune homme au comportement étrange. Entre curiosité, scepticisme et fascination, les psychiatres s'aperçoivent rapidement qu'il souffre de trouble de la personnalité multiple. Il n'en compterait pas moins de 24 et le "vrai" Billy n'aurait pas conscience des actes de ses autres "habitant(e)s". Il est donc jugé irréponsable de ses actes.

Mon avis

Le coup du trouble de la personnalité multiple est un ressort exploité à longueur de séries policières : la jolie Rebecca zigouille 3 mecs mais quand on l'arrête enfin on s'aperçoit grâce à son double Suzanne que c'est son autre double Marjorie qui frappe sans que Rebecca en ait conscience. Vous suivez ?

Qui ne s'est jamais posé de questions sur ces histoires apparemment abracadabrantesques ? Qui n'a jamais été fasciné par ces scenarios capilotractés aux faux airs de légendes urbaines ?

Les 1001 vies de Billy Milligan est intéressant en cela que le livre évoque de façon très précise et détaillée un cas réel de trouble de la personnalité multiple (je ne peux m'empêcher de noter le paradoxal singulier du nom de ce syndrome) qui, dès lors, se lit à la fois comme un polar et comme un document de vulgarisation psychiatrique particulièrement accessible et réussi. A cet égard, c'est passionnant.

Cela dit, je vois au moins 3 limites à l'intérêt que j'ai pu porter au livre :

1 - Il a été rédigé par un écrivain et pas par un psychiatre (cela dit, si mes souvenirs sont bons, l'écrivain fut lui-même psy). Dès lors la réalité clinique passe au second plan par rapport aux effets scenaristiques que savent si bien entretenir les auteurs anglo-saxons, américains notamment.

2 - Il s'agit d'un portrait à décharge. Cela ne me gênerait pas si c'était clairement dit et assumé. Or, toute l'ambiguité réside dans le fait que Daniel Keyes, choisi par Billy Milligan lui-même, ne clarifie jamais sa position de "porte-parole" du personnage dont il relate la part de vérité en s'abstenant clairement de souligner les zones d'ombre qu'on sent pourtant affleurer à diverses reprises au cours du récit (à New York, avec des 2 pensionnaires féminines de l'asile, etc.). Il y a là un biais intellectuel que je trouve fondamentalement gênant. J'aurais de loin préféré que l'auteur assume son point de vue partial et, dès lors, je n'ai jamais ressenti envers Milligan l'empathie que l'auteur cherche visiblement à générer.

3 - Le livre est habilement construit mais son style est purement journalistique. Pas de quoi lui octroyer un prix littéraire fut-il celui créé par une bloggeuse suite à un "chiche" prononcé lors d'un déjeuner sympa.

Conseils personnels

Entre le moment de l'arrestation de Billy Milligan jusque vers les pages 70/100, beaucoup de prénoms et de traits de caractères différents lui sont attribués. Pour une lecture plus aisée et plus agréable, je conseille donc de noter les prénoms, les âges et les principales caractéristiques des différents avatars de Milligan au fur et à mesure de leur entrée en scène.
Taper "Billy Milligan" sur internet amène à des infos intéressantes.

Conclusion

Ce livre constitue un témoignage à décharge intéressant qui retrace un destin fascinant. Je l'ai dévoré avec plaisir mais je n'ai rien trouvé de littéraire là-dedans.

2 commentaires:

Cynthia a dit…

Le style est journalistique je suis d'accord et je pense d'ailleurs qu'il colle au souci d'objectivité de l'auteur.
Dans mon souvenir, il ne cherchait pas à combler les trous, seulement à restituer les faits en tâchant de mettre un peu d'ordre dans ce fouillis qu'est la vie de Billy Milligan. Ce n'est donc pas tant le style qui m'avait séduite mais le travail de titan (recherches, recoupement des sources) que représentait ce livre.

Bon, je sens que je vais me faire lapider par le jury QD9 si les déceptions continuent ;)
Cela dit, il y a plusieurs critères qui entrent en ligne de compte dans une sélection littéraire. Le style en est un bien entendu mais il n'y a pas que ça, non?

Cécile Qd9 a dit…

@ Cynthia : mais non, tu ne vas ni te faire lyncher, ni lapider et pas même bastonner, c'est dire notre ouverture d'esprit !
Comme je l'ai écrit, j'ai vraiment apprécié ma lecture et je suis très heureuse que tu m'aies fait découvrir ce livre (même chose pour Anne-Sophie avec qui j'en ai un peu discuté). C'est juste que je ne voterai pas pour ce livre car il ne correspond pas à ce que moi je recherche chez un "gagnant du prix Qd9" mais, comme tu le dis toi-même, les critères sont multiples et pas nécessairement les mêmes pour chacun(e) et c'est ça qui est bien ! :o)
Accessoirement, contrairement à toi, je n'ai pas du tout ressenti que l'auteur était objectif, je le trouve même parfois limite complaisant et c'est pourquoi je parle de livre à décharge car il ne donne finalement que le son de cloche de Milligan.