Tu sais que tu es à Singapour (quand tu goûtes l'aliment le plus abject qui te soit tombé sous la dent)

Bonjour à celles et ceux qui ont déjà goûté un durian
Bonjour aux zotres

Faustine m'a demandé si j'avais goûté du durian. La réponse est OUI. Dans le métro de Singapour, on trouve ce genre de pancarte et je ne voyais pas du tout pourquoi il était interdit d'y transporter des durians. Mais à l'époque, je ne savais pas vraiment ce que c'était. Maintenant je sais !

Le durian est un fruit de la taille d'un gros melon (ou d'une petite pastèque) originaire de la toute proche Malaisie.


Les habitant(e)s de Singapour en raffolent au point de le surnommer king of the fruits. Eh bien croyez-moi, ces gens là n'ont pas le sens commun et les papilles gustatives drôlement peu exigeantes.
Le durian est tout simplement la chose la plus immonde, la plus radicalement répugnante, dégoûtante, infâme, odieuse, atroce (etc., je crois que vous saisissez l'idée) que j'ai goûté de ma vie.

Et encore, quand je dis goûté, j'exagère. Vous voyez le petit bout qui pendouille du lobe en bas à droite ? J'ai à peine mordu dedans et j'ai recraché illico. Et ça a suffi pour que j'ai des nausées pendant plusieurs heures ensuite. Il faut dire que j'ai bien été aidée en cela par l'odeur pestillantielle qu'exhale le fruit ouvert.

On peut tout reprocher au durian sauf une chose : ce truc n'est pas hypocrite, il prévient qu'il ne vaudrait mieux pas s'approcher et encore moins toucher (et encore moins toucher avec la bouche).

Ce fruit constitue une pure agression à 4 des 5 sens. J'ai beau me creuser la cervelle et malgré tout le mal que j'ai envie d'écrire, je dois bien avouer que le durian est silencieux. Pour le reste, c'est un festival.

Vu qu'on ne peut les transporter ni en métro ni en taxi et qu'il faudrait vraiment être idiot pour en mettre un dans sa voiture et, en conséquence, la polluer pendant quelques jours (oui, vous avez bien lu : en plus d'être horrible, l'odeur est ultra tenace), la plupart du temps, le durian est consommé dans quelques restaurants (comment flinguer un bon repas et une digestion à coup sûr !) ou sur place dans des stands prévus à cet effet. C'est d'ailleurs là que le directeur financier de la boite que j'auditais nous a emmené un soir, à la lisière d'un quartier réputé pour en avoir une mauvaise (réputation, suivez un peu !). Lui aime ça... prétend même se régaler mais je le soupçonne d'en avoir rajouté un peu par fanfaronnade car je n'ai pas lu l'extase dans ses yeux quand il engloutissait son durian.

Dès que nous sommes sortis de sa voiture, l'odeur est arrivée aussi forte que lorsqu'on a du munster trop fait qui traîne dans le frigo depuis 15 jours. Sauf que ça ne sent pas le munster (et le munster c'est bon !). Les anglo-saxons ont un mot de 4 lettres pour ça et sa traduction en comporte 5 chez nous. Formulé moins métaphoriquement, ça pue la merde comme on dit dans le Père Noël est une ordure.

L'odeur du durian est restée longtemps imprégnée sur moi après mon retour à l'hôtel et une douche salutaire. Le lendemain après-midi, en réunion dans le bureau du DAF, l'odeur est revenue, tenace, évidente, écoeurante dans son bureau : visiblement, il transpirait des pores de sa peau ! Il faut le sentir pour le croire et j'avais pensé qu'il plaisantait quand il nous avait prévenu un peu goguenard et plein de sous-entendus intestinaux "ce qu'il y a de bien avec le durian c'est que tu continues à vivre avec pendant plusieurs jours". Dès lors, j'ai détecté le durian partout où j'allais avant de le voir et il n'était pas toujours possible de contourner l'obstacle hélas.

En plus de puer, le durian est hérissé de piquants et les marchands de durian sont équipés de gants épais et de machettes pour les ouvrir. Ce gros fruit est donc une formidable arme par destination (aussi bien en tant que projectile que sur le plan chimique) et je n'aimerais pas m'en ramasser un sur le caillou. A ce qu'on m'a dit, dans les plantations, il n'est jamais cueilli mais uniquement ramassé au sol. On m'a également raconté que les fruits ne tombaient que la nuit et qu'on ne risquait donc rien à faire une sieste dans une plantation de durians... Je crois qu'on s'est gentiment moqué de moi et vengé de mon exécration de ce fruit car je n'ai rien lu qui confirme ce point.

En plus d'agresser le toucher et l'odorat, les photos ci-dessous suffisent à démontrer qu'il agresse aussi la vue. Ce fruit est foncièrement moche. En général c'est plutôt joli et photogénique un fruit. Songez à une fraise, une cerise, une pomme... C'est mignon tout plein non ? Eh bien quand on ouvre un durian, on a l'impression de se trouver face à des viscères ou un mollusque. Moi ça m'évoque le lobe de foie gras ou la moule géante sans compter que la chair peut être parsemée de traces grisâtres et de filets blanchâtres qui évoquent au mieux l'huître, au pire la moisissure : ce fruit se prend pour du roquefort ! (mais le roquefort c'est bon). Ce n'est pas net de prime abord sur la photo mais c'est bien là au milieu du lobe gauche.

L'aspect lui-même est donc répugnant et la consistance de chacun des lobes (il y en a 5 dans chaque fruit et chacun comporte 3 noyaux) évoque le corail de coquille saint Jacques, l'avocat ou le foie gras (mais tout ça c'est bon !).

Ce fruit n'est donc absolument pas aqueux mais crémeux et dense comme une panacotta sans, hélas, en avoir le goût. Parce que c'est bien ça le pire : c'est immengeable pour un(e) occidental(e) n'étant pas atteint(e) d'agueusie.

Comment dire ? Il est très difficile de décrire un goût surtout quand il ne ressemble à rien de ce qu'on connait déjà... Ce n'est ni sucré, ni salé, ni amer, ni acide. C'est douceâtre et fadasse avec un arrière goût de moisi et d'ail.

J'ai hésité à ramener en France un sachet de durian déshydraté (des chips en fait) mais le marchand m'a expliqué qu'une fois ouvert, l'odeur serait là. Et même dans le but de faire tester la chose lors du DLE du 25 avril, je ne me sentais pas la force de cette épreuve même si l'odeur n'est rien en comparaison du goût. Je me suis donc contenté d'un paquet de bonbons emballés individuellement et hermétiquement. En théorie... parce que lorsque j'ai ouvert le paquet, tout emballés qu'ils étaient, ces satanés bonbons puaient la couche de nourrisson à changer d'urgence.

Que les plus intrépides sachent qu'on peut trouver ce fruit en France. Sans doute pas à Maubeauge ou Carcassonne mais dans le 13e à Paris.

Vous allez dire que je fais ma chochotte, que j'en rajoute mais je vous assure que non et rien qu'en écrivant ce qui précède, j'ai l'estomac retourné, pas tant au souvenir de l'odeur qu'à celui du goût. Vraiment.

Ah oui, j'oubliais : en plus de tous les défauts énumérés plus haut, le durian coûte la peau des fesses.

Plus d'infos
Ici un article synthétique intéressant ou l'on compare l'odeur à celle d'une bouche d'égoût
Je vous conseille VRAIMENT de lire ce que Wikipedia raconte au paragraphe odeur et saveur !!!