lundi 17 janvier 2011

Le discours d'un roi (de Tom Hooper)

Bonjour à la famille royale d'Angleterre
Bonjour à celles et ceux qui aiment prendre la parole en public Bonjour à celles et ceux qui détestent ça
Bonjour aux zotres


Rien ne vous interdit de lire ce qui suit en écoutant le 2e mouvement de la 7e symphonie de Beethoven.


Un tout petit peu d'histoire et plein d'anecdotes

A moins de vivre sur Jupiter depuis 60 ans, on sait qui est Elisabeth II d'Angleterre. Peu de temps avant la seconde guerre mondiale, elle attrapa une pneumonie comme son grand père George V. Elle survécut, il mourut.

Si on possède ne serait-ce qu'un tout petit minimum de culture historico-people, on sait au moins vaguement que, moins d'un an après son accession au trône, le tout frais promu roi Edward VIII abdiqua en faveur de son frère Albert pour cause d'amour passionnel pour Wallis Simpson, une roturière américaine deux fois divorcée (on se demande laquelle de ces 3 calamités était la pire aux yeux de la famille royale) et donc toxiquement inépousable par un souverain britannique.

Le 11 décembre 1936, Edward déclara à la radio : "I have found it impossible to carry on the heavy burdens of responsibility.....without the help & support of the woman I love." Cette décision fut, semble-t-il, un soulagement à différents égards pour lui comme pour les dirigeants britanniques. Le couple avait des amitiés pour le moins dérangeantes et Wallis Simpson était même soupçonnée d'avoir espionné pour le régime nazi et d'avoir été la maîtresse de Joachim von Ribbentrop, ministre des affaires étrangères du Reich qui, chaque jour, faisait parvenir 17 oeillets à sa belle. Comme quoi on peut être pourri sur le plan politique et humain et indécrotablement romantique. Bref. On peut aussi se demander comment Wallis Simpson s'y prenait pour exercer un tel pouvoir sur les hommes mais c'est un autre débat (passionnant certes) qui nous éloigne du sujet de ce message et du film dont il est ici question.


Le sujet du film

En dehors de dire qu'il fut considéré comme un bon roi, que sa resistance à l'Allemagne nazi aux côté de Churchill fut exemplaire, rares sont, je pense, les personnes capables de livrer quelque anecdote que ce soit à propos de George VI. Je ne l'étais pas plus avant de voir Le discours d'un roi où, dès les premières images, on le voit tetannisé devant un micro de radio.

Le film relate quelques années de la vie du père d'Elisabeth II qui lutta toute sa vie contre un bégayement peu compatible avec des fonctions officielles et encore moins avec les responsabilités d'un monarche devant prononcer l'un des discours les plus importants de l'histoire du XXe siècle. Le soutien constant de sa femme et sa rencontre avec le peu conventionnel Lionel Logue lui permirent de surmonter son handicap.


Mon avis enthousiaste

Le film

Depuis quelques semaines, les parisien(ne)s auront peut-être remarqué dans le métro de très laides affiches rouges, jaunes ou blanches sur lesquelles un bas de visage fait face à un micro hors d'âge.

Le film de Tom Hooper aurait mérité des affiches plus vendeuses et explicites (la version anglaise n'est pas forcément plus réussie) mais en aura-t-il vraiment besoin ? Je suis certaine que le bouche à oreille fonctionnera à merveille et que ce film fera un malheur au box office pour au moins 2 raisons : il recèle tous les ingrédients pour ça d'une part, il le mérite d'autre part (ce n'est pas nécessairement lié).

La grande et la petite histoire

On n'a pas attendu Billy Elliot pour savoir qu'un film mettant en scène un héros qui poursuit un rêve ou un combat et lutte contre l'hostilité ou un hadicap ou mieux encore contre l'hostilité liée à un handicap est un sujet en or et une formidable opportunité pour le marché des mouchoirs jetables pour cause d'épanchement lacrimal. Aucun besoin de visionner la série des Sissi pour la 99e fois pour être convaincu(e) qu'un film racontant le destin incroyable et fortement romanesque d'une tête couronnée fait rêver dans les chaumières.

Alors imaginez un film qui raconte le destin incroyable d'un homme qui devient roi à la place de son frère alors qu'il est affligé d'un bégayement sévère, complexé de toutes parts et que la seconde guerre mondiale gronde, saupoudrez le tout de l'histoire d'un amour marital sincère, d'un scandale adultèrin et surtout d'une amitié improbable et vous obtenez un scenario en or massif, ajoutez qu'il s'agit d'une histoire vraie et il devient quasi idéal. A contrario, résumez le tout en disant "c'est l'histoire d'un bègue qui se fait soigner et doit faire un discours hyper important" et vous doutez déjà plus de tenir un sujet vendeur.

