mardi 18 août 2009

Voir Imouzzer (et s'enfuir)

Bonjour aux habitant(e)s d'Ismouzer
Bonjour aux zotres


Semaine méchante : jour 2/7

Parsssssssssskkkkeuh !

J'ai déjà dit
le jour même tout le mal que je pensais du lieu mais je crois nécessaire d'en remettre une couche !

Lorsqu'on arrive à Imouzzer, on se prend instantanément pour un personnage de Molière et on radote consterné(e) "mais que diable suis-je venue faire dans cette galère ?" La méchanceté et la mauvaise foi n'excluant pas un minimum de lucidité, je vais vous raconter comment je me suis retrouvée là à moitié (aux 3/4 ?) par ma faute.

Après 3 semaines de boulot à Casablanca (voir les moults messages, video et photos postés sur le sujet depuis juin notamment dans la section "autour des villes"), j'avais décidé, puisque j'en avais la possibilité et surtout l'envie, de prolonger mon séjour par une semaine de vacances (bien méritées comme dirait Clarika) à Fès la belle, l'historique, l'artisanale, la culturelle.


Mes penchants pour l'improvisations doublés de mon caractère désinvolte et velléitaire (j'avoue, j'avoue) ont eu raison du sérieux de mes préparatifs. Quelques agences de voyage m'avaient assurée que je trouverais à me loger sans mal sur place et je m'étais contenté de cela, débarquant sans point de chute à Fès et comptant sur l'aide des taxis locaux pour trouver un toit dans la Médina ou à côté.

Soit. Sauf que :
a - je suis partie avec quelqu'un avec qui je ne suis pas mariée et, circonstance agravante, non occidental (un marocain quoi...). Or les hôtels au Maroc exigent un certificat de mariage pour accorder une chambre à deux personnes de sexes différents surtout si l'un des deux présente des signes extérieurs de musulmanisme (apparemment les homosexuel(le)s n'ont pas à prouver qu'ils/elles sont pacsé(e)s c'est même plutôt déconseillé...),
b - nous sommes arrivés un dimanche (donc agences de voyages et immobilières fermées),
c - j'avais laissé mon ordinateur à Casablanca (donc pas de connexion wifi pour recherches un peu tardives que j'aurais très bien pu (et dû) faire depuis mon hôtel à Casa),
d - nous sommes mi-juillet et ce n'est pas spécialement une période sans touristes,
e - je ne parle pas arabe et j'ai donc largement délégué l'aspect "tractation avec un chauffeur de taxi sympa" au charmant Mister 7 et, retrospectivement je n'aurais pas dû mais en même temps comment faire autrement ?

Après 3 minutes de discussion avec un seul chauffeur (erreur de débutant(e) mais, une fois de plus, comment pouvais-je savoir, je ne comprenais pas ce qui se disait !!!), Mister 7 me fait monter dans un petit taxi (machin rouge français ou japonais ou italien pour 3 personnes maximum desservant les trajets intramuros uniquement) et il m'explique : "à Fès ça va être très compliqué de trouver une chambre aujourd'hui (rapport aux points a, b, d) et donc, c'est mieux d'aller dans un village juste à côté où il y a des appartements modernes à louer avec tout le confort, la climatisation, la télévision. Il va nous conduire à un endroit où on va prendre un grand taxi (voiture allemande blanche où l'on entasse 6 passagers avant de songer à démarrer, réservée pour les trajets hors des villes) et le chauffeur va nous emmener à l'appart.

Mouais. De cette affirmation, je ne saurai jamais la part de ce qui a réellement été affirmé par le chauffeur et celle de ce qui a été interprété (fantasmé) et mal compris par mon guide un brin trop naïf et somme toute totalement inexpérimenté en matière touristique. Il conclut l'échange en souriant comme s'il avait mené la tractation du siècle : "Il veut 20 dirhams pour le service". Tu parles, l'arnaque oui ! La course aurait coûté moins de 10 s'il avait mis le compteur en marche mais je ne suis pas à un euro près. Soyons folle, c'est les vacances.

Méfiante je demande toutefois : "c'est à combien de kilomètres ?"
Réponse : "je sais pas". Il demande et moi je doute plus encore et je m'énerve parce qu'il me semble que c'était la première question à poser et surtout parce que je ne maîtrise rien du tout et je n'aime pas ça dans l'absolu. Il me traduit la réponse : "20 km" et là je fais la grimace car selon mon échelle personnelle des distances cela ne correspond pas vraiment à ma définition de "juste à côté".

Mais nous roulons déjà et même si je dis "mais moi je ne veux pas habiter en dehors de Fès. Qu'est-ce qu'on va foutre le soir à la campagne ?", Mister 7 (qui, je l'avoue, a plus de tact que moi) me fait comprendre en termes très édulcorés que je suis une saucisse (ou plutôt une merguez 100% sans porc) de ne pas m'être occupée du logement à Casa et que de toute façon vu le prix ridicule des taxis (certes) on peut faire les trajets tous les jours (re-certes).


Sauf que moi ce n'est pas le prix qui me fait tiquer mais la distance et le temps. Mais je digère la vanne charcutière hélas bien méritée (comme redirait Clarika). Nous roulons et j'arrête de ronchonner surtout que Mister 7 m'avait bien fait comprendre la veille (dans une phrase commençant par "ne te fâche pas..." comme si c'était mon genre...) que ne parlant pas arabe je n'avais aucune chance de mener efficacement la moindre négociation. Par tact encore il n'avait rien ajouté sur mon absence de couilles mais il était très implicite que mes ovaires n'arrangaient rien à l'affaire.
Pendant tout le trajet dans le grand taxi, Mister 7 papote avec le chauffeur. Ils ont l'air copains comme cochons (enfin comme moutons) et ça aussi ça me fout en rogne parce que je ne pige que dalle et qu'ils ont à peu près autant envie de m'inclure dans la discussion que de faire 50 pompes à poil dans un champ d'orties boueux. Je fais ma tête de lard (ou plutôt de saucisson de boeuf) et je hurle intérieurement en songeant que les vacances commencaient vraiment en eau de boudin (ou plutôt en tas de boulettes).

Je trouve le temps d'autant plus long que sans avoir un compteur kilométrique dans les fesses et une pendule dans le cerveau (une horloge biologique dans le ventre ça suffit) je me rends compte qu'on a largement dépassé les 20 km annoncés. En outre, je n'avais pas réalisé qu'on était vraiment sur les contreforts de l'Atlas (je pensais que c'était juste une expression pour faire joli). En conséquence la route tournait, retournait, montait, descendait (enfin plutôt montait à l'aller et descendait au retour) en spirales certes esthétiques mais ralentissant sérieusement la conduite. Une heure et 36 km plus loin, nous arrivions enfin à Imouzzer ! Terminus tout le monde descent.

Deux constats s'imposent : c'est hyper escarpé et c'est très moche et j'ai de plus en plus de doutes quant aux informations fournies par le chauffeur de taxi.

En guise d'appartement avec tout le confort "moderne" (mot apparemment magique au Maroc) et tout et tout, nous débarquons chez l'habitant dans une maison fort spatiate mais relativement propre. On nous montre ce qui semble être le salon familial/chambre du fils aîné avec TV comme promis mais surtout sans la moindre porte (elle vient de me tomber sur la tête), sans salle de bain (c'est pourtant la douche froide), sans chance d'intimité, sans lit pour deux. Arghhh. Ce dernier point étant unanimement (c'est déjà ça) ressenti comme tout à fait rédhibitoire, nous repartons en remerciant (sic).

Le deuxième logement que nous visitons est largement pire que le premier et me fait réaliser que parfois, pas de salle de bain du tout vaut mieux que... heu... que quoi d'ailleurs ? Que la répulsion immédiate face à la crasse, aux moisissures, aux cheveux collés un peu partout et la certitude profondément ancrée que jamais je ne laverai le moindre centimètre de ma personne dans cet endroit qu'il convient de fuir comme la peste.