De fait, le film n'est pas à un paradoxe près et cela participe sans doute à son indéniable charme. Il est fondamentalement intéressant, à la fois grave et léger. Il fourmille de références historiques et de références légères et peut donc être apprécié à différents niveaux et intéresser un large public. Il met en scène une page fondamentale de l'histoire du XXe siècle et évoque certains de ses acteurs clefs par le petit bout de la lorgnette.

Que dire de plus ? Les costumes sont somptueux, les décors sont magnifiques, la qualité des images et des lumières sublime l'ensemble. L'humour (so british) est omniprésent, l'émotion affleure souvent et, certes, frôle parfois le mélo mais ne tombe jamais dans le pathos sirupeux.

Le casting

Jeudi 14/01, Colin Firth a obtenu son étoile sur Hollywood boulevard. Voici une nouvelle qui devrait ravir à peu près le tiers de la blogosphère littéraire tant j'ai le souvenir de messages énamourés remplis de soupirs et de superlatifs à l'occasion du challenge Jane Austen ou de références à diverses comédies romantiques et autres Bridget Jonesseries. Depuis Another Country (où je n'avais d'yeux que pour le sublissime Rupert Everet), j'ai toujours trouvé cet acteur relativement insipide et surtout beaucoup trop vieux pour moi (il vient de dépasser le demi-siècle).

Il y a quelques jours, j'ai vu en avant première un film qui m'a fait partiellement changer d'avis : il est toujours beaucoup trop vieux pour moi et fade physiquement mais quelle performance d'acteur dans Le discours d'un roi ! Il a déjà rafflé un Golden Globe et est très logiquement en lice pour les Bafta et je n'ose imaginer qu'il n'y ait pas de nomination aux Oscars dans l'air de même que pour l'incroyable Geoffrey Rush (le capitaine Barbossa de Pirates des Caraïbes), déjà détenteur de l'oscar du meilleur acteur en 1997 pour Shine, nommé 2 autres fois et tout simplement MA-GIS-TRAL dans le rôle de Lionel Logue.

Fin partielle du suspens le 25/01 avec l'annonce des nominations (la cérémonie aura lieu le 27/02).

Pour d'autres raisons d'ordre plus essentiellement esthétiques, je n'ai pas manqué d'admirer Guy Pearce qui joue Edward VIII et en qui je n'avais pas reconnu le flic beau gosse de L.A. Confidential. Shame on me. Cela dit, il est parfait aussi et très émouvant en hédoniste amoureux et écrasé par son destin.

Même si j'ai trouvé Helena Bonham Carter un brin trop cabotine, toutes choses égales par ailleurs, la qualité du casting est le véritable point fort du film. Firth et Ruh portent le film et tout dans leurs jeux respectifs, dans leurs attitudes, dans leurs regards, sonne magnifiquement juste et terriblement humain.

Et finalement, c'est pour ça que le film fonctionne, qu'on se laisse prendre même en ayant conscience de certains effets un tout petit peu appuyés (musicaux notamment) et de ficelles parfois un brin épaisses : parce que le film transpire d'humanité (à ne surtout pas confondre avec les bons sentiments), une humanité faite de grandeur et de faiblesses, de devoirs et de craintes, de sentiments muselés et de non-dits oppressants, de fragilité permanente et de volonté inflexible, d'angoisses aussi difficiles à surmonter qu'une montagne ne l'est à gravir.


Quelques liens

Critique positive (mais un peu trop narrative) sur Ca dépend des jours
Détails sur Allociné
Annonce de 14 nominations au Bafta (les Césars ou Oscars britanniques)
About Royalty raconte l'abdication d'Edward VIII
Wallis et Edward sur wikipedia
L'australien Lionel Logue sur le site de la ville d'Adelaide


Conclusion

Sortie le 02/02/11. Un film royal à voir absolument mais, c'est une évidence d'autant plus flagrante que le sujet porte sur le langage, impérativement en V.O.

4 commentaires:

LN a dit…

C'est le prochain film sur ma liste des films à voir :-)

Cécile Qd9 a dit…

@ LN : excellent choix !

Praline a dit…

Tout à fait d'accord avec toi Cécile, c'est un immanquable !

Anonyme a dit…

Je confirme. Ce film est une perle a double titre.
D'abord pour le scénario, les acteurs et la réalisation. Tout en sobriété et avec un rendu de l'atmosphère et du contexte incroyable.
Ensuite, parceque souffrant du même handicap, j'ai retrouvé toutes ces situations vécues et non-dites de souffrance trop souvent intériosées.
Ce film a une résonnance incroyable.
Le jeu de Colin firth est impressionnant.
J'ai trouvé ce film d'une justesse extraordinaire. Ni trop ni trop peu.
Bref, 20/20