Une fille hyper mal aimable nous annonce un prix supérieur à celui d'un Formule 1 en France. J'hallucine mais je reste étonnemment zen. Je ne hurle pas, je négocie réalisant que l'enfer à côté ça ressemble à la Mamounia avec David Bowie, Depeche Mode et les Sisters of Mercy en concert, Keanu Reeves pour me masser et Brad Pitt pour m'éventer (ou l'inverse suivant compétences réciproques).

Côté chiottes ce n'est pas mieux. La chasse d'eau est là juste pour décorer. A l'odeur et à la couleur du fond de la cuvette, on comprend que ça fait un bail. Quelque part, je ne peux m'empêcher d'être presque admirative face à l'état du carrelage car je ne vois pas comment on peut obtenir un tel résultat de saleté même en ne nettoyant que tous les 29 février.

L'heure tourne et, tout en réalisant que je suis coincée là au moins pour une nuit, je songe que même avec un logement décent je n'ai aucune envie de rester plus longtemps dans ce bled pourri, paumé, horrible, déprimant qui, s'il n'est pas tout à fait le trou du cul du monde, y ressemble plus qu'à la perle de l'Atlas. Je capitule et je décide de passer la nuit dans ce cauchemar pour phobiques microbiens et parano de la propreté (ce que je ne suis pas du tout) où l'on nous annonce fièrement qu'une cuisine est à notre disposition comme s'il était concevable que nous envisagions de faire bouillir le moindre centilitre de flotte dans ce cloaque !

J'avoue que dans ma décision de rester entrait une petite part de vengeance (masochiste certes puisque j'en étais victime aussi), genre "ah, c'est mieux d'être au calme en dehors de Fès ? Ah ! tu vas voir mon cochon (ou plutôt mon poussin) si c'est mieux d'être au calme en dehors de Fès ! Ah, il ne fallait pas que je me fâche et il fallait que je me taise pour te laisser négocier. Eh bien tu vas voir ce que tu vas voir demain quand moooaaa je vais négocier !" C'est mesquin, je sais, mais j'avais tout de même avalé un certain nombre de couleuvres en peu de temps et il fallait bien que je les recrache d'une manière ou d'une autre.

Quand on a vu la salle de bain, la chambre paraît, comment dire... presque humaine avec son armoire branlante aux portes et au miroir cassé et faute d'y dormir sereinement, j'envisage très sérieusement d'y faire autant de cochonneries (ou plutôt de galipettes) que possible.

Une fois délestés de nos sacs et d'un nombre de dirhams hallucinants (pas dans l'absolu bien sûr mais par rapport à la "qualité de la prestation"), nous avons encore le chauffeur de taxi sur les bras. Il nous colle au train et impossible de s'en débarrasser sans le subir au déjeuner ! Sic. Là encore, je constate que si j'avais parlé arabe les choses se seraient passées fort différemment car je l'aurais envoyé paître au lieu de me coltiner sa présence et le choc culturel/éducatif/sexiste qui me fait expérimenter un comportement masculin que je n'ai jamais connu de ma vie et que j'exècre, que je refuse viscéralement de tout mon être et que je subis pourtant de façon que je juge humiliante et révélatrice. Ca remet direct certaines de mes idées en place tant je suis convaincue que jamais cette scène totalement irrespectueuse n'aurait été possible dans mon monde et selon les codes de conduite qui y ont cours. Pendant tout le repas les deux hommes parlent entre eux en arabe sans m'accorder le moindre regard, sans me traduire le moindre mot : je suis pire que traitée en inférieure, je suis transparente, je suis niée, je n'existe pas !

Plus de 30 ans de conscience féministe (ça m'a prise jeune) pour en arriver là ! A ce moment là, je suis intimement convaincue que la barrière linguistique n'est pas la principale responsable de la situation et je me dis : "ma fille souviens-toi de cette leçon toute ta vie et savoure la chance que tu as de vivre en France, dans un milieu mixte non phallocrate, et de ne subir ça qu'1/2 heure dans ta vie comme une sorte d'épreuve ethnologique et édifiante".

Après une engueulade/mise au point digestive qui, je pense, permet à Mister 7 d'en savoir un peu plus sur les femmes françaises et leur célèbre caractère de cochon(ne) (ou plutôt sur leur forte personnalité), il est tant de visiter Imouzzer !

Bah, c'est assez vite fait et ce pour 4 raisons :
a - c'est petit,
b - il n'y a vraiment pas grand chose à voir,
c - le peu qu'il y a à voir est moche,
d - les rues sont en pente raide et il doit faire près de 40 degrés à l'ombre sans un poil d'air ce qui réduit considérablement les vélléités de promenade.

Du coup nous préférons chercher un café potable pour boire un jus d'orange... enfin... surtout pour trouver des chiottes correctes et un lavabo où on ne se salirait pas les mains en tentant de se les laver. Cette halte hygiénique accomplie, nous sommes aussi heureux que si nous avions vu Madonna en show privé et nous tentons de trouver un vague truc à acheter dans la mini-médina locale. Là encore peine perdue. Même en déployant des trésors d'imagination, il est impossible de dépenser son argent en souvenirs à Ismouzer. Les tentations les plus folles sont les pastèques, les cornets de glace et les paquets de cigarettes. J'ai presque la tentation de commencer à fumer.

Si Imouzzer était une case du Monopoly se serait la prison et au jeu de l'oie ce serait le puits ! Bon, je noircis un peu le tableau (bah oui, sans un brin de mauvaise foi ça ne serait pas drôle). Il y a quand même un Kodak point à Izmouser : la mosquée sur fond de vallée. Encore faut-il savoir cadrer une photo !!!

J'avoue avoir pris l'aventure avec une zénitude qui m'étonne moi-même et au moins a-t-elle eu un effet positif. Je me suis précipitée dans le cyber du coin (dans le moindre bled marocain il y a un cyber) et 4 minutes 56' plus tard j'avais une liste détaillée d'adresses et de n° de téléphone de riads dans le centre historique de Fès ! Et quelques secondes plus tard un rendez-vous pour le lendemain matin aux portes de la médina pour visiter une chambre. Un seul coup de fil a suffi ! ("très compliqué" qu'il disait, mon c.. heu... oeil !)

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que si j'ai opté à Fès pour un chouette riad avec piscine (dont je reparlerai au cours d'une prochaine semaine gentille), c'est par contre-coup, pour me laver les déceptions de cette journée et noyer jusqu'au souvenir du nom d'Issoumer, Imoussir, Izimour, Izm... ? Izzz ? Iz quoi déjà ?

5 commentaires:

Faust'in a dit…

Six o'clock
On the autoroute
Burning rubber, burning chrome
Bay of Cadiz and ferry home
Atlantic sea cut glass
African sun at last
Lights.. flash past
Like memories
A speeding head, a speeding heart
I'm being born, a bleeding start

The engines roar, blood curling wail
Head first then foot
The heart sets sail

Non, c'est juste que Fès me fait penser aux paroles de "FEZ-Being Born" de U2, mais demain, promis je reviens et je lis tout :))

TdE a dit…

Eh ben ça alors, c'est vraiment excellent et jubilatoire à lire. A vivre, je ne sais pas, mais je me doute que ça doit être un peu différent. J'ajouterais bien que je pense que tu as un poil exagéré, mais il y en avait suffisamment comme ça dans le lavabo, si je comprends bien.

Je suis épaté par le nombre d'allusions cochonnes que t'inspire un bled paumé dans un pays qui interdit aussi bien la charcuterie que les parties de jambes en l'air non conformes au code de procédure pénale coranique. Ils ne savent pas ce qu'ils perdent...

Océane a dit…

Je vais me servir de toi comme d'un carnet de voyage pour préparer le mien :)
Et j'apprends plein de mots nouveaux :)

Cécile Qd9 a dit…

@ Faustine : je vais bientôt parler de Fès (mais comme je n'ai rien de méchant à dire sur le sujet ce ne sera pas cette semaine)

@ TdE : j'ai un poil exagéré mais pas à propos de la salle de bain. Bizarrement, au final, je suis plutôt contente de ma journée Izmoussirienne

@ Océane : heu... tu as bien compris qu'il NE faut PAS aller à Izmousser, hein !!!

liliba a dit…

Je ne sais pas si je risquerais de partir en vacances avec toi à l'étranger, mais à lire, c'est délectable...